Assises de Rodez : Dainotti, un accusé dans toute sa "froideur"

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  • Florence Filoé, épouse de la victime, doit témoigner aujourd’hui.
    Florence Filoé, épouse de la victime, doit témoigner aujourd’hui.
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Mathieu Roualdés

L’accusé a évoqué les faits pour la première fois, mardi à Rodez lors de la 2e journée de son procès.

Il était écrit que ce procès serait une nouvelle épreuve pour la partie civile, pour la famille de Pascal Filoé, pour Florence, son épouse, et ses trois enfants, assis au premier rang de la cour d’assises de l’Aveyron.

Chaque mot d’Alexandre Dainotti est un nouveau coup. Celui qui leur a pris un mari et un père ne fait preuve d’aucun regret, d’aucune compassion dans le box des accusés. Cheveux courts, sweat-shirt noir, il n’a pas vraiment le visage de celui qu’on n’aimerait pas croiser dans une ruelle sombre. Il en a toute l’attitude, en revanche, flirtant parfois avec les confins de l’infamie. Dès les premières heures de son procès, chacun a pu s’en apercevoir avec une phrase lourde de sens : "Je ne regrette rien, je ne vais pas faire comme Daval, il n’y aura pas de larmes de crocodile". Hier, il a été un peu plus loin à l’évocation de la journée du drame, dans un détachement déconcertant pour un accusé risquant la perpétuité.

"Quand on m’a dit la veille que c’était mort, que je ne pourrais pas récupérer mon chien, je me suis dit que j’allais le charcler. J’ai été acheter un couteau, j’ai gambergé toute la nuit et j’ai attendu qu’il sorte de la mairie le lendemain matin. Et je n’ai pas cherché à comprendre. Je ne voulais pas forcément le tuer, juste le planter, qu’il reste handicapé au pire. On s’était pris la tête plein de fois […] Ce qui m’a énervé aussi, c’est après, quand les policiers m’ont amené à l’hôpital. Je saignais beaucoup et personne n’a voulu me soigner car on s’occupait de Pascal Filoé. Je pensais qu’il y avait plus de chirurgiens dans cet hôpital".

Des mots, des phrases glaçantes. Encore.

"De l’acharnement"

En fin de matinée, la partie civile n’a pu contenir sa colère. "Viens là sans couteau, on va voir", "t’es un petit lâche, tu l’as attaqué dans le dos !", "tu ne crois pas que tu nous as déjà assez fait de mal", se sont emportés plusieurs proches de Pascal Filoé, obligeant le président Philippe Piquet à ramener le calme dans la salle.

Alexandre Dainotti s’est rassis. Et a écouté la suite des débats, toujours avec le même détachement. Les témoins de la scène se sont succédé, au premier rang desquels la directrice adjointe de la Ville.

Le 28 septembre 2018, à 10 h 30, elle envoie un message à son binôme, Pascal Filoé. Ils doivent prendre part à une réunion, dans les locaux de l’Agglo place Adrien-Rozier. "On est parti ensemble, on a fait quelques pas, on rigolait. Puis, d’un coup, j’ai vu un homme sauter au cou de Pascal, par-derrière. Les deux sont tombés, j’ai mis des coups de porte-documents à l’agresseur, je pensais à une simple bagarre. Puis, j’ai vu le sang, beaucoup de sang… J’ai compris qu’il s’agissait de coups de couteau, il ne lui a laissé aucune chance." Pascal Filoé en a reçu neuf, plusieurs dans le dos et d’autres touchant son foie et l’un de ses poumons. "Les derniers coups portés au sol m’ont choqué, Pascal Filoé était déjà paralysé, il ne pouvait pas se défendre… C’est de l’acharnement", témoigne un autre employé de la Ville, ayant assisté à la scène.

Alexandre Dainotti, lui, est parti "calmement" de la scène de crime pour se réfugier dans une boutique de prêt-à-porter à côté des lieux du drame. "Comme s’il avait fait son travail…", observent les conseils de la partie civile. D’ailleurs, lorsqu’un policier municipal l’appréhende quelques minutes plus tard, l’accusé n’a aucune réaction et seulement ces quelques mots sous un petit sourire : "J’ai réussi, je suis content, je l’ai eu". Comme ce 28 septembre 2018, Alexandre Dainotti assume son geste durant son procès et s’exprime "sans filtre, avec franchise", fait valoir son conseil, Me Maïlys Larmet.

Florence Filoé, elle, n’a une nouvelle fois pu retenir ses larmes. Elle doit s’avancer ce mercredi, ou le lendemain, à la barre pour témoigner. Une nouvelle épreuve.

 

Me Maïlys Larmet,  avocate de la défense.
Me Maïlys Larmet, avocate de la défense.

les racines d'une violence

Alexandre Dainotti a raison : il n’est pas un marginal comme on le présente. Lui le dit d’ailleurs sans filtre, il n’a que peu de considération « pour les gens qui font la manche » et « les SDF de Rodez qui picolent toute la journée sans qu’on les emmerde eux avec leurs chiens sans laisse ». Alexandre Dainotti ne se mélange que peu aux autres d’ailleurs, si marginal il l’est, c’est dans son côté antisocial. « Je suis seul au monde », concède-t-il à la barre et effectivement, les places traditionnellement réservées aux proches de l’accusé sont vides depuis lundi… « J’ai fait neuf ans de prison, ça fait le tri parmi les amis », raconte-t-il encore.
Personne ne viendra témoigner sur sa vie d’ailleurs. Sa mère est décédée, son père, né en Sicile avant d’immigrer vers le nord de la France, ne lui a plus donné signe de vie depuis des années et sa seule sœur, avec qui il n’a plus de contact, s’est contentée d’un message qu’elle nous a adressé hier via les réseaux sociaux : « Je suis soulagée de ne pas avoir à assister à son procès, la douleur des proches de la victime m’aurait été intolérable et j’appréhendais de devoir faire face à celui que je dois nommer mon frère. Si mon frère n’éprouve ni honte, ni remord, ni culpabilité, j’en éprouve pour deux malgré le fait que seul mon sang soit coupable ». Cette même sœur fut d’ailleurs la seule à aider l’enquêtrice de personnalité à brosser un portrait de l’accusé devant la cour d’assises. Un portrait avec la violence comme seul fil conducteur. Dès son plus jeune âge en se « bagarrant avec tout le monde ». à 9 ans seulement, il est placé en foyer après avoir tenté de mettre le feu à l’appartement familial « parce que je ne m’entendais pas avec mon beau-père et que je pensais qu’il était dedans »… « Il ne fait confiance en personne et n’a qu’une loi, celle du plus fort », précise l’une des expertes psychologues, rappelant également la personnalité « paranoïaque » de l’accusé évoquée lors du premier jour. « Partout où il passe, il crée des problèmes et M. Filoé était en danger face à lui car il en avait fait une obsession, l’ennemi à abattre », conclut-elle.
 

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