Pannier-Runacher : "Bosch doit supprimer moins d’emplois" à Rodez

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  • Agnès Pannier-Runacher, ici aux côtés de Heiko Carrie, PDG Bosch France, lors de sa dernière visite sur le site ruthénois, en février 2019.
    Agnès Pannier-Runacher, ici aux côtés de Heiko Carrie, PDG Bosch France, lors de sa dernière visite sur le site ruthénois, en février 2019. Joël Born
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Alors qu’elle participera vendredi prochain à une réunion de travail concernant l’avenir de l’usine Bosch, à Rodez, la ministre déléguée à l’Industrie invite le groupe allemand à "réduire le nombre de suppressions d’emplois d’ici 2025" et à respecter l’objectif "zéro départ contraint". Entretien.

Depuis plusieurs jours, l’État assure "avoir sauvé le site Bosch Rodez". N’est-ce pas maladroit en termes de communication quand on sait que 750 emplois vont être supprimés d’ici 2025 ?

Je souhaiterais d’abord dire que je partage l’émotion des salariés et des élus locaux. Je pense aussi à leurs familles et je mesure pleinement le choc qu’ils ont ressenti. Depuis le comité d’entreprise du 10 novembre où avait été évoquée la fermeture du site par le PDG Bosch France et Benelux, Heiko Carrie, nous étions très inquiets et nous avons travaillé d’arrache-pied pour que cette hypothèse disparaisse. Mais évidemment, il n’y a pas lieu de célébrer cette nouvelle. Je ne peux pas non plus me satisfaire de la suppression de 750 emplois, ni me contenter des promesses sur les 500 emplois garantis jusqu’en 2027. Je suis néanmoins soulagée que la solution du pire n’ait pas été retenue. Les syndicats de l’usine ainsi que les élus locaux ont joué leur part dans cette décision.

Comment avez-vous contraint Bosch de ne pas fermer totalement le site ?

Nous sommes directement intervenus avec Bruno Le Maire (ministre de l’Économie, NDLR) auprès des directions française et allemande pour faire valoir nos arguments. Nous avons plaidé la cause de cette usine, dont je rappelle la qualité et le savoir-faire des salariés. Malheureusement, la confiance entre les salariés, qui ont tenu tous leurs engagements depuis l’accord de compétitivité signé en 2018, et l’entreprise a été écornée. Car Bosch n’a pas tenu l’intégralité de ses engagements, notamment sur la diversification. Aujourd’hui, la priorité est de rétablir cette confiance.

Bosch avait annoncé, lors de l’accord de compétitivité signé en 2018, qu’il se lancerait dans une diversification active de ses productions. Cela n’a pas franchement été le cas…

Avant même mon arrivée en 2018, les équipes de Bercy ont travaillé sur la diversification du site. Des avancées ont été réalisées, avec notamment la production de barres de torsion, un projet en matière d’hydrogène, des prestations de conseil dans le domaine environnemental… Malheureusement, le secteur qui présentait le plus de perspectives, l’aéronautique en l’occurrence, a été balayé par la crise de la Covid-19. C’était notre plus grand levier mais on connaît tous aujourd’hui l’état du marché de ce secteur.

En n’intégrant pas les moteurs diesel dans la vignette Crit’Air 1, n’avez-vous pas en quelque sorte condamné l’avenir de ce carburant et les emplois de son secteur ?

La réalité, c’est que la prime à la conversion a bien concerné les véhicules diesel ces deux dernières années. La transition écologique que nous menons est guidée par la neutralité technologique. Je ne suis pas la maire qui a pris la décision d’exclure les véhicules diesel de sa ville. Je ne suis pas celle-là, soyons très clairs. Si je m’en rapporte aux faits et aux études réalisées à la demande du gouvernement, les véhicules diesel récents ont plutôt de bonnes performances en termes d’émissions sur route mais ce n’est malheureusement pas le cas en ville où les véhicules essence affichent de meilleures performances en matière de pollution de l’air.

De nombreuses personnalités politiques ont appelé à la fin du diesel ces dernières années. Quelle est aujourd’hui la ligne gouvernementale sur cette question ?

