"Prédateur" ou sauveur: télévisions et producteurs divisés sur le rôle de Netflix en France

  • Le gouvernement est en train de finaliser un décret qui contraindra les plateformes de vidéos en ligne à contribuer au financement de la production française, sur le modèle des obligations des chaînes traditionnelles.
    Le gouvernement est en train de finaliser un décret qui contraindra les plateformes de vidéos en ligne à contribuer au financement de la production française, sur le modèle des obligations des chaînes traditionnelles. Olivier DOULIERY / AFP
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Relaxnews

(AFP) - Les grands diffuseurs et producteurs de films et séries en France ont une position diamétralement opposée face à l'essor des plateformes de vidéo à la demande comme Netflix, dont le statut et les obligations sont sur le point d'être réglementés.

Dans la "course" contre Netflix, mais également les services vidéo d'Apple ou d'Amazon, "on a un peu du mal à lutter", a reconnu jeudi le PDG de TF1 Gilles Pélisson, lors d'une table ronde au Festival Médias en Seine. Vu leur capitalisation boursière, c'est "plus que des géants, certains les appellent des ogres, en tous cas vraiment des prédateurs".

Pour équilibrer le rapport de force et transposer les nouvelles directives européennes sur les services de médias audiovisuels (SMA), le gouvernement est en train de finaliser un décret qui contraindra les plateformes de vidéos en ligne à contribuer au financement de la production française, sur le modèle des obligations des chaînes traditionnelles.

"On peut se féliciter que l'Etat ait choisi de faire contribuer les plateformes. On va en bénéficier avec Newen", la filiale de production du groupe TF1, estime M. Pélisson.

Mais les chaînes craignent que l'arrivée des plateformes, avec à la clé une manne d'entre 250 et 500 millions d'euros pour la production, ne les mette hors jeu.

Elles demandent notamment d'alléger des règles qui leur interdisent d'exploiter à l'étranger les productions qu'elles financent en France, et que Netflix ne gagne pas en échange de sa contribution une place trop privilégiée dans la chronologie des médias, c'est-à-dire la possibilité de pouvoir diffuser plus ou moins vite une oeuvre après sa sortie.

"Ce que nous demandons, c'est une égalité de traitement qui n'a pas lieu aujourd'hui", a appuyé Nicolas de Tavernost, président du directoire du groupe M6, lors de la même table ronde. "Il ne faudrait pas, pour absolument afficher un accord avec les Gafam (les géants technologiques américains comme Google, Apple, Facebook, Amazon et Microsoft NDLR), qu'on s'aperçoive un an après qu'on leur a fait une définition sur mesure qui a déstabilisé l'ensemble du système."

- Esthétiques plus "spectaculaires" -
"On a l'impression qu'on a tous compris ce qui allait se passer, sauf l'Etat", considère pour sa part Maxime Saada, à la tête du groupe Canal+, qui se dit pourtant "très positif" à l'égard des plateformes: "on travaille avec tous et on les distribue".

Le danger vient aussi de la concurrence pour les comédiens, selon la présidente de France Télévision Delphine Ernotte. "C'est une vraie menace, il ne faudrait pas que tous les grands talents soient privatisés au profit de grandes plateformes étrangères."

La position était tout autre côté producteurs et studios, représentés lors d'une autre table ronde. Lors du tournage de la série Le Bazar de la Charité, "l'apport de Netflix m'a un peu sauvé", a ainsi déclaré Iris Bucher, PDG de la société de production Quad Drama.

La participation du géant américain aux côtés de TF1 "a permis de ne pas revoir à la baisse notre exigence, ce qui aurait conduit à une série moins flamboyante. TF1 a pu mettre un produit à l'antenne à la hauteur et pour Netflix, c'est une série qui a trouvé son public en France et à l'international".

"L'arrivée de Netflix a élevé le niveau de la création en France", a jugé le cofondateur de Mediawan, Pierre-Antoine Capton. "Les plateformes ont cette vertu de permettre à vos oeuvres d'être connues à l'international", affirme le groupe.

"On était un pays un peu vieux et un peu ringard dans l'audiovisuel. Avec ce nouveau décret, nous sommes en train de préparer une phase où nous serons beaucoup plus créatifs", s'est même enthousiasmé Pascal Breton, PDG du studio Federation Entertainment. Les plateformes vont amener des "acteurs plus jeunes, des esthétiques plus spectaculaires. Et dans 10 ans, on aura doublé notre volume et notre qualité."

Le principal intéressé, Netflix, qui revendique 6,4 millions d'abonnés en France, a rappelé pour sa part qu'il "est depuis 2014 un acteur important de la production originale française".

"En 2020, on a lancé plus de 20 projets (films, séries, documentaires, projets d'animation", a présenté son directeur du développement Damien Bernet, qui a installé en janvier une filiale en France avec 60 personnes, pour "lancer plus de projets en 2021".

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