Rodez : Luc Aussibal, du rock des champs à l’oc des villes

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  • Arts plastiques et musique sont les deux jambes qui font marcher Luc Aussibal.	Photos José A. Torres
    Arts plastiques et musique sont les deux jambes qui font marcher Luc Aussibal. Photos José A. Torres
  • Luc Aussibal, du rock des champs à l’oc des villes
    Luc Aussibal, du rock des champs à l’oc des villes
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Monsieur L'Ouîe

Depuis son adolescence, le chanteur ruthénois a conduit sa vie entre deux activités : la musique et les arts plastiques. avec un air d’occitan dans ses cordes vocales et des mélodies rock sur ses cordes de guitare. Et ce n’est pas parce qu’il vient juste d’atteindre les soixante ans qu’il songe à ranger les pinceaux et à éteindre le micro. Rencontre.

Il y a des trucs qui viennent dans la vie et qui ne vous lâchent plus. Si vous en doutez, demandez donc à Luc Aussibal. Depuis qu’il est petiot, deux petites mécaniques se sont mises à battre au rythme de son cœur et de ses pas : la musique, et les arts graphiques. Et quelques décennies plus tard, ces mécaniques ne se sont pas grippées.

Né à Rodez, c’est pourtant à Tournemire que Luc Aussibal est allé grandir, puis à Saint-Affrique pour ses "années lycée", comme il dit. Les études, les rencontres, et la fréquentation du lieu "branché" de la "Petite Rome", le café du Midi, fréquenté par les rockeurs et les Hells Angels du coin. C’est à cette période-là, en 1975, qu’avec quelques potes il monte un groupe qui allait durer une petite décennie, Émile Rock des Champs. "On était encore dans des temps où ce qui fascinait les musiciens ruraux, c’était les orchestres de bal", se souvient-il

Émile Rock des Champs était donc un groupe de bal, mais quelque peu atypique. "Nous faisions des reprises à notre manière d’Higelin, des Stones, des Beatles ou de Béranger. Et aussi, nous avons commencé à composer."

Et petit à petit, du café du Midi aux villages à l’entour, la jeunesse branchée et les blousons de cuir locaux ne juraient plus que par Émile. "On trimballait beaucoup de monde. Dans les derniers concerts, on arrivait à réunir quelque 600 personnes, rien que sur notre petit nom."

Entre-temps, Luc avait quitté le lycée pour étudier aux Beaux-Arts de Toulouse. Mais "je suis un garçon de village, je revenais toujours pour les répétitions." Ou jouer au football, le week-end, dans l’équipe de Roquefort.

Il finira ses études à Toulouse vers 1986. Entre-temps, parce que si la jambe "arts graphiques" avance, l’autre jambe musique doit en faire autant, il remonte un groupe avec son frès Didier, baptisé Ara. "Didier a toujours été auteur compositeur. on s’est retrouvés entre frères, et on a monté Ara, avec quelques anciens d’Emile". Et c’est parti pour une nouvelle aventure d’environ 5 ans, jusqu’en 1990. Avec une autre particularité, la rencontre d’un autre "fraire", l’écrivain occitan JaumesPrivat, qui écrira presque toutes ses chansons jusqu’à aujourd’hui. "L’élément principal, c’est qu’on a mélangé la culture occitane et le rock. Je crois qu’on est le fruit de plusieurs cultures. A ce moment, c’était une façon d’être entier. Ce n’était pas non plus militant : quand j’étais au lycée, je n’étais pas dans les troupes occitanistes des profs qui rassemblaient des gens autour de l’occitan, j’étais plutôt dans le camp pop et rock. Non, c’était plutôt une rencontre artistique entre des mots et du son."

Une rencontre qui va désormais être sa marque de fabrique : le chant de Luc va se déployer dans la langue d’ici. "En plus c’est une langue qui sonne, qui est très modulable, que tu peux tordre comme l’anglais."

Entre-temps, puisque la jambe "arts graphique" doit repasser devant pour avancer, Luc termine ses études à Toulouse et décroche un poste de professeur d’arts plastiques à Espalion.

Il revient donc s’installer dans sa ville natale, Rodez, "qui m’était pourtant complètement étrangère". En parallèle de son poste d’enseignant, il développe également durant six ans une activité d’illustrateur publicitaire durant six ans, avec "un agent à Paris".

À Rodez, il y retrouve Jaumes Privat et va faire peu à peu d’autres rencontres et retrouvailles, les deux pieds dans les milieux de l’art et de la musique, qui vont continuer à le faire avancer, les deux jambes plus ou moins de concert. Entre autres, et en fil rouge, l’intellectuel occitan René Duran, "qui a été très important dans mon parcours ruthénois", le batteur d’un autre groupe saint-affricain, Winnipeg, qui va le recoller derrière le micro, "Pascal Roux et Stéphane Sichi, qui venaient de monter le studio de la Nauze", rencontre qui aboutira, avec l’aide du second, à la sortie de son premier album "Ici même", en 1995. Un groupe se forme alors autour de son nom, avec Didier Fraisse et Claude Gastaldin notamment, et les dates s’enchaînent à petit pas sur tout le territoire occitan. Puis, en 2003, le deuxième album, "Dedins", plus introspectif, avec Jaumes Privat pour les textes et Luc lui-même à la composition.

Pour faire avancer sa jambe "arts plastiques", Luc Aussibal continue, de manière beaucoup plus personnelle, à peindre ou créer des "objets découpés peints" qui vont finir par s’accrocher aux murs de plusieurs expositions. "J’ai toujours eu en parallèle un univers visuel et un univers sonore", résume-t-il.

Côté sonore, l’histoire avançait tranquillement et une nouvelle bande de musiciens s’est installée autour de lui en 2010. "J’avais retrouvé une formation avec des accents un peu plus rock." C’est le temps de Luc Aussibal e Mai, dont un album éponyme verra le jour en 2016.

Maintenant, tout jeune sexagénaire, "l’expérience groupe se termine gentiment, lance Luc. Il reste des enregistrements, huit chansons enregistrées et mixées qui sortiront très bientôt en album, "Animaux errants", sur les plateformes de téléchargement.

Mais "j’écris de plus en plus, avoue-t-il, je fais ce que je ne faisais pas avant : l’auteur. Je vais travailler ça en plan plus resserré."

Côté jambe d’art, une exposition est prévue également sur Millau.

Comme quoi, depuis toujours, Luc Aussibal continue de marcher sur ses deux jambes.

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