Je ne fais pas partie de ceux qui opposent écologie et économie. Si on veut réellement mener le combat sur la réduction de notre empreinte carbone, la seule solution – et elle peut paraître paradoxale – c’est de produire davantage en France et donc d’augmenter la part de l’industrie dans notre économie. Car ayons en tête que l’essentiel de l’augmentation des émissions de CO2 ces vingt dernières années, c’est l’importation de produits qui ne sont plus fabriqués en France. Sur le diesel, je rappelle qu’il y a encore trois fois plus d’immatriculations neuves de véhicules diesel qu’électriques… L’enjeu actuel est de sortir du marché les vieux véhicules très émetteurs pour les remplacer. Et c’est dans ce cadre que nous avons mis en place la prime à la conversion. Nous en avons attribué près de 800 000 depuis 2018 et la décision du gouvernement de procéder à un élargissement du dispositif.

Vous évoquez les importations. Aujourd’hui, les sites de Bosch à Rodez, comme celui de Sam à Viviez, sont en concurrence avec d’autres sites situés dans des pays à bas coûts, tels que la Turquie. En étant actionnaire principal de Renault, client de ces deux entreprises, l’État n’a-t-il pas son mot à dire pour rapatrier une part de la production ?

C’est Bosch qui choisit de produire à différents endroits du monde. Doit-on demander à Renault d’arrêter d’acheter chez Bosch ? Je ne pense pas que cela fera les affaires de Rodez. Ou doit-on demander à Bosch de produire davantage en France, ce qui n’est pas nécessairement son premier réflexe ? Soyons raisonnables, nous ne pouvons pas imposer à une entreprise allemande sa manière de fonctionner. Ce que je demande à cette entreprise en revanche, c’est de faire en sorte qu’il y ait plus de salariés sur le site de Rodez en 2025 que ce qu’ils ont annoncé, qu’il y ait plus de visibilité sur les activités maintenues à Rodez et sur la diversification du site. L’objectif "zéro départ contraint" doit être le cap ! Je leur demande d’agir en groupe responsable.

En sachant que Bosch a également bénéficié de nombreuses aides de l’État comme la prise en charge du chômage partiel ainsi que des crédits d’impôts via le CICE…

La fin du CICE, je rappelle que c’est ce gouvernement qui l’a fait voter fin 2017. Quant au chômage partiel, il ne bénéficie qu’aux salariés et a permis de maintenir des emplois sur le site.

De vives inquiétudes pèsent également sur le site de Sam, à Viviez, où l’offre de reprise prévoit actuellement la suppression de 214 emplois. Quel regard portez-vous sur ce projet de reprise ?

La situation de Sam est très préoccupante. Je la suis de très près, car les difficultés de l’entreprise sont prégnantes depuis de nombreux mois. Nous nous sommes battus pour assurer de la charge sur ce site, les salariés ont fait leur travail et malheureusement, on n’a pas eu de répondant de la part des anciens actionnaires… Aujourd’hui, il faut ouvrir les discussions avec le repreneur potentiel, comme l’ont décidé les salariés jeudi. Il ne faut se priver d’aucune opportunité pour sauver le maximum d’emplois.

Sam, Bosch, près de 1 000 emplois sont aujourd’hui menacés et c’est un véritable coup dur pour un département rural tel que l’Aveyron, d’autant plus dans une période de crise pour l’économie…

Ces emplois ne seront pas supprimés en 2021 et le temps des négociations qui vont s’ouvrir avec Bosch doit être utilisé pour limiter au maximum les impacts sur le territoire. Pour cela, nous avons plusieurs leviers dans le plan de relance, dont une large part est consacrée à l’industrie. Nous avons également retenu le territoire de Rodez dans le dispositif de transitions collectives qui visent à traiter des situations de type choc industriel et accompagner les salariés pour basculer sur d’autres emplois industriels.

Vendredi prochain à Rodez

Si son directeur de cabinet a participé à la table ronde concernant l’avenir de Sam jeudi matin, Agnès Pannier-Runacher se déplacera, cette fois en personne, à Rodez vendredi prochain. La ministre déléguée à l’industrie participera à cette occasion à une réunion de travail tripartite sur l’avenir du site Bosch en présence du PDG France de l’entreprise, Heiko Carrie, ainsi que des représentants syndicaux. Un comité de suivi en présence de la préfète Valérie Michel-Moreaux et de nombreux élus s’en suivra, à la salle des fêtes, selon toute vraisemblance.

En attendant, les trois organisations syndicales de l’usine (CGT, Sud et CFE-CGC) ont d’ores et déjà appelé à un débrayage et à une large mobilisation lors de cette matinée, à l’image de la manifestation engagée par les salariés de Sam, jeudi.

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Mathieu Roualdés
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