Alimentation : la sémantique du mot végétarien s’invite au menu

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  • L’ensemble des parlementaires avaient répondu présentà l’invitation des agriculteurs.
    L’ensemble des parlementaires avaient répondu présentà l’invitation des agriculteurs. oc
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Olivier Courtil

Un collectif d’agriculteurs parents d’élèves a mis les pieds dans le plat en suscitant le débat sur le sujet "sensible" du menu végétarien avec les élus locaux et les parlementaires, organisé à Bozouls.

Egalim. Derrière ce terme se cache la loi du 30 octobre 2018 pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous qui, entre autres, prévoit l’instauration d’un menu végétarien hebdomadaire dans les cantines scolaires à compter du 1er janvier prochain. Autant dire demain. Pour cette raison, un collectif se définissant "agriculteurs parents d’élèves" s’est constitué sur le secteur de Bozouls.

Un dialogue éclairant s’est tenu avec les parlementaires, en présence d’élus locaux, venus s’informer sur ladite loi et soutenir le monde agricole à la salle du conseil municipal de Bozouls. À commencer par ce terme qui stigmatise la loi Egalim : végétarien. " Le mot végétarien nous a choqués. En termes de communication, on va mettre à mal le monde agricole, c’est dire que manger de la viande est mauvais pour la planète ", fait remarquer Mathieu Causse, éleveur de race aubrac au nom du collectif, soutenu par les élus locaux.

" L’agriculture est le premier pilier de l’économie en Aveyron, on a besoin de s’informer et on est prêt à être à vos côtés ", déclare en ce sens Élodie Gardes, maire de Lassouts. Dans son sillon, Magali Bessaou, au nom du Département, rappelait qu’une motion avait été prise l’an dernier concernant cette loi.

Ce menu végétarien en phase d’expérimentation – mais obligatoire à terme et sans décret pour l’heure –, vu donc comme un passage en force, est loin de faire l’unanimité. "Il faut préciser qu’elle n’est qu’expérimentale et sans sanction." Il est urgent d’attendre, en somme, "et les enfants n’en veulent pas", confie une élue. Le terme gêne. Une étude conforte cette position. Celle menée par l’association des maires de France en fin d’année qui révèle que 75 % d’entre eux y sont défavorables. À Sébrazac par exemple, il a été décidé de donner la liberté aux parents de choisir entre un menu végétarien et un autre menu. Deux familles ont opté pour le premier cité. Le collectif a mis en avant la nécessité de laisser aux parents de faire l’éducation alimentaire de leurs enfants. "Il faut éduquer le consommateur. Le public ne connaît pas la ruralité." L’alimentation est question d’éthique, soulevant l’intrusion dans la sphère privée et la perte de liberté. Consommer est devenu plus que jamais un acte citoyen.

Communication positive

De la sémantique sur le mot végétarien découle bien d’autres problématiques, comme une rémunération équitable aux producteurs en bout de chaîne des fournisseurs et des distributeurs, et à la demande locale tout en maintenant la qualité. "Avec un tiers des exploitants à la retraite d’ici dix ans, sera-t-il possible encore de nourrir localement ?", interroge avec lucidité Laurent Foulquier, éleveur.

Et d’enfoncer le clou sur le message pernicieux en opposant végétarien à éleveur de viande. "On minimise trop le pouvoir des industriels et des lobbyistes qui mènent une communication habile et d’une minorité qui fait parler d’elle. Il est urgent de mener une communication positive. On n’est pas sectaire mais on ne veut pas ouvrir un menu à une autre idéologie." Sans parler du gaspillage du menu végétarien. David Minerva, maire de Laissac, a ainsi donné ses chiffres : de 10 kg de nourritures jetées, cela passe à 13 kg pour le menu végétarien.

De leur côté, les parlementaires ont justifié leur vote en faveur d’Egalim pour l’accent porté sur le local, "en voyant le verre à trois quarts plein" a ainsi déclaré Stéphane Mazars. " Le problème porte sur la forme et non sur le fond", ajoutait Anne Blanc, autre députée de LaRem, reconnaissant que " le terme végétarien n’est pas adapté. "

Reste aux consommateurs de faire le bon choix vers le bien manger, local, bio et de qualité, y compris de la viande.

L’autre projet préoccupant

Jean-Claude Anglars, sénateur, a éclairé et alarmé sur un projet de Barbara Pompili, ministre de la transition écologique, d’instaurer le menu végétarien au quotidien dans les cantines. Elle présentera ce projet le 10 février au gouvernement. Ce qui fait dire au sénateur du Nord-Aveyron : " Il y a une action à mener. " Et de rappeler " l’exemplarité de l’agriculture aveyronnaise " soulignée par Joël Giraud, secrétaire d’État à la ruralité lors de son récent déplacement sur le sol rouergat. " On doit mener l’expérimentation ensemble, élus locaux, Département et agriculteurs ", rappelant que douze collèges seulement sur quarante en Aveyron ont intégré le dispositif "L’Aveyron dans l’assiette". Une annonce " préoccupante " a admis Stéphane Mazars, député LaRem, déclarant : " On vous rejoint sur ce point au combat. " Cette adhésion à dépasser les clivages est impérative comme le soulignait Alain Marc, sénateur : " Les élus parlementaires ruraux sont sous-représentés. La vision différente de l’urbain et du rural fait que les messages sont difficiles à faire passer. Il faut produire une communication positive, on va refaire la loi pour sensibiliser. "

En ce sens, l’ensemble des parlementaires se sont entendus afin de fixer une clause pour se revoir.

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