Rodez : l’heure de vérité sur l'incendie du Bowling du Rouergue ?
Un quadragénaire aveyronnais comparaît dans l'après-midi de ce vendredi 20 novembre devant le tribunal de Rodez pour l’incendie volontaire du Bowling du Rouergue, au mois de juillet 2018. Il encourt jusqu’à dix ans de prison. Retour sur une affaire qui a dépassé les frontières de l’Aveyron.
C’était une époque où on pouvait encore danser. Le dernier dimanche de juillet 2018 où la France n’avait toujours pas fini de fêter sa victoire à la coupe du monde de football sur l’air de "ramenez la coupe à la maison". Un dimanche où comme à son habitude, le Bowling du Rouergue avait fait le plein, à table comme sur la piste. Ce sera la dernière soirée. à trois heures du matin, Jean-Pierre Bastide est réveillé par les aboiements de ses chiens. En jetant un œil vers son établissement, il aperçoit une épaisse fumée noire se dégager des cuisines. L’alerte est donnée en même temps que les premières flammes surgissent de la toiture. Mais il est trop tard, le célèbre "Bowling", cette institution installée sur la commune d’Onet-le-Château, qui traverse les générations sans prendre de l’âge, s’embrase. Les sapeurs-pompiers resteront au front toute la nuit. Une partie de l’hôtel est sauvée, le reste n’est que décombres. La salle de restaurant, le bar, les 12 pistes de bowling, l’entrée et ses souvenirs encadrés, tout a disparu dans l’incendie.
"C’est 40 ans d’une vie qui partent en fumée, c’est très dur, j’avais tant de souvenirs", confie Gilbert, patriarche de la famille, de retour précipité de vacances en Espagne. L’Aveyron pleure également l’un de ses emblèmes, érigés par certains au même niveau que le viaduc de Millau. Durant ce temps, la police scientifique de Toulouse est dépêchée sur place. L’hypothèse d’un incendie volontaire est rapidement évoquée, l’établissement ayant été victime de tirs à l’arme lourde sur sa façade deux ans auparavant – personne n’a été inquiétée jusqu’à ce jour dans cette affaire. Elle sera confirmée une semaine plus tard par le parquet de Rodez après la découverte de traces d’hydrocarbures dans la cuisine, zone du départ du feu. Douze mois seront ensuite nécessaires aux enquêteurs de la police ruthénoise et du SRPJ de Toulouse pour remonter une piste, comme on dit dans le jargon.
Une banale histoire de soirée un peu trop arrosée à l’origine ?
Elle les mènera jusqu’à Ismaël E., un Aveyronnais âgé de 39 ans, déjà connu pour des faits de droit commun : vols, outrages, extorsion, conduite sans permis… Le 25 juin 2019, il est interpellé dans l’Hérault et placé en détention provisoire. Durant sa garde à vue comme lors de ses auditions face aux magistrats, ce père de famille, présenté à tort comme un ancien employé de l’établissement, nie farouchement être l’auteur de l’incendie. Mais pour les enquêteurs, cela ne fait plus de doute : des témoignages le désignent comme présumé coupable et un mobile apparaît. Celui de la vengeance. Quelques mois avant l’incendie, en mars 2018, l’homme a été éconduit de l’établissement lors d’une soirée un peu trop arrosée. Face au personnel de sécurité, il se serait alors montré menaçant… Jusqu’à passer des paroles aux actes ? Le tribunal de Rodez en jugera cet après-midi. S’il est reconnu coupable, il encourt jusqu’à dix ans d’emprisonnement pour "destruction de bien d’autrui par un moyen dangereux". La peine maximale en correctionnelle, alors que l’homme aurait aussi bien pu se retrouver devant une cour d’assises s’il y avait eu des blessés lors de cet incendie. Actuellement incarcéré à Druelle dans le cadre d’une autre affaire (lire par ailleurs), Ismaël E. sera défendu par Me Carmelo Vialette, avocat du barreau de Nîmes. "Il y a des failles dans cette enquête", nous a-t-il déjà confiés. Sur les bancs de la partie civile, il sera surtout question de "tourner la page de cette affaire" pour la famille Bastide. Elle prévoit d’inaugurer son nouveau Bowling du Rouergue l’an prochain. La juge Sylvia Descrozaille, habituée à mener les débats lors de lourds dossiers, présidera l’audience.
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