Luc-la-Primaube. Aveyron : Dominique Barrau, défendre le "Champ des possibles"

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  • L’éleveur de Luc a consacré sa vie à l’agriculture.	Crédit Ph.R.
    L’éleveur de Luc a consacré sa vie à l’agriculture. Crédit Ph.R.
  • Dominique Barrau :  défendre le "Champ des possibles"
    Dominique Barrau : défendre le "Champ des possibles"
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Philippe Routhe

Que ce soit sur un son exploitation de Luc-la-Primaube, ou dans cette France agricole qu’il a rencontrée en tant que secrétaire général de la FNSEA, il a consacré sa vie à l’agriculture. Rencontre avec un éleveur qui balance entre inquiétudes et espoirs pour un métier qui reste à ses yeux le plus beau du monde.

"Oui, sans hésitation…" Quand on lui demande s’il s’installerait, aujourd’hui, comme agriculteur, Dominique Barrau n’a pas une once d’hésitation. Même pas un regard qui vous dirait, sourcils levés, qu’il est content que ce soit derrière lui tout cela. Pour un peu, il s’étonne que vous lui posiez la question. "J’ai eu la chance d’être agriculteur. C’est tellement concret ce que nous faisons".

Au milieu des années soixante-dix, Dominique Barrau n’envisageait pas vraiment de devenir agriculteur. Il voulait faire des études de vétérinaire. Que ce soit pour lui ou la fratrie, les parents ne mettaient pas la pression pour la reprise de l’exploitation, installée sur les terres du Ségala, Luc-la-Primaube. "En revanche, nous devions faire des études et travailler. C’était leur intransigeance. Alors que ce n’était pas facile pour eux. Il fallait les payer ces études". Le concours d’entrée à l’école vétérinaire ne lui ayant pas souri, il s’est alors mis à "bosser" à la ferme. Et à finalement s’associer avec son père. Il y avait alors comme une forme d’insouciance. Il en rigole. "Nous avions 21 hectares, on se demandait si on restait en bovins ou en ovins, puisque l’on était dans le rayon roquefort. En 1979, c’était le champ des possibles" raconte Dominique Barrau. "On pouvait choisir notre système de production. Puis au milieu des années 1980, on est entré dans un politique de couloirs" mime-t-il, en traçant des murs imaginaires avec ses mains. "Lait, quotas, type de terrain, etc". "Et on s’est laissé petit à petit enfermer dans une politique très administrative".

Lui qui occupa durant plus de dix ans le siège de secrétaire général de la puissante FNSEA sait de quoi il retourne. Et l’on sent bien que ses combats, c’est pour préserver ce champ des possibles qu’il les a menés. Guidé entre autres par les paroles du voisin Raymond Lacombe, patron emblématique de la FNSEA, pour qui il fallait toujours être influent sur les décisions. Et pour cela "être uni". Avec un leitmotiv pour l’agriculture française : "Nourrir et protéger". Raison pour laquelle, entre autres, lorsqu’il échoua, en 2010, à prendre la présidence nationale du syndicat, qui est revenue à Xavier Beulin, un céréalier, il s’est refusé à scinder le syndicat comme on le lui soufflait à l’oreille. Éleveurs d’un côté, céréaliers de l’autre. "De par mes fonctions, j’ai découvert la France agricole. Sa richesse, c’est sa diversité. C’est pour cela qu’il faut se battre aujourd’hui."

"Le grenier de l’Europe, ce n’est pas la France. C’est l’Ukraine. C’est pourquoi, il faut cultiver notre diversité. Et en Aveyron, on a une chance : notre agriculture est liée au sol. Il faut garder ce lien. Et quel meilleur moyen que notre production ?", lance celui qui est à l’origine de la marque "Mont lait", qui propose une production issue de troupeaux élevés dans le Massif central.

Il note toutefois une inquiétude : "je ne sens pas nos politiques s’arc-bouter sur la souveraineté alimentaire. Cela m’inquiète pour l’agriculture. La compétition à tout prix me fait peur…" Et de regarder "un Brésil et une Amérique du Nord qui peuvent à elles seules nous inonder le marché" et une Chine qui peut faire la pluie et le beau temps.

Pour autant, Dominique Barrau voit l’évolution des campagnes françaises d’un bon œil. "J’ai souvent dit que le XXIe siècle serait celui d’un retour aux fondamentaux. Regardez comment la pandémie met en exergue ce besoin d’un retour à la campagne". De quoi peut-être provoquer ce retour au dialogue, avec un monde agricole qui se sent attaqué de toute part. "On a le droit d’attaquer l’agriculture, de ne pas être d’accord sur certains choix. Mais attaquer des agriculteurs, hormis bien sûr s’ils ont fait une grosse bêtise, ça, je ne suis pas d’accord".

Toujours en proie à des questionnements, regardant aussi bien derrière que devant, il est toutefois mesuré quand il observe l’incompréhension qui sépare les agriculteurs du reste du monde. "D’une part parce qu’aujourd’hui, tout le monde n’a pas la chance de pouvoir aller faire un tour à la campagne quand il en a envie. Et d’autre part : peut-on, sans conséquence, passer en un siècle d’une France qui compte 80 % d’analphabètes à une France qui pense tout savoir ?"

Depuis peu, Dominique Barrau regarde son exploitation d’un peu plus loin. Il l’a cédée à sa fille. "Je suis juste au service d’elle, si elle a besoin" sourit-il. Fier de la voir faire ses choix et les assumer sur ces terres ségalis. Homme de dialogue, il l’est tout autant avec sa profession qu’avec ses enfants. De ces échanges naissent des choix. Ainsi, sa fille Séverine a-t-elle opté pour le pâturage tournant. "Un changement pour l’exploitation" relate son père.

Tout comme ses parents l’avaient fait avec lui, il n’a pas "influencé" ses enfants pour la reprise d’une exploitation qu’il n’aurait de toute manière pas vendue. "Car c’est une exploitation pour laquelle mes parents se sont beaucoup sacrifiés" glisse-t-il. Mais aussi, sans doute, parce que tous les matins, y décèle-t-il ce "Champ des possibles" qui permet avec une puissance inégalable de vous projeter vers demain.

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