Le cinéma français n'a plus peur du loup-garou

  • "La Nuée" avec ses plans dignes des "Oiseaux" d'Hitchcock, des sauterelles carnivores à la place des volatiles, et ses scènes apocalyptiques, joue avec les nerfs des spectateurs. "La Nuée" avec ses plans dignes des "Oiseaux" d'Hitchcock, des sauterelles carnivores à la place des volatiles, et ses scènes apocalyptiques, joue avec les nerfs des spectateurs.
    "La Nuée" avec ses plans dignes des "Oiseaux" d'Hitchcock, des sauterelles carnivores à la place des volatiles, et ses scènes apocalyptiques, joue avec les nerfs des spectateurs. Courtesy of The Jokers / Capricci
Publié le
Relaxnews

(AFP) - Des sauterelles carnivores, un loup-garou dans les Pyrénées... Des réalisateurs français ne craignent plus de faire "mauvais genre" en s'emparant des outils du cinéma à grand spectacle, horreur ou fantastique. Sans renoncer à l'exigence.

Mercredi s'ouvre, en ligne pour cause de pandémie, le festival du film fantastique de Gérardmer, rendez-vous incontournable des fans du genre. Signe d'un nouveau penchant pour l'hémoglobine, deux productions françaises très attendues sont en compétition, "Teddy" et "La Nuée".

Ce dernier, avec ses plans dignes des "Oiseaux" d'Hitchcock, des sauterelles carnivores à la place des volatiles, et ses scènes apocalyptiques, joue avec les nerfs des spectateurs.

Le réalisateur Just Philippot y narre l'histoire d'une agricultrice (Suliane Brahim) qui se lance dans l'élevage de sauterelles. Mais l'affaire va basculer lorsqu'elle se rend compte qu'elle peut stimuler de façon incroyable la croissance des insectes en les nourrissant... de son propre sang.

Gros plans angoissants sur les mandibules, scènes sanguinolentes, le cinéaste de 38 ans s'est amusé avec les codes du film d'horreur. Mais reconnaît que "La Nuée" ne fera pas trembler les fans endurcis de cinéma d'horreur américain, par exemple.

"A la base, je ne suis pas du tout un spécialiste du film de genre", s'amuse auprès de l'AFP celui qui voulait "prendre des risques" en faisant à la fois un film "très spectaculaire qui donne du plaisir à voir" tout en portant un véritable discours.

De fait, "La Nuée", qui revendique aussi bien l'héritage de "Petit Paysan" que d'"Alien", est une plongée prenante et subtile dans les difficultés d'une famille rurale. Le film, en prise avec le réel, se fait presque documentaire quand il aborde la crise de l'agriculture.

"Le film de genre est un super outil pour raconter des histoires" quand "le cinéma français oublie peut-être parfois qu'il faut donner envie aux gens d'aller en salle", relève le réalisateur.

Renouveau
Un discours qui résonne au Centre de la cinématographie de l'image animée (CNC). Depuis quelques années, l'institution lance des appels à projet pour financer le cinéma "de genre" à la française, du fantastique à la comédie musicale.

Une façon d'ouvrir les fenêtres d'un cinéma tricolore parfois perçu comme trop psychologique ou trop élitiste. Sans écarter des noms respectés du 7e art : le cinéaste Christophe Honoré a par exemple présidé l'un des jurys, et un projet des frères Larrieu a été sélectionné.

Un renouveau du film de genre, déjà amorcé en 2016 avec "Grave" de Julia Ducourneau, pourra-t-il attirer un public "qui regarde Netflix avant de regarder la Nouvelle Vague", selon l'expression des frères Ludovic et Zherman Boukherma ?

Ces réalisateurs, estimant que chaque type de cinéma, populaire comme pointu, peut "nourrir" l'autre, en font le pari avec "Teddy". Le film est un cocktail envoûtant autour de la figure du loup-garou, et un récit sur la différence et les affres de l'adolescence, porté par Anthony Bajon.

"La Nuée" et "Teddy", qui auraient dû être présentés à Cannes l'an dernier, ne font cependant pas oublier que produire un film français de science-fiction ou d'épouvante continue de relever du parcours d'obstacle.

"Pourquoi les Sud-Coréens peuvent-ils faire des films ultra pop et vivifiants, alors qu'en France, quand on veut faire du genre, il faut le faire plus sérieusement, plus socialement ?", s'interrogeait le réalisateur Romain Quirot, lors d'une table ronde organisée sur le sujet par Unifrance.

Un décalage sur lequel il a buté lorsqu'il cherchait des aides pour préparer son film de science-fiction "Le Dernier Voyage de Paul W.R.", qui devrait sortir prochainement.

Cette frilosité des financeurs est "liée au manque de succès du genre en salles", analysait son confrère Mathieu Turi. Et celui-ci ne pourra venir "que quand il y aura beaucoup de films de genre" à l'affiche : "le serpent se mort la queue".

Voir les commentaires
Réagir
Vous avez droit à 3 commentaires par jour. Pour contribuer en illimité, abonnez vous. S'abonner

Souhaitez-vous recevoir une notification lors de la réponse d’un(e) internaute à votre commentaire ?