Millau : la ganterie Fabre, née de la passion d’Étienne, un gendarme à cheval

  • Ici, seule la machine pique. Le cousu main n’existe quasiment plusen France. "On est obligé de faire coudre au Portugal dans de petites coopératives avec lesquelles mon père travaillait, et reprise par le fils. Pour répondre aux commandes, on s’appuie également sur une petite entreprise familiale en Hongrie."
    Ici, seule la machine pique. Le cousu main n’existe quasiment plusen France. "On est obligé de faire coudre au Portugal dans de petites coopératives avec lesquelles mon père travaillait, et reprise par le fils. Pour répondre aux commandes, on s’appuie également sur une petite entreprise familiale en Hongrie." Midi Libre - AGENCE
  • "Nos anciens restentet c’est notre plus grande force. Nous cherchons tousles profils, il n’y a pas d’âge limite, juste de l’expérience, un tour de main. Nos artisans ont de doigts de fée."Le but de la Maison Fabreest de remettre le cousu main dans les campagnes."On a créé une association"La main qui répare", pour aider des gens, leur présenter les différents métiers,de l’éleveur au transformateur et s’ils veulent aller plus loinet se former, on les aide."
    "Nos anciens restentet c’est notre plus grande force. Nous cherchons tousles profils, il n’y a pas d’âge limite, juste de l’expérience, un tour de main. Nos artisans ont de doigts de fée."Le but de la Maison Fabreest de remettre le cousu main dans les campagnes."On a créé une association"La main qui répare", pour aider des gens, leur présenter les différents métiers,de l’éleveur au transformateur et s’ils veulent aller plus loinet se former, on les aide." Midi Libre - AGENCE
  • Récemment, la Garde républicaine, quela ganterie Fabre fournit depuis 2019,lui a commandé3 000 paires de gants, soit du travailpour deux ans,car elle a, également, les autres clientsà satisfaire.
    Récemment, la Garde républicaine, quela ganterie Fabre fournit depuis 2019,lui a commandé3 000 paires de gants, soit du travailpour deux ans,car elle a, également, les autres clientsà satisfaire. Midi Libre - AGENCE
  • La ganterie Fabre, née de la passion d’Étienne, un gendarme à cheval
    La ganterie Fabre, née de la passion d’Étienne, un gendarme à cheval Midi Libre - AGENCE
  • La ganterie Fabre, née de la passion d’Étienne, un gendarme à cheval
    La ganterie Fabre, née de la passion d’Étienne, un gendarme à cheval Midi Libre - AGENCE
  • La ganterie Fabre, née de la passion d’Étienne, un gendarme à cheval La ganterie Fabre, née de la passion d’Étienne, un gendarme à cheval
    La ganterie Fabre, née de la passion d’Étienne, un gendarme à cheval Midi Libre - AGENCE
Publié le
Olivier Courtil

Olivier et Jean-Marc Fabre ont repris une maison familiale qui s’appuie aujourd’hui sur six salariés. Tout en continuant, bien entendu, à développer un savoir-faire reconnu au-delà des frontières du département.
 

Jacqueline, 77 ans, pose une soie, penchée sur sa doublure de cuir, à la lumière de la haute verrière, surveillée par les palmiers dans la cour. Un peu trop hauts, les arbres. D’ailleurs, Louis les élague. Il pointe le nez dans l’atelier, avant de pousser jusqu’à la déchèterie. Il s’excuse de la poussière sur son bleu de jardinier. Rigole sous la casquette, heureux retraité et ancien patron des gants Fabre.

La doyenne a connu le nouveau, Olivier, en culottes courtes, traînant dans les pattes des piqueurs, au 22 boulevard Gambetta, à Millau. Avec son frère Jean-Marc, il a pris la succession de la maison ô combien familiale. Rose, leur grand-mère, petite-fille de tailleur de pierres sur le Lévézou, ouvrière gantière dès 14 ans, n’a jamais installé son bureau ailleurs qu’au cœur de la manufacture et de son brouhaha. "J’ai grandi dans l’odeur du cuir", sourit la 4e génération, les mains posées sur le bureau en bois patiné. C’était celui de Denis, le mari de Rose. Et avant lui, d’Étienne, l’arrière-grand-père, le fondateur. Ce gendarme à cheval, passionné d’équitation et de cuir, ouvre une ganterie, chez lui, en 1924, à côté du pont Lerouge, sur les bords du Tarn.

