"Nous sommes les grands oubliés du gouvernement" (Victor Pelissier, étudiant en droit)

  • Victor Pelissier, président de l'association Tutorat Droit et Science Po Montpellier : "Tout ce que nous vivons depuis maintenant presque un an va  laisser des cicatrices." Victor Pelissier, président de l'association Tutorat Droit et Science Po Montpellier : "Tout ce que nous vivons depuis maintenant presque un an va  laisser des cicatrices."
    Victor Pelissier, président de l'association Tutorat Droit et Science Po Montpellier : "Tout ce que nous vivons depuis maintenant presque un an va laisser des cicatrices."
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Relaxnews

(ETX Studio) - Depuis une dizaine de jours, le hashtag #étudiantsfantômes prend de l'ampleur. Sur Twitter et dans la rue, des étudiants à travers toute la France expriment leur mal-être et leur anxiété, qui ne cessent de croître dans ce contexte de crise sanitaire. Victor Pelissier, président de l'association Tutorat Droit et Science Po Montpellier et étudiant en droit, le constate fréquemment lors des sessions de tutorat qu'il anime. Entretien. 

Le hashtag #étudiantsfantômes a suscité de fortes réactions, à la fois de la part des médias et du gouvernement. Pourtant la détresse des étudiants n'est pas nouvelle… 

"C'est terrible, mais il aura 'fallu' que des étudiants se suicident pour qu'on parle enfin de la détresse des étudiants. Nous n'avons pour ainsi dire jamais eu la sensation d'être déconfinés depuis le mois d'octobre. Nous n'avons ni lieu de travail ou d'éducation où nous rendre la journée. Et le soir, c'est le couvre-feu, donc on ne peut pas sortir. Cela ne fait qu'amplifier la perte de lien social. 

On a beaucoup parlé du décrochage scolaire chez les licences de première année. Or, cela concerne l'ensemble du corps étudiant. Je n'en connais pas un seul qui ne souffre pas de cette situation. Beaucoup sont en dépression, on peut même parler de troubles suicidaires pour certains. Tout ce mal-être est là depuis le premier confinement et ne fait que s'amplifier dans le temps.

Si les visioconférences sont loin de combler le manque des bancs de l'université, en quoi le tutorat permet-il de rétablir ce lien social ?

C'est vrai que les cours à distance n'ont rien à voir avec ceux donnés en présentiel. On a du mal à suivre, on décroche beaucoup plus rapidement. Je pense que c'est très dur aussi pour les professeurs, qui sont pourtant très dévoués envers leurs étudiants et qui se sont adaptés à une vitesse remarquable.

Depuis octobre, les bénévoles de notre association et moi-même faisons tous des heures plus longues de tutorat que d'habitude, car les autres étudiants ont besoin de parler, d'échanger. Parfois, après les sessions de révision en visioconférence, nous restons avec eux pour discuter de tout et de rien. On sent que ça leur fait du bien. Et à nous aussi. Le gouvernement parle peu du tutorat, mais nous pouvons constater à travers notre association à quel point cela est précieux pour les étudiants.

Emmanuel Macron a justement annoncé des mesures jeudi dernier pour venir en aide aux étudiants, notamment celle d'autoriser le présentiel une fois par semaine...

C'est un premier pas, mais encore faut-il bénéficier d'un logement pour venir une fois par semaine à l'université. Car avec la précarité économique actuelle qui nous touche, beaucoup sont repartis dans leur famille pour éviter d'avoir à payer un loyer trop onéreux. Sans calendrier prévisionnel, cela me semble compliqué de s'organiser à ce niveau-là, pour seulement un jour par semaine. Les demandes risquent donc d'être très réduites. 

Quid des autres mesures, notamment les repas à un euro et les "chèques psy" ? 

Les repas à un euro sont une bonne initiative, car cela va aider les plus précaires d'entre nous. Mais là encore, il faut que les étudiants soient dans la ville de leur fac pour en bénéficier. Quant aux chèques psy, ils arrivent tard et je doute que cela va compenser la forte anxiété. Tout ce que nous vivons depuis maintenant presque un an va  laisser des cicatrices. Nous n'allons probablement pas oublier de si tôt l'ignorance généralisée dont nous avait été victimes de la part des pouvoirs publics. 

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