De l’Aveyron à la Roumanie, itinéraire d’un "parfait escroc"

Abonnés
  • L'affaire a été jugée ce mercredi au tribunal de Rodez.
    L'affaire a été jugée ce mercredi au tribunal de Rodez. - Illustration CP
Publié le
Mathieu Roualdès

Déjà condamné à trois ans de prison ferme en septembre dernier, un vendeur d’automobiles au profil du "parfait escroc" a de nouveau écopé de quatre ans et demi de prison ce mercredi devant le tribunal de Rodez. Cette fois, il vendait des véhicules depuis la Roumanie sans jamais les livrer…

C’est un dossier tentaculaire, de plusieurs milliers de pages, sur lequel le tribunal de Rodez se penche depuis plusieurs années. Ce dossier, c’est celui de Samy A., un quadragénaire originaire de la banlieue parisienne, plutôt beau parleur, toujours apprêté et présenté comme "un détenu modèle" par la pénitentiaire… Condamné au début des années 2010 pour diverses escroqueries alors qu’il était à la tête d’un garage à Chartres, il rejoint alors l’Aveyron avec sa femme, sa maîtresse et la famille de celle-ci, venue de Roumanie. Tous vivent sous le même toit, dans une belle maison du côté de Saint-Laurent-d’Olt, "où on était douze parfois !". C’est la belle époque et les affaires marchent fort pour Samy qui, au profit d’un numéro Siret créé par sa maîtresse, se lance de nouveau dans la vente d’automobiles malgré son interdiction d’exercer. Il monte le garage ASS, situé sur la commune d’Onet-le-Château. Il rachète de vieilles voitures à une casse automobile voisine et les revend ensuite à des prix alléchants. En une année, l’autoentreprise réalise un chiffre d’affaires de 800 000 €, toutes les transactions se font en liquide, rien n’est déclaré. "On vendait une voiture par jour", se remémore-t-il.

Mais au fil des mois, Samy perd pied : les véhicules achetés ne sont jamais livrés, le kilométrage est "trafiqué", les vices sont nombreux et les plaintes pleuvent à la gendarmerie. Une cliente racontera que sa voiture s’arrêtait au beau milieu de la route, sans raison, et que les portières se verrouillaient… La justice rattrape alors Samy et sa petite bande qui, mise au courant des diverses plaintes, prend la fuite vers la Hongrie puis la Roumanie. Un mandat d’arrêt international est lancé, la trace de Samy est retrouvée en 2018. Extradé, il est alors incarcéré à la maison d’arrêt de Druelle. En septembre dernier, il a été condamné à trois ans de prison ferme pour ces faits.

"Moi, je suis là pendant qu’ils font la fête en Roumanie !"

Ce mercredi, il a retrouvé la juge Sylvia Descrozaille. " On se connaît et l’après-midi vous est de nouveau consacré si je peux dire ", a-t-elle ironisé avant de se pencher sur un nouveau dossier d’escroquerie, tout aussi volumineux que le premier. Cette fois, il est reproché à Samy d’avoir vendu des véhicules sur Le Bon Coin, entre 2016 et 2018 lorsqu’il avait pris la fuite vers les pays de l’Est, sans jamais les livrer… Mais sans jamais oublier de prélever un acompte, à hauteur de 10 % de la valeur du bien, aux clients, via mandat cash.

Plus de100 personnes sont tombées dans le panneau. A l’audience, l’une d’entre elles, venue exprès d’Ardèche, témoigne : " Quand j’ai envoyé l’acompte de 800€, on m’a dit de récupérer la voiture à Onet-le-Château, mais l’adresse n’existait pas. J’ai essayé d’appeler Samy des centaines de fois ensuite mais jamais il ne m’a répondu. " Dans le box, chemise blanche à manches courtes et masque sous le nez, Samy répond qu’il "assume tout" et raconte avoir été embarqué dans cette histoire par un certain "Dany" en Roumanie.

"Moi, je suis là pendant qu’ils font la fête en Roumanie", s’énerve-t-il rejetant la faute, comme lors de la première audience, sur son ancienne maîtresse, toujours visée par un mandat d’arrêt international. "Elle s’en fiche ! Personne n’a fait l’effort de la retrouver, c’est moi qui prends. Posez-vous la question de savoir où est l’argent aujourd’hui ?", poursuit-il, avant que la présidente ne l’interroge :

- "Combien avez-vous encaissé en tout ?

- Honnêtement, on a dû gagner entre 50 et 100 000€ mais pour moi, je dirais entre 20 000 et 25 000… Je ne me souviens plus trop mais je ne vais pas vous mentir, je vivais très bien quand j’étais là-bas, on se faisait plaisir.

- Pourquoi n’assumez-vous pas pleinement votre responsabilité car c’est vous que les clients floués avaient au téléphone ?

- J’assume tout mais je ne veux pas mourir en prison pour ces personnes-là ! J’ai voulu jouer avec eux, je n’aurais pas dû.

- Et les photos des véhicules mis en vente, vous les récupériez où ?

- C’est le Roumain, Dany, qui m’envoyait tout", répond-il avant que l’une des victimes, dans la salle, ne l’interrompe : " On se crève tous à travailler pour se payer une voiture et toi, comment tu fais ça aux gens ? ça me dégoûte"

Si elle ne cache pas que son client a pour métier "escroc depuis 10 ans", Me Anne-Sophie Monestier regrette, elle aussi, le manque d’investigations sur ses "complices" en Roumanie. "Je m’excuse auprès de tout le monde, j’ai hâte de repartir à zéro, je n’en peux plus", a-t-il pour sa part confié avant que la présidente et ses assesseurs ne partent délibérer, peu après 19 heures. La sentence est tombée deux heures après : Samy a été condamné à quatre ans et demi de prison ferme pour cette affaire et trois mois supplémentaires pour usurpation d’identité. Sur Le Bon Coin, il vendait parfois ses véhicules sous couvert du nom d’une société d’assurance connue. "Il a toutes les qualités du parfait escroc", avait souligné le procureur, Olivier Naboulet, lors de ses réquisitions, rappelant qu’il n’avait "jamais vu autant de victimes dans un dossier d’escroqueries depuis bon nombre d’années".

Cet article est réservé aux abonnés
Accédez immédiatement à cet article
2 semaines offertes
Voir les commentaires
L'immobilier à Onet-Le-Château

210000 €

PRIX EN BAISSE. À vendre Les Costes Rouges à Onet le Château, T6 duplex de [...]

Toutes les annonces immobilières de Onet-Le-Château
Réagir
Vous avez droit à 3 commentaires par jour. Pour contribuer en illimité, abonnez vous. S'abonner

Souhaitez-vous recevoir une notification lors de la réponse d’un(e) internaute à votre commentaire ?