Aveyron : la course à pied, gagnante de la crise ?

  • La course à pied s’est imposée comme l’activité physique idoine depuis le début de la crise et devrait continuer à attirer du monde. 
    La course à pied s’est imposée comme l’activité physique idoine depuis le début de la crise et devrait continuer à attirer du monde.  Jean-Louis Bories
Publié le , mis à jour
R.G.

À l’heure où les acteurs de nombreuses disciplines commencent à mesurer les dégâts causés par la crise sanitaire et affichent leurs craintes pour les prochains mois, ceux de la course à pied envisagent l’avenir avec plus d’optimisme.

Compétitions suspendues depuis la fin du mois d’octobre, contraintes importantes appliquées à l’entraînement : la deuxième vague de l’épidémie de coronavirus a infligé de nouveaux dégâts au monde du sport amateur, lui qui a vu ses espoirs d’un retour à une situation un peu plus enviable balayés par les dernières annonces gouvernementales en date. Mais à l’heure où la troisième vague est évoquée avec de plus en plus d’insistance, c’est peut-être à une autre lame, de fond, cette fois, que les acteurs des différentes disciplines doivent s’attendre, avec la perspective d’une perte importante de licenciés, lassés par dix mois d’interruptions et d’incertitudes. Lors de sa prise de fonctions, mi-janvier, Pierre Bourdet, nouveau président du district de football, n’avait d’ailleurs pas hésité à avouer ses craintes au sujet du ballon rond, sport numéro un à l’échelle départementale et nationale.
« Toutes les instances, des districts à la fédération en passant par les ligues, auront à créer une nouvelle dynamique pour faire en sorte d’attirer de nouveaux joueurs et éducateurs et de fidéliser ceux qui sont déjà présents », avait-il indiqué, en précisant : « Je m’attends à une petite érosion du nombre de licenciés étant donné que certains d’entre eux auront goûté à un sport individuel entre-temps et se détourneront du foot ».

« Une activité accessible »…

Comme dans tous les domaines, et tout particulièrement dans celui du sport, si certains vont perdre à cause de cette crise, d’autres vont gagner. Parmi ces derniers, la course à pied pourrait bien, sans fournir le moindre effort, réussir une opération séduction massive et sortir de cette période, lorsque ce sera enfin le cas, grandement renforcée.
« Dès le premier confinement, j’ai constaté, sans que cela ait fait l’objet d’une analyse scientifique de ma part, que dans le périmètre d’un kilomètre qui était défini pour la pratique d’une activité sportive, beaucoup de gens s’étaient mis à la marche rapide ou à la course, déclare Gilles Bertrand, organisateur du festival des Templiers. Je n’en avais jamais vu autant. Il y avait beaucoup de personnes en surpoids mais, surtout, beaucoup, beaucoup de femmes. On connaît en France le même phénomène qu’aux États-Unis, avec une féminisation de la pratique. Aujourd’hui, de l’autre côté de l’Atlantique, on est sur du 50-50 sur le plan du sexe, et c’est en train de devenir le cas ici aussi. La course est une activité accessible, surtout en milieu urbain. »
« Les jeunes qui ne peuvent pas aller en salle se seront mis à courir, estime Serge Cottereau, père des 100 kilomètres de Millau, épreuve qu’il a remportée à quatre reprises. Les gens qui se sont retrouvés au chômage partiel en auront fait de même, pour se déstresser, tout comme les personnes sédentaires, qui auront appliqué les bonnes résolutions formulées par certaines émissions de télévision. »

… avec « un côté zéro contraintes »

