Patrimoine : le moulin du pont-vieux de Millau
Alors que tous les regards sont tournés, en ce mois de mars, vers les rivières à l’occasion de l’ouverture de la pêche, La fondation du patrimoine met en lumière la restauration exemplaire de ce monument emblématique millavois.
Le moulin du pont-vieux de Millau, au beau milieu du Tarn, nul ne peut l’ignorer, habitants ou voyageurs en transit, pour peu que l’on prenne le temps de descendre musarder au ras de l’eau plutôt que de choisir la voie des airs.
C’est après la crue de 2012, une fois encore ravageuse que la municipalité décide de consolider les fondements et de restaurer l’ensemble. Elle invite les amateurs de patrimoine à s’investir dans le projet en confiant à la fondation du patrimoine une campagne de collecte de dons défiscalisables. Les travaux débutent en 2015 et se terminent en juin 2017. Depuis, l’édifice restauré héberge l’association des peintres et sculpteurs de Millau qu’il inspire !
Technicité, audace et ingéniosité
Un moulin et son système hydraulique sont fragiles. Ils le sont d’autant plus que la rivière est imprévisible. En effet, le moulin du pont-vieux est établi sur le Tarn, une rivière aux fluctuations de débits et de niveaux, parfois très importants. Avec un module de 40 m3/s, les concepteurs de cette usine avaient une grande marge de manœuvre pour mettre en jeu les moteurs et les machines, et ce malgré le voisinage d’une autre usine beaucoup plus grande. Il est important de noter que le quotient du débit moyen d’étiage (6 m3/s) sur celui des crues les plus fortes à l’image de celle de 1982 (2 400 m3/s) est en l’occurrence de 1/400, ce qui est considérable. Il place le Tarn, à Millau, parmi les cours d’eau ayant les plus fortes valeurs. Cette variabilité du débit a conditionné de manière très nette l’évolution architecturale du moulin au fil des siècles.
Les principales modifications de la physionomie du moulin résultent d’une volonté de placer les ateliers de transformation, ou de mouture, hors d’atteinte des plus hautes eaux. La première date de 1415. Le petit moulin placé au rez-de-rivière, vient d’être rasé par une crue en 1414. Les consuls ne souhaitent pas vivre à nouveau un tel épisode et demandent à Cailhol, mécanicien, constructeur de moulin, originaire de Saint-Affrique, de bâtir une pile creuse pour porter le moulin. La surélévation de l’atelier de meunerie, le met à l’abri de beaucoup d’épisodes de hautes eaux et de crues cévenoles violentes. Il est protégé par la deuxième pile du pont-vieux contre lequel il prend appui.
Jacques Sorro repense entièrement le moulin
Si le local professionnel est en sécurité, les moteurs hydrauliques, mettant en jeu les meules à grain, restent quant à eux toujours exposés aux flots turbulents du Tarn.
De ce fait, le moulin était protégé de la violence des flots par l’avant-bec de la pile de pont et la pile du pont elle-même. La pile du pont-vieux se trouve donc renforcée par la présence du moulin accolé sur sa face aval. Ce dernier joue un rôle de contrefort par la masse du moulin lui-même. Ainsi, l’un sans l’autre, les deux ouvrages n’auraient pas survécu jusqu’à nos jours en symbiose. Cette physionomie ne semble pas avoir changé depuis la gravure de Pernot représentant le moulin en 1837. En 1883, la volumétrie du bâtiment ne doit pas être très différente de celle qu’il avait en 1415. Entre 1863 et 1882 arrive un nouveau propriétaire, Jacques Sorro.
Les dégâts causés par la crue du Tarn des dimanche 12 et lundi 13 septembre 1875, qualifiée de "monstrueuse" par les géographes, sont encore ancrés dans la mémoire millavoise. En 1883, il se rappelle certainement cet évènement. Le Tarn a atteint le record de 9,93 m au-dessus de l’étiage à Millau. Sorro souhaite élargir le parapet du pont, et demande l’autorisation à la mairie de faire ces aménagements. Il constate également que la vieille structure à pans de bois avec cloisons en tuf de Creissels enduit, est à bout de souffle. Il souhaite donc remplacer toutes les vieilles poutres en bois affaiblies ou dégradées, par des poutres en acier et décide de repenser entièrement le moulin. Il établit le nouveau niveau de référence de l’atelier de meunerie sur un plancher construit sur des IPN avec la technique de la voûte anglaise.
Sorro augmente la pile du moulin, remontant ainsi l’atelier de transformation, en l’occurrence une meunerie (partie basse figurant sur la gravure de 1837 de Pernot), placée à 7,50 m au-dessus de l’étiage, au niveau du pavement du pont-vieux, soit 2,50 m plus haut. L’atelier de production est alors situé à 10 m au-dessus de l’étiage. Cela fait un gain en hauteur remarquable de plus 33 % comme le confirme l’étude archéologique de Frédéric Loppe. Tout devient de plain-pied. Ce faisant, il augmente la marge de sécurité de l’atelier par rapport aux plus grandes eaux. La justesse de cette démarche fut confirmée plus d’un siècle plus tard, puisque, lundi 8 novembre 1982, le Tarn en crue est monté à seulement 50 cm du plancher du moulin, atteignant la cote de 9,50 m au-dessus de l’étiage.
La recomposition architecturale observée, au fil des siècles, sur le moulin du pont-vieux est le fidèle reflet d’un bâtiment qui n’a cessé de s’adapter aux contraintes d’une rivière imprévisible. Le but était de préserver un espace de production toujours mis en jeu par l’énergie hydraulique.
Les voûtes anglaises ont remplacé le vieux plancher en bois et les axes de transmission en bois ont utilement été remplacés par des axes en fer, régulièrement allongés au fur et à mesure de l’exhaussement du sol du moulin.
Extrait adapté de "Mémoire de 67 pages. Millau (Aveyron). Restauration du pont-vieux". Diagnostic et avant projet sommaire. Diagnostic sur le mécanisme et le moulin. Pour la municipalité de Millau, en 2015, par Jean-Pierre Henri Azéma, docteur en géographie de l’aménagement, diplômé de l’université de Paris, spécialiste du patrimoine industriel et des moulins, histoire des rivières et de l’énergie. Photos de l’APSM, de Jean-Pierre Henri Azéma et de P. Lem.
Association des peintres et sculpteurs aveyronnais
Le patrimoine au service de la culture, "ce n’est que du bonheur", tel est le cri du cœur d’Angélica Labbé, l’actuelle présidente de l’association des peintres et sculpteurs millavois. Celle-ci dispose d’un cadre exceptionnel dans le vieux moulin avec une grande salle d’expositions, toute équipée.
Les cours à l’année ou stages ponctuels sont dispensés par des professeurs artistes plasticiens passionnés. L’association souhaite s’impliquer en tant qu’acteur artistique en milieu rural et promouvoir l’art et la culture.
Contact au 05 65 61 14 24, par mail : apsm.millau@yahoo.com
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