La défaite en 1981 de Valéry Giscard d'Estaing, une libération pour les militants du Larzac

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  • La lutte a duré pendant tout le mandat de président de Valéry Giscard d’Estaing.
    La lutte a duré pendant tout le mandat de président de Valéry Giscard d’Estaing. Archives ML
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Guilhem Richaud

Valéry Giscard d’Estaing était favorable à l’agrandissement du camp du Larzac. S’il avait été réélu, les expropriations auraient sans doute eu lieu très vite.

En apprenant le décès de Valéry Giscard-d’Estaing, jeudi matin, Léon Maillet a eu une pensée particulière : "Je me suis dit que s’il avait gagné en 1981, rien n’aurait été pareil." Un sentiment partagé par tous les paysans concernés à l’époque par la lutte contre l’agrandissement du camp militaire du Larzac. Car si le mouvement a démarré en 1970, sous la présidence de Georges Pompidou, il a duré tout le long de la présidence de l’Aveyrgnat. Pire, au moment du deuxième tour de la présidentielle au mois de mai 1981, les deux finalistes sont appelés à se prononcer sur l’avenir de ce projet et du Larzac, qui est devenu la première ZAD de France. François Mitterrand confirme qu’il abandonnera le projet alors que Giscard, dans sa posture souvent jugée froide et conservatrice, annonce qu’il ne souhaite pas revenir sur le projet de l’armée. Et donc poursuivre les expropriations pour faire un grand camp, militaire de 17 000 hectares.

Un jeûne lors de la venue de VGE à Rodez

Une position qui ne surprend évidemment pas les militants de la lutte du Larzac. Depuis des années, ils se battent contre le président et son gouvernement. "Ce n’était pas spécifiquement contre Giscard, précise Léon Maillet, mais contre l’Etat. Et Giscard représentait l’Etat. Ce n’était pas personnel, mais c’était comme ça." Car au fil de leur combat, les 103 agriculteurs menacés d’expulsion, mais aussi tous les opposants qu’ils ont réussi à fédérer, José Bové en tête, ont nourri une très grosse colère contre la France. Celle qui voulait les mettre dehors, mais aussi qui, avec cette volonté d’amplifier les moyens de l’armée, défendait des valeurs complètement opposées aux leurs. En 1979, lors de la venue du président à Rodez, les Larzaciens avaient décidé de monter une action. "Une douzaine de paysans étaient montés à Rodez, se souvient Hervé Ott, l’un des penseurs de cette opération. Giscard était à la salle des fêtes et nous, on s’était installé à la chambre d’agriculture, juste à côté. On s’était dit qu’il fallait qu’on fasse une action qui commence avant son arrivée et qui se termine après." Voilà donc comment le petit groupe s’est retrouvé à jeûner pendant sept jours. "Et lors du repas des élus avec le président, en fervents défenseurs de la lutte les trois conseillers généraux socialistes (Gérard Deruy, Armand Vernhettes et Jean-Louis Coulon, NDLR) avaient retourné leurs assiettes et refusé de manger en solidarité." Giscard d’Estaing avait été obligé de dire quelques mots et s’était notamment adressé à Raymond Lacombe, alors président de la FDSEA en lui lançant : "Je vais m’occuper du Larzac." Une promesse restée lettre morte jusqu’à la campagne électorale de 1981. "On avait envoyé une lettre à chaque candidat pour connaître leurs positions, raconte Hervé Ott. Dans sa réponse, qui devait venir de son équipe de campagne, il avait écrit : "Je préfère voir les chars français en France que les chars russes."" Une référence pour diaboliser François Mitterrand, qui lui, était venu les soutenir en 1974 et a plusieurs fois répété sa position avant de devenir président. D’où l’importance, pour les militants du Larzac, de voir la gauche l’emporter le 10 mai 1981.

En 1981, des paysans à bout

Après 11 ans de combats, les opposants sont fatigués. Même si Léon Maillet assure, avec plein de malice, qu’ils avaient "encore des idées", Pierre-Marie Terral, docteur en histoire contemporaine, professeur à Rodez et auteur de deux ouvrages qui font référence sur la lutte du Larzac, résume bien l’état d’esprit de l’époque : "Tous les recours étaient épuisés et les paysans aussi. La seule solution pour que le camp ne se fasse pas, c’était la défaite de Giscard en 1981."

Elle a donc eu lieu et a changé complètement la donne. Dès juin, le projet est abandonné. Une décision qui est à l’origine de tout le Larzac tel qu’il est aujourd’hui. "Sans ça, il n’y aurait pas eu la création de la Société civile des terres du Larzac, (qui possède aujourd’hui le foncier d’une grande majorité des fermes du plateau, NDLR), mais aussi tous les autres combats qui en ont découlé, notamment ceux de José Bové", projette Léon Maillet. Le McDo, les fauchages d’OGM, la lutte contre le gaz de schiste… "C’est difficile de faire de la politique-fiction, mais c’est certain que beaucoup de luttes ont démarré d’ici", conclut l’ancien député européen.

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