Rodez : face à la cour, l’ancien militaire nie toujours avoir violé

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  • Me Patrick Thérond-Lapeyre  et Me Armelle Palamenghi,  du barreau de Clermont-Ferrand, à la défense.
    Me Patrick Thérond-Lapeyre et Me Armelle Palamenghi, du barreau de Clermont-Ferrand, à la défense.
Publié le
Mathieu Roualdés

Né à Djibouti en 1986, il est poursuivi pour des faits de viol et violences commis en 2017 dans son appartement, rue de la Penderie à Rodez. Il encourt 30 ans de réclusion. Verdict attendu mercredi.

Celui qu’on surnomme "Abdi", Abdi Houmed Hanifa de son vrai nom, s’est présenté devant la cour d’assises de l’Aveyron pour le moins endimanché. Veste de costume, gilet de trois pièces, chemise blanche, crâne parfaitement lisse, il ne lui manquait que la cravate. "C’est ma journée aujourd’hui, les gens vont enfin entendre la vérité, ça fait trois ans que j’attends !", lance-t-il d’ailleurs dans le box, pas impressionné pour un sou et d’une voix haute. Les faits pour lesquels il encourt jusqu’à 30 ans de prison sont, eux, bien moins reluisants : viol et violences avec usage et menace d’une arme. Ils remontent au 5 mai 2017.

Ce jour-là, l’accusé croise dans les rues du centre-ville de Rodez la compagne d’un de ses amis, Elsa (1). Il l’invite alors à boire un café. Elle a 20 ans, lui en a 32. Les minutes passent et la discussion se poursuit dans l’appartement d’"Abdi", rue de la Penderie. Il fait beau et l’après-midi s’annonce festive : la musique est forte, le rhum coule à flots et on s’enivre également dans la fumée de cannabis. Jusqu’ici tout va bien. Mais Elsa appelle la compagne d’Abdi pour se joindre à la fête. Il ne le supporte pas et le ton commence à monter. Les premiers coups arrivent aussi. Ils sont violents. Elsa présente une double fracture de la mâchoire et de multiples plaies, certaines auraient été causées par des coups de couteau… Un ami, de passage à l’appartement durant la soirée, prévient d’ailleurs la police à la vue du sang. Trois agents se déplacent sur les lieux, échangent avec les deux protagonistes et repartent. Quelques heures plus tard, Abdi et Elsa auront deux relations sexuelles sur le clic-clac de l’appartement. Le lendemain, la police se déplace une nouvelle fois : cette fois, à l’hôpital de Rodez, où Elsa est prise en charge pour sa double fracture de la mâchoire. Elle nécessite une intervention chirurgicale et les agents hospitaliers s’interrogent sur la nuit de la jeune femme… Elle s’ouvre alors aux fonctionnaires de police et raconte ce terrible huis clos de la veille où elle a subi "comme un légume, une poupée gonflable" les deux relations, "par peur de mourir". Cette version, elle la livrera aujourd’hui à la barre. Hier, elle n’en a pas eu le courage, éclatant en sanglots face à un accusé sans filtre et toujours dans le déni, lorsque la cour lui a demandé sa version des faits.

Pour lui, il n’y a pas de débat : il est innocent. Sur les coups portés, "je reconnais seulement deux gifles", dit-il avant d’en donner des explications dans un flux de paroles souvent confus. Sur les relations sexuelles, "elle était d’accord, dès le départ", assure-t-il offrant cette fois au jury de multiples détails peu amènes… "Elle s’est vengée car elle ne voulait pas le dire à son petit ami de l’époque, elle a menti pour conserver sa relation", avance-t-il encore, n’hésitant pas à recadrer l’avocat de la défense, Me Cédric Galandrin, lorsque l’interrogatoire durait un peu trop à son goût : "Il me fait tourner en bourrique", "vous voulez me faire sortir de mes gonds, allez droit au but, on est fatigué là", "la tête de ma mère, c’est ambigu vos questions"

Il s’emporte dans le box

"Abdi" n’est pas un calme. Il le reconnaît volontiers même : "Je suis impulsif". Les experts psychologues et psychiatres le confirment même : "Il ne supporte pas la contrainte, il voit en l’autre un potentiel danger". Son casier le prouve également : il porte trace de nombreuses condamnations pour violences, outrages et autres refus d’obtempérer. Cela lui a déjà coûté deux années de prison. à chaque fois, "Abdi" a une bonne excuse si l’on peut dire. Tantôt il est question de racisme, tantôt d’honneur et de légitime défense.

Son honneur, il y tient d’ailleurs. Et l’a clamé devant la cour, dès les premières minutes de son procès : "J’ai servi la France, j’ai donné à ce pays ce qu’il m’a offert et je me retrouve ici aujourd’hui !", s’est-il exclamé, rappelant son entrée dans l’armée de terre, après être arrivé sur le sol français à l’adolescence en provenance de Djibouti. De son enfance dans ce petit pays sur la Corne de l’Afrique, l’accusé n’en dit pas grand-chose. Juste sait-on que son père, policier, est décédé alors qu’il avait onze ans. Et qu’il a ensuite rejoint la France, à la faveur d’un regroupement familial. Peu après sa majorité, il s’engage dans l’armée et rejoint le 126e régiment d’infanterie à Brive-la-Gaillarde. Il est alors envoyé en mission en Guyane puis en Afghanistan en 2006. Après trois ans de service, son contrat n’est pas renouvelé et il rejoint de la famille du côté de Decazeville où il enchaîne les petits boulots. Dans un rapport, la "grande muette" explique qu’il fut "un élément perturbateur" et évoque sept sanctions pour ivresse, bagarres ou encore rébellions… "Moi, un élément perturbateur ? Mais ils sont où les mecs pour dire que j’étais un véritable guerrier, toujours en première ligne, que je faisais des garrots aux soldats éventrés, que j’ai vu des enfants et des camarades tomber sous les balles ? Ils sont où", s’énerve-t-il, les larmes aux yeux et n’hésitant pas à soulever sa chemise pour montrer à la cour "une blessure de guerre".

Aujourd’hui, Elsa viendra faire part de la sienne. La seule sur laquelle la cour d’assises aura à se prononcer.

(1) Prénom d’emprunt
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