Examen vs contrôle continu : l'éternel débat autour du baccalauréat

  • Faut-il supprimer l'épreuve du bac au profit du contrôle continu ? La pandémie et les récentes mesures prises par le ministère de l'éducation font ressurgir un débat de longue date dans notre pays.
    Faut-il supprimer l'épreuve du bac au profit du contrôle continu ? La pandémie et les récentes mesures prises par le ministère de l'éducation font ressurgir un débat de longue date dans notre pays. Maria Casinos / Getty Images
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Relaxnews

(ETX Studio) - Faut-il supprimer l'épreuve du bac au profit du contrôle continu ? La pandémie et les récentes mesures prises par le Ministère de l'éducation font ressurgir un débat de longue date dans notre pays. En vue de la journée internationale de l'éducation, le 24 janvier, petit florilège des arguments pour et contre ce grand rite de passage qui signe l'entrée dans l'enseignement supérieur. 

Le gouvernement a tranché. Dans la soirée de jeudi, le ministre de l'éducation Jean-Michel Blanquer a annoncé l'annulation des épreuves écrites de spécialité pour les élèves de Terminale, qui devaient initialement se dérouler à la mi-mars. À la place des épreuves, les évaluations de ces matières se feront via un système de contrôle continu, "sur la base des moyennes des trois trimestres de terminale de ces enseignements". Un soulagement pour bon nombre de lycéens et de responsables des syndicats étudiants pour qui l'échéance de mars n'était "pas tenable", compte tenu du retard accumulé dans ce contexte de crise sanitaire.

Toutefois, la décision du gouvernement de remplacer ces examens (ou lieu de les reporter en juin) au profit du contrôle continu est jugée "imparfaite" par les représentants des syndicats étudiants. Alors que la pandémie a fortement bouleversé le déroulement des épreuves du baccalauréat (déjà entièrement attribué via un système de contrôle continu en 2020), la pertinence de conserver l'examen comme condition d'obtention du baccalauréat- ou de le supprimer comme certains le souhaiteraient- ressurgit. Avec, comme dans tout débat, des arguments opposant les deux camps.

Les "pour" :

Un diplôme national qui garantit l'anonymat et l'égalité des chances 

Héritage direct de Napoléon et instaurée depuis 1808, l'épreuve du baccalauréat est souvent présentée comme un diplôme républicain par excellence, dans la mesure où il permet une plus grande égalité des chances. "Le modèle français du baccalauréat est devenu dominant dans l'OCDE et permet une évaluation des acquisitions réelles des élèves", estime Nathalie Mons, spécialiste de l'analyse des politiques éducatives françaises et étrangères dans un rapport du Conseil national d'évaluation du système scolaire, publié en 2016.

Jean-Rémi Girard, président du Syndicat national des collèges et lycées (SNACL) confirme : "Nous tenons à cette dimension nationale, car passer totalement en contrôle continu risquerait de créer des biais assez importants entre les établissements, qui pourraient "habiller" leurs appréciations. On peut aussi recevoir des pressions de la part des familles, voire de la part de certaines équipes de direction d'établissements, puisqu'on l'on perdrait l'anonymat des enseignants qui évaluent les élèves. Car ce sont eux qui porteraient sur les épaules la responsabilité du passage d'un élève dans l'enseignement supérieur".

Un rite de passage pour des adultes en devenir 

Au-delà de son aspect "républicain" et historique, l'épreuve du baccalauréat est également plébiscitée pour sa capacité à préparer les élèves au stress des épreuves, qu'un grand nombre est susceptible de rencontrer tout au long de sa vie d'adulte (concours d'entrée pour les écoles, partiels, entretiens d'embauche, entrée dans la vie active, etc). 

"L'épreuve du baccalauréat est rattachée à une symbolique forte. Cela nous semble important que l'élève se confronte au cours de son parcours scolaire à un examen passé dans des conditions précises, avec la présentation d'une carte d'identité et un temps imparti pour rendre sa copie. Un examen peut aussi pousser les élèves à s'améliorer, à se motiver et à se dépasser, dans le but de réussir. Alors qu'être jugé uniquement sur le contrôle continu peut générer un autre type de stress, qui sera présent tout au long de l'année et qui peut  s'avérer psychologiquement plus lourd que de passer un examen à la fin de l'année", estime Jean-Rémi Girard.

Les "contre" :

Le bachotage 

Les détracteurs du baccalauréat pensent au contraire qu'achever les études du cycle secondaire par une épreuve en fin d'année provoque des révisions intensives chez certains élèves, qui vont donc plutôt "bachoter" que travailler tout au long de l'année. Ce qui, in fine, ne serait pas la bonne méthode d'apprentissage. C'est notamment le point de vue de Jean-Robert Pitte, ancien président de l'université Paris-Sorbonne et auteur du livre "Stop à l'Arnaque du bac" (2007), qui pointe un "diplôme sans valeur," car attribué au plus grand nombre, sans suivi réel de la scolarité des élèves. Les taux de réussite des élèves en France au baccalauréat sont en effet de plus en plus élevés. En 2019, 88,1% des candidats au bac ont décroché leur diplôme toutes filières confondues. Un taux qui passe à 91,2% dans les filières générales.

"Lorsqu'on connaît les taux d'échecs aux examens ou d'abandons après la première à l'université, on réalise à quel point le bac est devenu une mascarade. C'est à mon sens une arnaque grave pour les élèves et la société. On leur fait croire que grâce au bac, ils peuvent accéder à n'importe quelle formation et réussir. Un contrôle continu sérieux permettrait un meilleur apprentissage et un livret scolaire bien plus détaillé. Accompagner les élèves et les orienter vers telle ou telle formation en fonction de leurs souhaits et de leurs capacités redonnerait de la valeur au bac. Le contrôle continu permettrait aussi un suivi et une évaluation des élèves en connaissance de cause, puisque leurs enseignants les connaissent", estime l'ancien professeur. 

Une épreuve "coûteuse"

C'est le deuxième argument phare des détracteurs de l'épreuve du baccalauréat. En comptant le défraiement pour les déplacements des intervenants, les salaires pour les corrections de copie, l'impression des sujets et les locations de salles, le montant du budget lié à l'organisation des épreuves du bac en France est évalué entre 50 millions et 100 millions d'euros par an. Toutefois, une étude du syndicat de chefs d'établissement (SNPDEN) dévoilée en 2013 annonçait un budget bien plus élevé, car elle y incluait les trois semaines d'enseignement "perdues" pour les lycéens consacrées aux épreuves. Selon cette estimation, le "véritable" coût du baccalauréat s'élèverait plutôt à... 1,5 milliard d'euros par an. 

Un montant  surestimé du point de vue du président du SNACL Jean-Rémi Girard : "On constate aussi que le passage en contrôle continu entraîne une baisse de rémunérations des collègues, car les copies d'épreuves communes sont mal payées par rapport à des copies de bac", pointe ce dernier. 

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