La Bastide-l'Évêque : Brigitte Mazars, agricultrice et élue du canton Aveyron et Tarn

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  • Brigitte Mazars continue, contre ventes et marées, à fréquenter le marché de Villefranche-de-Rouergue où elle vend la production de sa ferme. Brigitte Mazars continue, contre ventes et marées, à fréquenter le marché de Villefranche-de-Rouergue où elle vend la production de sa ferme.
    Brigitte Mazars continue, contre ventes et marées, à fréquenter le marché de Villefranche-de-Rouergue où elle vend la production de sa ferme. H.L.
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Hélène Lecarme

Si certains producteurs sont en difficulté en cette période de restrictions sanitaires, ils ne baissent pas les bras, à l’image de la conseillère départementale du canton Aveyron et Tarn.
 

Le marché de Villefranche n’est plus que l’ombre de lui-même : l’allée Aristide-Briand est vide, sauf en partie haute, face à la halle. Les marchands sont désœuvrés, la foule des grands jours est aux abonnés absents. Ceux qui d’habitude ont un stand immense n’occupent même plus la moitié de leur emplacement habituel. Ceux qui sont là envers et contre tout déplorent l’absence des clients. La fermeture des restaurants est une catastrophe pour certains producteurs, qui travaillent essentiellement en liaison directe avec la restauration et n’ont plus la possibilité d’écouler leurs produits. Les ateliers traiteur, de la même façon, sont très pénalisés.

Contrairement à ce que l’on pourrait penser de prime abord, ce n’est pas parce qu’ils ont le droit de travailler que les producteurs présents sur le marché ne subissent pas de plein fouet les conséquences désastreuses de la crise sanitaire que nous traversons. Les débouchés pour la vente ont chuté de façon drastique. Ceux dont l’activité n’est pas diversifiée perdent lors des périodes de confinement et de fermeture de la restauration collective jusqu’à 80 % de leurs revenus. Une catastrophe économique et humaine d’autant plus terrible que les entreprises familiales, souvent tenues à bout de bras depuis des décennies, nécessitent le même travail quotidien, mais ne nourrissent plus leur homme.

La Roselle, exploitation familiale et exemple de diversification

Brigitte Mazars gère La Roselle, l’exploitation familiale transmise par ses parents. C’est une ferme vivrière du Ségala, sur la commune de La Bastide-l’Évêque, où se sont succédé dix générations. Aujourd’hui, la petite entreprise compte quatre salariés, grâce à la diversification de la production (transformation laitière, plats cuisinés, dont l’"Aligot de La Roselle", connu dans tout le Ségala et bien au-delà…).

Brigitte, passionnée par son métier, a consacré le travail patient de toute une vie à respecter et faire fructifier cette terre. Si elle est parvenue à sauver ses quatre emplois de salariés durant le premier confinement, c’est au prix de sacrifices considérables, car elle a perdu 60 % de son activité. Pudique et modeste, elle n’est pas du genre à se plaindre ou à baisser la garde, mais on sent une grande lassitude face à une situation hors norme, même si elle affiche une volonté farouche de ne pas céder et de lutter sans faiblir pour ne pas se laisser abattre.

Depuis le premier confinement, elle se félicite de "ne pas avoir mis tous ses œufs dans le même panier" et d’avoir diversifié les modes de vente de ses produits : vente directe (particuliers, marchés, salons), vente de lait à la laiterie, atelier traiteur, vente à des magasins, vente sur Internet et dans des points relais. Elle a ainsi su rebondir en prônant la solidarité entre producteurs et en participant à la création de collectifs tels que "Le panier du Ségala" : "C’est en agissant ensemble et en visant la qualité que nous nous en sortirons ! Il faut être ensemble si on veut créer des réseaux locaux, il faut rassembler toutes les énergies ! On sent qu’il y a un engouement pour les produits fermiers : les gens sont sensibles au bien manger, aux produits de qualité.

Il faut valoriser les pratiques vertueuses telles que "Bleu blanc cœur" afin de produire une gamme de produits plus sains pour l’homme et plus respectueux de l’environnement à partir d’une alimentation d’élevage mieux adaptée.