Quand on feuillette le bottin de l’époque, la page Millau compte 64 gantiers. Tout le monde porte des gants, même les enfants. Étienne ne fait que du blanc. Denis et Rose se lancent dans la couleur et bâtissent la fabrique du boulevard Gambetta. En 1950, 350 ouvriers y travaillent. Trente ans plus tard, leur fils Louis a passé le cap délicat des années 80, avec l’invasion des produits chinois. Il se diversifie avec la maroquinerie fabriquée dans le Tarn, à Graulhet. Elle séduit les grands magasins. L’administration, elle aussi, gante de Fabre ses policiers, ses gendarmes, et l’armée, ses militaires.

Dans l’atelier, on n’entend que le claquement du petit marteau d’Hélène, qui peaufine son "Larzac", et le cliquetis de la machine de piqué anglais d’Aurélie, à la tâche sur sa "fourchette" de doigts et de son carabin. Les mêmes bruits qu’au début du siècle dernier. Les mêmes machines, des ancêtres solides, mais à manipuler avec doigté. Des survivantes, aussi, d’une année noire.

La dégringolade… avant un nouveau départ

En 1995, la Grande muette va réduire au silence la fabrique qui emploie 90 personnes. "Le piège du gros client s’est refermé sur nous. On perd l’armée et ses 200 000 paires de gants. Du jour au lendemain, tout s’est arrêté." Ce souvenir laisse une cicatrice indélébile dans la mémoire de la famille. La dégringolade ramène à Millau, Olivier, qui étudiait le droit et les sciences politiques. "Avec mon père et mon frère, on a décidé de sauver les machines et les locaux. On a payé nos créanciers et au bout de huit mois, on a rouvert et on est reparti de zéro."

Ils montent à Paris. Plutôt que les maroquineries, ils courent les salons de la mode. "On est tradi mais on sait se réinventer. Je suis allé voir les créateurs. Ils avaient les clients, le talent, nous le savoir-faire mais on était trop classique." Pendant quatre ou cinq ans, ils doublent leur chiffre d’affaires.

Aujourd’hui, l’atelier emploie six personnes, s’est gagné une réputation mondiale mais reste les pieds solidement plantés en Aveyron. Avec un projet de filière, tissé avec les bergers, les mégissiers, les gantiers d’Occitanie, de France et d’outre Navarre… Mais ça, c’est une nouvelle histoire.

En 2008, la ganterie Fabre ouvre une petite pépite à Paris. Une boutique de 18 m2 dans les jardins du Palais royal. Suivent un magasin en plein Saint-Germain-des-Près, pendant trois ans. Puis le couronnement. Le château de Versailles lui ouvre ses portes, en souvenir des gants parfumés de Catherine de Médicis. La reine installera des maîtres gantiers à Grasse… La cité deviendra celle du parfum. "Netflix nous a contactés pour créer les gants de leur future série sur Catherine de Médicis."

La styliste de Lady Gaga également, et la maison Annick Goutal, qui veut relancer les gants parfumés. Sarah Jessica Parker porte leurs gants dans "Sex in the city" ; Steeve McQueen aussi dans "L’Affaire Thomas Crown". Lors de l’inauguration du musée Soulages, les Fabre peignent et plissent un modèle souvenir. Pour le cinquantenaire de la mort de Cocteau, ils rééditent les gants de Jean Marais dans "La Belle et la Bête".

Plus prosaïquement DS leur commande des gants, le golf, la voile, le ski avec Fusalp font appel à leur savoir-faire. "Quand on visite l’atelier, on a l’impression de faire une immersion dans le passé. Mais on se renouvelle sans cesse. On a aussi un plan de relocalisation en tête", confie Olivier Fabre.

Par ailleurs, 100 % aveyronnais, le gant "Larzac" qu’Olivier Fabre tient à la main (sur la photo ci-contre) est le dernier bébé de la marque. La laine, ramassée en Aveyron et dans le Tarn, est nettoyée en Haute-Loire, tissée à Graulhet et cousue à Millau, sur le cuir de l’agneau Lacaune. Même la petite bande fluo est en agneau. "C’est un véritable puzzle très long à coudre. On en est très fier." Aucune bête n’est tuée pour son cuir et tous les gants Fabre sont garantis à vie.

 

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