Sofian Bouchfira : un Aveyronnais sur les traces des Bougnats de Paris
Originaire de Bozouls, le doctorant en sociologie se donne trois ans de thèse pour creuser lesmystères de la communauté des Aveyronnais de Paris, des bougnats d’hier à la diversité des profils d’aujourd’hui : comment les définir ? comment la communauté est-elle organisée ? Sa recherche, ouverte à contributions, est cofinancée par le Département.
C’est une histoire qui a traversé les décennies "de discrétion en discrétion" : l’épopée des Aveyronnais de Paris, depuis les premières générations de bougnats jusqu’à aujourd’hui. Chaque Aveyronnais détient un morceau de cette histoire, mais les études scientifiques s’en sont progressivement éloignées depuis les années 1970. Du haut de ses 26 ans, Sofian Bouchfira a décidé de s’y atteler à nouveau : de "combler un vide" et de "revisiter" un terrain d’études à la croisée de la sociologie et des sciences historiques, qui empruntent à l’ethnologie, pour "quantifier et qualifier la communauté aveyronnaise de Paris, son organisation et son évolution".
Ce pan de l’histoire locale, il dit "regretter" de ne pas l’avoir apprise ou entendue à l’école. S’il a décidé d’archiver cette matière, encore largement orale, c’est pour "amener à d’autres travaux" comme l’on raviverait une flamme qui menacerait de s’éteindre. Son projet de thèse, Sofian Bouchfira le mûrit depuis quatre ans. Depuis qu’un ami "bac +5" lui a dit : "Je monte à Paris". Alors, il achète "L’Exode rouergat" de Roger Béteille et commence à prêter une oreille attentive aux références parisiennes.
L’importance du réseau aveyronnais à Paris
"Je sentais qu’il se passait quelque chose d’intéressant", se souvient l’intéressé. Un temps stagiaire aux côtés du député Arnaud Viala, Sofian Bouchfira touche du doigt l’importance du réseau aveyronnais à Paris. Il accumule les documents, et noircit des cahiers de contacts. "Je n’ai pas attendu de trouver un directeur de thèse pour me lancer dans l’enquête préliminaire, sourit l’étudiant. J’ai écrit à un ami patron de bar, je lui ai dit : "Je sais porter un plateau, je peux venir ?" Il a accepté. Je suis devenu garçon de café, je vivais à l’Oustal des Aveyronnais dans le 12e et je jouais au foot avec le club des Aveyronnais, le Cantou. C’est la méthode de l’observation participante, au cœur de la communauté." En plusieurs mois, et sans financements, la matière à étude s’accumule plus que de raison.
Vertige
L’école des Hautes études en sciences sociales (EHESS), son "rêve", s’ouvre ainsi à lui. Sofian Bouchfira a officiellement débuté sa thèse en octobre dernier, sous la direction d’Isabelle Backouche. Son contrat court jusqu’en octobre 2023, "et peut-être au-delà". Rejoint par le Conseil départemental de l’Aveyron, le Bozoulais a ajouté "un autre sens" à sa recherche. "Le Département, via son programme "L’Aveyron recrute", a envie de connaître les migrations et cette communauté des Aveyronnais de Paris, explique Sofian Bouchfira. En étudiant l’hétérogénéité des profils que l’Aveyron envoie à la capitale, je vais pouvoir quantifier et qualifier la richesse de ces talents car le Département veut renouer le lien." Ce lien, Sofian Bouchfira le tisse petit à petit grâce aux réseaux sociaux. Présent sur Facebook et Instagram, sous le pseudo "Le Bougnatlosophe", il partage les coulisses de ses recherches, ses pépites dégotées à la Bibliothèque nationale de France et ses anecdotes glanées dans les rues de Paris, où le Rouergue a su se glisser allègrement. Parfois "pris de vertige" devant l’ampleur du travail qui l’attend, Sofian Bouchfira entend contribuer fidèlement, en l’éclairant, à la plus collective des histoires aveyronnaises.
Récits de vie, archives, connaissances : à vous de jouer
Comme Roger Béteille dans les années 1970, Sofian Bouchfira compte sur les Aveyronnais, d’ici et d’ailleurs, pour cheminer dans sa recherche. Toute archive personnelle, qu’il s’agisse de lettres ou de photographies, tout témoignage ou toute connaissance sont les bienvenus. « J’ai besoin du moindre élément pour refaire le puzzle d’une histoire distendue avec le temps », explique celui qui concentre sa thèse des années 1960 à aujourd’hui, en 2020.
Soucieux de mener une recherche participative, le jeune Aveyronnais communique régulièrement sur ses réseaux sociaux pour livrer les coulisses de son travail au très long cours, pour partager ses trouvailles dans les entrailles de la Bibliothèque nationale de France ou ses observations rouergates dans les rues de Paris. Le chercheur ouvre aussi son adresse e-mail à qui veut apporter sa pièce à l’édifice.
Contact : Sur Facebook et Instagram : Le Bougnatlosophe.
Par mail : bougnatphd@gmail.com
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