Affaire de viol à Rodez : "J’ai eu peur de mourir"

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  • Me Cédric Galandrin,  avocat de la partie civile. Me Cédric Galandrin,  avocat de la partie civile.
    Me Cédric Galandrin, avocat de la partie civile.
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Mathieu Roualdés

La victime présumée a livré sa version des faits devant la cour d’assises de l’Aveyron, hier. Verdict attendu aujourd’hui.

La deuxième journée du procès d’"Abdi", accusé de viol et de violences, touchait à sa fin, hier soir, quand sur le grand écran de la salle défilent des images. Ce sont celles d’Elsa (1) et de son corps, prises le lendemain des faits à l’hôpital de Rodez. La jeune fille rayonnante de 20 ans s’affichant sur les réseaux sociaux a disparu. Son visage est méconnaissable, tuméfié. Il a doublé de volume. Son regard, lui, est vide, perdu dans la douleur d’une double fracture à la mâchoire, parfaitement visible sur les clichés du scanner médical. Puis, on avance, les images défilent. Les ecchymoses avec. On en note sur les bras, les genoux, le ventre, les cuisses… Il y en a partout, ou presque. On est bien loin des deux gifles reconnues par l’accusé, lundi. "Je suis choqué en fait, abasourdi", réagit-il d’ailleurs dans le box, comme s’il venait de recevoir un dernier coup, l’ultime d’une journée éprouvante durant laquelle sa version des faits n’a fait qu’être mise à mal par les divers témoins entendus.

Elsa, elle, s’est avancée à la barre en fin d’après-midi. De cette journée du 5 mai 2017, dans l’appartement de l’accusé, rue de la Penderie à Rodez, elle ne se souvient pas de grand-chose. Elle a bu, beaucoup, en compagnie d’"Abdi" qu’elle avait l’habitude d’appeler et de fréquenter avec son compagnon de l’époque. Mais, "jamais, je n’ai été attirée par lui !", jure-t-elle. Elle se souvient d’ailleurs avoir déjà refusé ses avances à plusieurs reprises. Quand et pourquoi s’est-il montré violent envers elle ce jour-là ? Elle ne s’en souvient pas vraiment, non plus, juste dit-elle avoir des "flashs" d’un terrible huis clos. "J’ai cette image en tête où je refuse ses avances et il s’énerve […] où il frappe violemment ma tête contre la cuvette des toilettes […] il m’a menacée avec un petit pistolet aussi – cette arme n’a pas été retrouvée lors de la perquisition, NDLR -, j’ai eu peur de mourir, peur pour ma vie." Sur les deux rapports sexuels intervenus la nuit, elle est formelle : "Il a profité de mon état de semi-conscience, je ne suis pas une menteuse. Je ne dis que la vérité. J’étais comme un légume, je n’étais pas consentante. Comment une fille frappée, avec la mâchoire cassée, et totalement saoule pourrait avoir envie de relations sexuelles ?". Ces faits, Elsa dit les avoir "enfouis" et tente de les oublier, "d’avancer" comme elle l’a toujours fait depuis son enfance, pas toujours rose.

"Elle ne voyait pas vraiment le danger"

"Béké" de Saint-Martin, elle n’aura que peu de relations avec un père décrit comme "alcoolique". Elle grandit avec sa mère mais l’ambiance n’est pas au beau fixe. A 8 ans, elle subit même des attouchements de la part d’un ami de la famille, puis est placée en foyer et en famille d’accueil à l’âge de 13 ans. "Ça n’a pas toujours été facile", concède-t-elle, dans une grande réserve. à sa majorité, elle enchaîne les petits boulots. Celui de gogo danseuse notamment en Guadeloupe avant de rejoindre la métropole et Rodez pour y suivre des études de commerce. La défense a souvent mis en exergue ce travail dans ses prises de parole, énervant au passage une experte psychologue : "Je ne vois pas en quoi être gogo ou stripteaseuse permet de se faire violer !". Lors de sa déposition, cette même experte dira avoir été "marquée" par sa rencontre avec Elsa, quelques jours après les faits. "Elle était dans un état de stress post-traumatique très important, elle voyait son agresseur partout, craignait pour sa vie. J’ai été frappée par cette fragilité, surtout qu’à Rodez, elle était seule. Elle n’a certainement pas fait confiance aux bonnes personnes, elle vivait un peu dans le monde des Bisounours et ne voyait pas vraiment le danger". Depuis, Elsa a quitté la préfecture de l’Aveyron pour poursuivre ses études. Y revenir lors de ce procès était une épreuve, confie-t-elle. Son frère a fait le déplacement depuis Saint-Martin afin de la soutenir.

Ce matin, la cour entendra les plaidoiries des différentes parties, ainsi que les réquisitions de l’avocat général, Bernard Salvador. Le verdict est attendu dans la journée. L’accusé, volubile lundi, est resté silencieux, hier.

(1) Prénom d’emprunt

Alertes de la victime, passage des policiers…

Hier, la cour d’assises de l’Aveyron s’est replongée, en détail, dans cette journée et soirée du 5 mai 2017. Avec cette question, comment Elsa n’a-t-elle pas pu s’enfuir de l’appartement de l’accusé durant toutes ces heures de " calvaire " ? Ou plutôt comment ses appels à l’aide sont-ils restés sans réponse… Notamment ceux à celui qu’elle considérait "presque comme mon compagnon" à l’époque. À 19 h 19, elle lui envoie un premier message : "Je n’ai plus de force, viens me prendre". Puis, à 20 h 22 " j’ai besoin de toi de suite ", à 20 h 24 "il me séquestre", à 20 h 27 "si je suis morte, c’est Abdi". à la barre, l’avocat général, Bernard Salvador, l’interroge : "Pourquoi ne pas lui avoir porté secours ? - J’étais occupé par ailleurs… Je regrette.

- Vous étiez l’ami de l’accusé aussi. L’êtes-vous toujours ?

- Non, car il y a des choses qui se font et d’autres pas.

- Comme le viol ?

- Oui…"

En début de soirée, un autre ami de l’accusé passe à l’appartement. "C’était un carnage, ils étaient déchirés, il y avait du sang partout !", se remémore-t-il aujourd’hui. Lui explique avoir "essayé de calmer Abdi", avec qui il partira boire un verre en ville, avant que l’accusé ne revienne seul dans l’appartement. Elsa y était "endormie". Les deux relations sexuelles auront lieu à ce moment-là. "Je me souviens avoir demandé de l’aide à cet homme quand il est passé", dit-elle.

La cour s’est également longuement penchée sur l’intervention de trois policiers à l’appartement, vers 20 heures, à la suite de l’appel d’un homme, dont on n’a jamais retrouvé trace… "Intervenez à cet appartement, une fille se fait défoncer la gueule", lance-t-il au "17". Un équipage en patrouille se rend alors au 5 rue de la Penderie, "pour un différend conjugal". Ils pénètrent dans l’immeuble et font face à un accusé dont il ressort des dépositions qu’il était "alcoolisé, agressif verbalement, excité…". La discussion se déroule sur le palier de l’appartement. Elle dure 15 minutes avant que l’équipage ne reparte. Lors de leurs dépositions, les fonctionnaires diront avoir vu furtivement la victime présumée et "n’avoir pas décelé de danger, ni de traces de blessures". L’équipage, dont seul un gardien de la paix a témoigné hier devant la cour, se dira ensuite "très surpris " des suites de l’affaire.

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