Millau : au cœur d’une nuit de patrouille avec la brigade anticriminalité
Le service de la police nationale continue son travail de l’ombre en plein confinement.
Le rendez-vous est donné à 17 h 30 autour d’un café pour étudier les plaintes de la journée et définir la stratégie de ce vendredi soir, censé être la soirée la plus dynamique de la semaine. "Mais il n’y a pas vraiment de règle dans la profession", nuance David, le "balaise" du groupe, notamment passé par la Compagnie républicaine de sécurité (CRS) de Vélizy, "en costard cravate" pour assurer la sécurité de hautes personnalités comme Sarkozy ou Hollande.
Les connaissances sont faites et la relation de confiance est établie, "primordiale" dans le milieu. Il est 18 heures quand les quatre "bacceux", s’équipent de leurs gilets pare-balles, lampes torches, et armes de poing pour quitter le confort du commissariat pour braver la nuit qui tombe sur la cité du gant.
"Nous sommes tous formés pour la tuerie de masse de niveau 2, explique Murad, le responsable de la patrouille. Équipés du bouclier balistique, du gilet pare-balles et du casque lourd, on atteint facilement les 50 kg de matériel." Les quelques kilos du gilet pare-balles semblent dérisoires et apportent même un peu de chaleur en cette soirée automnale.
Sébastien, le chauffeur du soir, reste en tenue, histoire "de gagner du temps sur une intervention et éviter des malentendus". Nicolas l’accompagne pendant que Murad et David, " en pédestre", sillonnent le centre-ville. À peine partis qu’ils contrôlent un jeune homme rue Droite. Crise sanitaire oblige, vérification de l’attestation de déplacement et port du masque font désormais partie de leur quotidien. Simple rappel à l’ordre pour la personne contrôlée pourtant pas en règle, après "avoir vérifié qu’il n’était pas récidiviste".
Les deux hommes repartent d’un bon pas vers la place du Voultre, "un point sensible", avant de se diriger vers La Capelle, puis la rue Louis-Julié, où la répression remplace l’indulgence. Une personne, déjà "croisée il y a quelques semaines", est interpellée pour le non-port du masque, sans attestation, et en possession "d’une crotte de nez de résine de cannabis" de 40 grammes.
Murad appelle Sébastien pour véhiculer l’interpellé jusqu’au commissariat et remplir les procédures, ce qui prendra une grosse demi-heure avec un matériel capricieux. "Ce qu’on passe comme temps ici, on ne le passe pas sur le terrain", déplore Nicolas.
La personne interpellée repart en même temps que les bacceux. Cette fois Murad accompagne Sébastien à Malhourtet pour fouiller des caves. "La recherche du flagrant délit et son adrénaline nous font vibrer, concèdent les deux hommes. Dans nos carrières, là où nous sommes passés, les faits nous tombaient sur les bras. À Millau, c’est un grand village où il faut chercher mais tout se sait." Pour ça, ils peuvent compter sur des "tontons", des indicateurs qui donnent "à boire et à manger". La période de confinement et la baisse d’activité leur permettent ainsi d’approfondir les recherches sur le terrain. Mais le tour des blocs est interrompu pour un renfort sur violence conjugale dans le centre-ville. Après vérification auprès du couple, il n’en est rien. Le petit groupe s’accorde une pause pour se restaurer au commissariat. Il n’est pas encore 22 heures qu’il faut repartir dans les ténèbres, pour "côtoyer la misère humaine" jusqu’à 2 heures du matin, avant une nouvelle journée de nuit, pour " de nouvelles surprises".
Le sentiment d’un manque de reconnaissance
La brigade anticriminalité de Millau dispose d’un effectif de quatre hommes depuis quelques années, contre six auparavant, faute de départ à la retraite ou mutation pas compensées. Réglementairement, ils doivent être deux par patrouille et trois hommes minimum par nuit. « Donc quand tout le monde n’est pas là, ça peut être compliqué », explique-t-on. Les repos sont fixés le dimanche et lundi sauf quand il y a des grosses manifestations ou alors le cycle en 4-2 peut être choisi, c’est-à-dire qu’un fonctionnaire travaille six week-ends pour un week-end de repos.
Les quatre hommes déplorent aussi une certaine méfiance de la population. « Depuis trop longtemps, notre profession dépend de décisions politiques, on ne voit pas à longs termes, développe Nicolas. On est un peu comme une zone tampon de la société. »
Au-delà des conditions de travail difficiles et parfois dangereuses, le corps de police, le seul à répondre à une nécessité d’entretien physique, la vie de famille reste compliquée à concilier. « On n’est pas des surhommes. Il faut être un flic pour comprendre un flic. »
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