Quand la fête était en plein "rave"

  • Avec la fête polémique de Lieuron, le mot "rave" a fait son retour.
    Avec la fête polémique de Lieuron, le mot "rave" a fait son retour. SrdjanPav / Getty Images
Publié le
Relaxnews

(AFP) - Avec la fête polémique de Lieuron, le mot "rave" a fait son retour: l'occasion de revenir aux premiers élans en France, fin 1980-début 1990, entre bouche à oreille et lieux improbables squattés.

"On improvisait dans des endroits pas dédiés pour ça, des friches, des hangars, on bravait l'interdit, on était dans l'insouciance, dans un esprit libertaire, sans balisage", brosse pour l'AFP Olivier Degorce. Il documente cette période dans le livre-photos "Plastic Dreams", titre d'un célèbre morceau house.

Les ravers n'étaient au départ "pas repérés car les gens autour ne savaient pas ce que c'était: +De la musique tribale ? Un bar clandestin ?+" poursuit celui qui y allait avant tout pour faire la fête, prenant parfois des clichés à la volée.

Il y a 30 ans, les autorités n'ont pas dans leurs radars ce phénomène venu d'Angleterre. "C'était une énorme rave à Asnières, avec 2.500 personnes, et trois policiers débarquent à l'entrée: +Qu'est-ce que vous faites ?+; +je fête mon anniversaire !+; +ok, continuez+ (rires). Ça n'arriverait plus aujourd'hui", prolonge pour l'AFP Manu Casana, un des gourous de l'époque, une des têtes du collectif puis label techno Rave Age.

- Fort militaire, hôpital... -
Les lieux incongrus en région parisienne sont investis, "sur le modèle de l'exploitation des sites industriels abandonnés à la périphérie de Detroit, berceau de la techno aux USA", décrit pour l'AFP Patrick Rognant, qui fut la voix de Radio FG annonçant les lieux de rendez-vous.

Il y eut l'usine Mozinor à Montreuil, mais aussi les sous-sols de l'Opéra Bastille, d'anciens entrepôts de vins à Bercy ou encore un tunnel sous La Défense. Dans le documentaire de Xanaé Bove, "Ex-TAZ", des fêtards évoquent d'ailleurs ces policiers tournant des heures à La Défense pour savoir d'où viennent des échos sourds: en réalité, d'un chantier souterrain avec "3.000 freaks" en transe...

Casana sera un des piliers des deux raves du fort militaire désaffecté de Champigny (Val-de-Marne) en 1990, une en juillet de 800 personnes, puis celle de septembre, devenue célèbre, avec plus de 2.000 personnes sous le patronage de la radio Maxximum.

"Une fois, c'était dans un bâtiment à l'abandon de l'hôpital de Saint-Louis, on rentrait par un trou dans un mur, par la rue, on y faisait rentrer le matos, en plein Xe arrondissement !", se remémore Degorce. Sa photo du clap de fin est célèbre: des policiers près des platines dressent un procès verbal, avec un DJ, bras croisés et regard noir, derrière eux.

- "Elle était belle l'utopie" -
Degorce ne nie pas la composante chimique. L'ecstasy circule. "On n'était pas toujours dans un état clair, et on pouvait trouver de quoi se mettre dans un état pour aller plus loin, mais ce n'était pas un passage obligé."

Au début, il n'y avait pas encore de DJ vedette, raconte Degorce: "On déambulait dans un endroit sans savoir d'où venait la musique". "Ah, elle était belle l'utopie" sourit Casana: "Par rapport au +No Future+ des punks, c'était +on te montre demain, c'est ici dans la communion, le partage+". "Ce n'était pas cloisonné socialement, avec des gens extravagants et des gens simples", renchérit Degorce.

Bien avant internet, téléphones mobiles et réseaux sociaux, il y avait donc les flyers dans les cafés, aux Beaux-Arts ou ces disquaires lançant "+tu veux pas aller à une soirée spéciale ?+", relate Casana. Puis est venue Radio FG, avec les bons plans "susurrés, chuchotés", se souvient Degorce.

L'année 1995 marque une bascule. Les autorités classent le "soirées-raves" comme "situations à hauts risques". Mais le paysage a déjà bien changé. "Il y en a qui ont abusé, quand tout le monde s'est mis dessus, avec des organisateurs-profiteurs, une ribambelle de dealers...", déplore Casana. La grande famille éclate alors entre ravers, clubbers et free-parties. Mais c'est une autre histoire.

Voir les commentaires
Réagir
Vous avez droit à 3 commentaires par jour. Pour contribuer en illimité, abonnez vous. S'abonner

Souhaitez-vous recevoir une notification lors de la réponse d’un(e) internaute à votre commentaire ?