Aveyron : une agriculture mobilisée sur plusieurs champs de bataille
Dans chaque département de France, des agriculteurs se battent pour préserver leur métier, qu’ils font avec fierté, malgré un contexte difficile.
Un adage dans les campagnes dit que "le mauvais temps, c’est celui qui dure". On peut alors dire que ces derniers temps, il ne fait pas très beau sur le paysage agricole. Réforme de la Pac, transition écologique, bashing, prix payé à la production… Ce ne sont là que quelques-uns des champs de bataille sur lesquels les agriculteurs sont amenés à se battre. Dans un contexte pour le moins paradoxal : ils sont de moins en moins nombreux et les besoins alimentaires sont croissants.
Si la France reste la première puissance agricole européenne, elle l’est avec une armée dont les effectifs sont tombés en dessous des 450 000 exploitants, dont un peu plus de dix milles installés en Aveyron… "Pour s’installer, on a besoin de visibilité et de confiance en l’avenir Là, c’est une réelle incertitude alors même que la pyramide des âges est très défavorable. Avec 3 000 éleveurs sur 10 000 qui ont plus de 58 ans, on n’a pas besoin de ça", lançait dernièrement l’actuel président des Jeunes agriculteurs de l’Aveyron, Romain Déléris, en partance pour une manifestation contre les ajustements de la nouvelle politique agricole commune.
Le renouvellement des générations est sans nul doute une des pierres angulaires de cette bataille livrée pour l’avenir. "Qui produira le lait français en 2030 ?" titrait récemment Ouest France. "La moitié des producteurs laitiers français prendra sa retraite d’ici à 2030. L’installation des jeunes et l’agrandissement des fermes pourraient ne pas suffire à compenser ces départs". Une inquiétude parmi tant d’autres !
Si l’Aveyron reste dans le top 5, chaque année, des départements qui installent le plus de nouveaux agriculteurs, il sait aussi l’énergie qu’il faut débaucher pour maintenir cette cadence. Des plans d’aides à l’installation sont régulièrement développés. Mais le chemin est long.
À cela, il faut ajouter un climat qui change inexorablement, obligeant les agriculteurs à de nombreuses remises en question. Avec des batailles dans la bataille. La ressource en eau, par exemple, est un véritable défi à relever ! Qui occupe et préoccupe. D’autant qu’il doit être relevé dans un contexte tendu avec les défenseurs de l’environnement. Les agriculteurs notant au passage qu’ils sont défenseurs de l’environnement "au quotidien". Une confrontation qui assèche.
Telle des poupées russes, ces batailles débouchent sur de nouvelles batailles. Dont l’agribashing. Un fossé d’incompréhension s’est creusé au fil du temps entre le monde agricole et le "reste du monde". Ce n’est pas faute d’essayer de le combler : gîte à la ferme, visite d’exploitation, déplacement des agriculteurs dans les grandes surfaces… Mais la communication semble réellement compliquée. "Les gens ne vont plus dans les fermes. Ils ne savent plus comment cela se passe", faisait remarquer l’écrivain lotois Serge Joncour, honoré du dernier prix Fémina pour son roman "Nature humaine", dans lequel il est beaucoup question de l’évolution du monde agricole.
"Je ne peux rien dire, ils savent tout", lançait récemment un agriculteur, dépité, face à une mobilisation contre la construction d’une ferme à cochons, près de Rodez. Soulignant plus que jamais la difficulté du dialogue.
Puis il y a cette bataille du prix. "Notre objectif c’est le juste prix payé au producteur. On va y arriver. Cela va se faire. Mais en attendant, c’est la raison pour laquelle nous avons besoin d’aides, de subventions", résume l’ancien n° 2 de la FNSEA Dominique Barrau. La Loi Egalim doit participer à ce rééquilibrage. Mais ses effets se font attendre. De quoi nourrir de la colère et de l’exaspération.
Dans ce contexte, on comprend la difficulté à trouver des combattants. Mais la pandémie a mis en exergue une sorte de prise en compte du nécessaire retour à la terre. Des poulaillers font à nouveau leur apparition dans les jardins, les carrés d’herbes laissent de plus ne plus place à des potagers, avec un intérêt grandissant pour les pratiques naturelles. On parle même de "révolution silencieuse". Ces prémices de retour à la terre sont une éclaircie dans la grisaille. Un début de changement de temps.
En développant les productions sous signe officiels de qualité, on ne peut occulter le fait que le monde agricole, et notamment en Aveyron, se hisse au niveau des attentes des consommateurs. Le département jouit d’ailleurs d’une belle image de marque en matière de production. Des fromages AOP aux viandes labellisées, comme l’aubrac ou l’agneau laiton, en passant par l’accroissement de la production bio, avec des cahiers des charges stricts, on ne peut taxer les agriculteurs d’immobilisme.
Et c’est peut-être la raison pour laquelle, dans ces champs de bataille, il est rare finalement de ne pas croiser un agriculteur qui est tout simplement fier de son métier.
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