En y regardant de plus près, le succès de la course à pied s’explique par le fait qu’elle est la discipline qui s’adapte le mieux à une situation telle que celle connue actuellement, avec toutes les contraintes qui peuvent en découler, puisqu’elle peut être pratiquée malgré une restriction horaire et / ou géographique, à plusieurs ou seul, si les interactions sociales sont réduites voire interdites, et intégrée facilement à une journée effectuée en télétravail.
« Sa pratique est gratuite et possible quand on veut et où on veut, souligne Nicolas Cantagrel, coureur et organisateur d’épreuves, qui a contribué directement à ce qu’il énonce avec le lancement de l’espace “Trail d’aqui”, fin décembre. Même cantonné chez toi comme ç’a pu être le cas, tu disposes de possibilités pour faire une boucle d’un kilomètre, découvrir des chemins. S’il y a un nouveau confinement, le coureur arrivera toujours à trouver des solutions, contrairement au pratiquant d’un sport en club, surtout collectif. De plus, les gens se rendent compte qu’avec la course, tu es ton propre juge. Tu as envie de faire ça, ça, ça comme épreuves ? Tu planifies ta saison, tu t’organises. Il y a un côté zéro contraintes. C’est d’ailleurs pour ça qu’on voit d’anciens footeux qui, lorsqu’ils ont passé la trentaine, du fait des impératifs familiaux - et je suis passé par là -, abandonnent le foot, avec ses entraînements, ses matches tous les week-ends, pour la course. »
« Il n’y a pas de cadre strict pour pouvoir courir, ni besoin d’aller très loin, et ça ne coûte pas cher. Il suffit d’une paire de chaussures à 70 euros quand on a une pratique régulière, et même à 50 euros quand on ne court qu’une ou deux fois par semaine. Il n’y a pas besoin de dépenser 150 euros, poursuit Gilles Bertrand. Cette facilité et cette liberté de pratique expliquent les explosions du nombre de pratiquants connues il y a quarante ans, vingt ans, et ces quinze dernières années. »

Quelle pratique sera privilégiée ?

Si une augmentation du nombre de pratiquants est donc à prévoir, deux questions demeurent : deviendront-ils tous des compétiteurs ? Et vers quel univers, trail, route ou piste, s’orienteront-ils ?
« Je pense que la majorité des gens iront vers un 5 ou 10 km organisé en ville une fois par an, ou vers le trail, juge Serge Cottereau. Vers la piste, non. C’est ingrat, il faut s’entraîner de façon hyper sérieuse pour gagner quelques secondes ou dixièmes. Le trail, n’importe qui peut y aller, pour le plaisir, sans regarder le chrono. »
« Je pense que le trail va y gagner, appuie Nicolas Cantagrel. Du fait des confinements, les personnes qui vivent et s’entraînent en ville vont avoir besoin d’aller dans la nature. Il y aura également un besoin de compétition. Les gens ont envie de courses, de mettre un dossard. Mine de rien, lors d’une course, tu rencontres du monde, tu te confrontes à toi et aux autres. Pour certains, aller s’entraîner suffit, mais pour la majorité des coureurs, il y a un besoin de se retrouver, de participer à de grands événements. »
« Facile de venir à la compétition »
« On verra dans un ou deux ans si tous ces néo-coureurs auront franchi le cap de la compétition, qui constitue une étape supplémentaire, tempère Gilles Bertrand. Je pense que ce sera le cas pour une bonne partie d’entre eux car nombreux sont ceux qui ont démarré comme ça : je suis passif, je deviens un peu actif, je commence à regarder autour de moi, je croise un coureur qui fait de la compétition, je m’inscris dans une association pour m’assouplir ou mieux courir, car je trouve que j’ai une mauvaise foulée, et quelqu’un qui va courir à tel ou tel endroit me demande si je veux venir avec lui. C’est d’autant plus facile de venir à la compétition qu’il n’y a pas besoin de licence, juste d’un certificat médical. Les courses ne coûtent pas non plus très cher puisqu’un 15 ou 20 kilomètres sur route revient à 15 ou 18 euros, peut-être moins. Maintenant, je pense que ce qui profitera de tout ça sera la course sur route urbaine ; le trail, à la marge. Il faut distinguer la pratique en zone rurale comme chez nous, dans l’Aveyron, de celle en ville ; même à Rodez, qui est une ville, il suffit de faire 500 mètres pour être à la campagne. Ici, les gens ont naturellement l’approche du trail, alors qu’ailleurs, il faut effectuer une démarche particulière pour aller vers lui. Il faut faire du chemin pour pouvoir aller courir, pour avoir les sensations, s’adapter, et le trail implique de s’engager beaucoup plus que la route. »

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