"Chez nous, les vaches sont nourries d’herbe, de foin, de céréales et de maïs, les animaux consomment de la luzerne et du lin, et le lait est donc naturellement enrichi en Oméga 3, dans une ferme presque autonome. Nous n’avons pas l’étiquette bio mais mettons en œuvre une agriculture raisonnée, dans une ferme qui respecte la vie du sol et le métabolisme de nos animaux, ses principes fondateurs : utiliser pour nos vaches des traitements homéopathiques, une méthode d’affouragement respectueuse de nos ruminants (Obsalim), penser selon l’agroforesterie, replanter des haies, faire du semis direct sans forcément labourer, ce qui développe la biodiversité, donne du sens à nos paysages, permet de gérer l’hydrométrie, de créer un microclimat… Les grandes filières commencent à en tenir compte, les choses avancent petit à petit pour aller vers la qualité… Il y a une carte à jouer."

Une élue force de proposition

Conseillère départementale du canton Aveyron et Tarn depuis 2015, Brigitte Mazars, vice-présidente de la commission Agriculture et espaces ruraux, avoue son sentiment d’impuissance face à la globalité de la crise – "Nous ne pouvons agir qu’à notre niveau, le reste nous dépasse, on ne peut qu’appliquer ce qui vient d’en haut" –, et se démène pour défendre au niveau local les idées auxquelles elle croit. Elle détaille les possibilités qui s’offrent aux producteurs pour se faire connaître et entrer dans de nouveaux circuits de distribution de leurs produits, dans cette période si difficile pour tout le monde.

Depuis 2018 est actée l’adhésion du département à l’association nationale Agrilocal : Agrilocal12.fr est une plate-forme Internet du conseil départemental de l’Aveyron qui permet la mise en relation simple, directe et totalement gratuite entre les acheteurs de la restauration hors foyer (écoles, collèges, lycées, hôpitaux, maisons de retraite…) et les fournisseurs locaux.

L’objectif ? Développer un maillage départemental en commercialisant les produits des exploitations agricoles en circuits courts. Villefranche et l’Aubrac sont déjà très représentés sur la plateforme, qui fonctionnera si tous les acteurs sont informés et participent.

En complément de cette adhésion, le conseil départemental organise en partenariat avec la chambre d’agriculture "L’Aveyron dans l’assiette", manifestation destinée à sensibiliser les collégiens aux produits des filières aveyronnaises de qualité (Label rouge, IGP, AOP, Bio), notamment les AOP Laguiole et Roquefort, le bœuf fermier d’Aubrac, le veau d’Aveyron et du Ségala

Consommer local

D’autre part, depuis la loi Egalim de 2018, les services de restauration scolaire et universitaire, la restauration des établissements de santé, des établissements sociaux, doivent proposer (au plus tard le 1er janvier 2022) au moins 50 % de produits de qualité et durables, dont au moins 20 % de produits biologiques. Ces 50 % bénéficient de signes officiels d’identification de la qualité et de l’origine (SIQO) – agriculture biologique (AB), label rouge (LR), appellation d’origine (AOC/AOP), indication géographique protégée (IGP), spécialité traditionnelle garantie (STG) –, ou sont estampillés "issu d’une exploitation à haute valeur environnementale" (HVE), "fermier", "produit de/à la ferme", ou issus de projets alimentaires territoriaux (PAT). Ce qui garantit aux consommateurs une nourriture de qualité et aux producteurs un débouché non négligeable.

Enfin, dès le premier confinement, durant lequel une multitude d’initiatives pour consommer local ont vu le jour, le conseil départemental et la chambre d’agriculture ont décidé de créer un site gratuit dédié aux producteurs aveyronnais en circuits courts pour leur assurer une meilleure visibilité auprès des consommateurs : la plateforme monproducteur.aveyron.fr veut favoriser la relocalisation de l’alimentation sur le territoire en proposant une palette de solutions d’approvisionnement aux consommateurs.

Brigitte Mazars y croit, même si cela prendra du temps de changer nos habitudes. À chacun d’aider les producteurs en utilisant ces circuits courts de qualité.

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