Rullac-Saint-Cirq : Michel Bouteille, sabotier bon pied bon œil
À Rullac-Saint-Cirq, la famille Bouteille a marqué de son empreinte toute une génération d’utilisateurs de sabots ou de galoches. Joseph, le père, a lancé l’aventure en 1912, reprise ensuite par Gilbert avant de se retrouver entre les mains de Michel depuis 1992. À 78 ans, façonné dès son plus jeune âge à l’utilisation des machines et des outils spécifiques, il perpétue un savoir-faire et une tradition qu’il partage bien volontiers. Par passion.
Dans son atelier, installé à Fabrègues, commune de Rullac-Saint-Cirq, le temps semble s’être arrêté au début du XXe siècle. Les deux machines Guilliet (le copieur et le creuseur) - fabriquées autrefois à Auxerre - ont vu passer d’innombrables morceaux de bois, mais elles ronronnent toujours aussi bien lorsque Michel Bouteille actionne le levier de commande. Les étagères débordent de paires de sabots, les établis où tournoient les outils tels que le paroir, la cuillère à creuser, la rainette sont également marqués par des années d’efforts et de savoir-faire tandis que la dernière machine à coudre Singer n’attend que le cuir pour se dégourdir la courroie.
Une carrière de facteur
La saboterie de Fabrègues ne manque donc pas de charme, bien aidée par un artisan passionné de 78 ans qui est tombé tout jeune les deux pieds dans les sabots. Car, avant Michel, c’est son père, Joseph, qui a donné ses lettres de noblesse à un métier aujourd’hui rangé dans la case « d’autrefois ». « Du Tarn voisin, mon père est arrivé à Rullac en 1912 où il a créé cet atelier. Sabotier, maître bottier, galochier, il employait trois ouvriers. Lui assurait les finitions et les ventes sur les foires. Il y a consacré toute sa vie jusqu’à son décès en 1960. J’ai grandi ici entre le bois et les machines. J’ai eu de la chance d’apprendre ce savoir-faire. Et d’autres subtilités comme l’affûtage, la forge… »
Pour autant, il ne prend pas la suite de son père, laissant la place à Gilbert, son frère aîné. « Les sabots n’étaient plus dans l’air du temps. Mon frère a “vivoté” jusqu’à son décès accidentel, en 1984. » Lui est entré à La Poste comme facteur avec un début de carrière à Paris (Montparnasse, Clamart entre autres) avant d’être muté, en juillet 1968 - « j’ai vécu la période de mai-68 et j’avoue que j’ai eu peur, sans ça, avec mon épouse, nous serions restés à Paris » -, à Salles-Curan.
Partager des moments…
C’est en 1992 qu’il est devenu propriétaire de la maison familiale où se trouve l’atelier. À partir de là, il s’est remis à couper du bois : du hêtre, du noyer et de l’aulne. « J’ai tout remis en route et j’ai même été obligé d’usiner moi-même des pièces des machines Guilliet car, depuis 1952 et l’arrêt de leur fabrication, il était difficile d’en trouver. » Sabots de toutes les tailles, brouettes et cèpes de décoration, boules de quilles en racine de noyer, Michel Bouteille perpétue ainsi la tradition. Tout en réalisant des démonstrations. « J’accueille des visiteurs dans mon atelier, même si depuis le mois de mars et le début de la pandémie, je me sens bien seul ! Sinon, je participe à des marchés de Noël, des foires d’exposition… Là où mon activité peut susciter de la curiosité et générer des ventes. C’est un petit peu le cas en Aveyron, mais surtout dans le Tarn et le Tarn-et-Garonne. » Et les commandes pour le moins saugrenues ne manquent pas ! « Une fois, on m’a demandé des sabots bêcheurs. Le but était de réaliser l’extérieur un peu plus épais afin que le jardinier puisse appuyer fortement sur la bêche. Une autre fois, des sabots du braconnier avec tout simplement le talon devant et la pointe derrière. Les gens comprendront pourquoi ! Sinon, un futur marié s’est retrouvé devant l’autel avec une paire de sabots et il n’était pas au courant bien entendu. »
Le sabotier ronge actuellement son frein, espérant une année 2021 bien meilleure en termes d’échanges. Car, sa finalité est avant tout de partager des moments avec des gens avides de découvrir un métier d’antan. En attendant, depuis quelques semaines, il a affûté sa tronçonneuse. « Lune vieille, vent du nord, c’est le moment de couper le bois. Je fabrique mes objets et, ensuite, je les laisse sécher pendant cinq-six mois… » Histoire d’être prêts à rejoindre sa remorque de sabotier ambulant juste avant l’été…
J'ai déjà un compte
Je me connecteSouhaitez-vous recevoir une notification lors de la réponse d’un(e) internaute à votre commentaire ?