Florentin-la-Capelle. Le père Noël n’était alors pas le bienvenu au catéchisme
Robert Lestang ressortissant florentinois vivant à Toulouse se rappelle un de ses souvenirs d’enfance...
En ce temps-là, Florentin avait bien besoin de ses deux écoles pour accueillir toute sa marmaille. Pratiquement toutes les familles envoyaient leurs garçons "en haut" avec l’instituteur et l’institutrice et leurs filles "en bas" avec les sœurs. C’était comme ça, dans notre village au début des années cinquante.
Pour autant, il n’était pas question que les garçons soient privés d’éducation religieuse. Voilà pourquoi, tous les jours, en fin de matinée, un galop de galoches déferlait de l’école d’en haut vers celle d’en bas, il ne s’agissait pas d’arriver en retard au catéchisme, enseigné avec toute la rigueur qui convient, par les sœurs drapées dans leur dignité et leur voile noir (surtout) et blanc. On se glissait le plus discrètement possible entre le banc et la table et un silence monacal s’installait, le regard de la sœur ne laissait pas d’autre choix. Ce jour-là, une excitation indéfinissable régnait depuis la récréation, l’approche de Noël, sans doute. Excité, André l’était plus que tout autre. Il aurait pu être le porte-drapeau avec son teint pivoine et des yeux qui riaient malgré lui. Il n’en fallait pas davantage à la sœur pour qu’elle en fasse la première cible de ses interrogations tant redoutées. "André, cite-moi les 3 personnes de la Sainte Trinité !"
La moindre erreur était impardonnable. C’est peut-être en pensant cela que le pauvre André perdit tous ses moyens et passa d’un seul coup de l’euphorie à la prostration et du teint pivoine au teint navet. Tout s’embrouillait dans sa tête alors que la sœur impatiente réclamait : "alors ? La première personne ?". "Le Bon Dieu", risqua André sans y croire vraiment. Les sourcils de la sœur grimpèrent tout en haut du front presque jusqu’au voile, ses lèvres se pincèrent "la deuxième ?". André, le souffle court semblant puiser au tréfonds de ses réserves, murmura : "la Sainte Vierge".
Les sourcils de la sœur redescendirent, froncés jusqu’à cacher les yeux noirs pendant qu’elle s’approchait du supplicié, lentement, les bras croisés, les mains cachées par l’étoffe noire. "La troisième ?". Quelques gouttes de sueur perlaient au front d’André le naufragé. Plus rien ne sortait ni de ses yeux ni de sa bouche. C’était le trou que connaissent parfois les candidats aux examens. La situation semblait sans issue, lorsque du banc de derrière, une voix très basse souffla : "le père Noël !". Notre pauvre naufragé, saisissant cette bouée inespérée à bras-le-corps, répéta mécaniquement : "le père Noël..".
Le châtiment céleste, incarné par la main de la sœur, s’abattit sur la joue d’André, lui rendant son teint pivoine.
Mon vœu est que le Saint-Esprit n’ait pas trop tenu rigueur au père Noël d’avoir pris sa place dans la tête d’André le temps d’une claque et que le père Noël et le petit Jésus se soient associés cette année-là pour qu’André soit couvert de cadeaux et de tendresse "réparatrice".
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