Aveyron : les salariés "ont goûté à une vie plus normale et se disent qu’elle a des avantages"

  • Michel Santos, président de l’Umih en Aveyron.
    Michel Santos, président de l’Umih en Aveyron.
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Guilhem Richaud

Michel Santos, président de l’Umih en Aveyron et restaurateur à Rodez fait le point sur la situation.

Où en est-on dans le recrutement des saisonniers en Aveyron ?

Aujourd’hui, tout le monde a du mal. On est tous à la recherche de cuisiniers et de serveurs qualifiés et on n’en trouve pas. Je pense que la raison vient du fait que la situation est compliquée. On nous annonce des dates de réouverture, mais pour le moment on ne sait pas trop où on va, donc pour nos collaborateurs, c’est pareil. Depuis la fermeture à l’automne, beaucoup ont fait autre chose et ont trouvé un équilibre, notamment familial. C’était déjà compliqué avant et je pense que ce sera encore pire.

Que pouvez-vous faire ?

On est en train de réfléchir avec l’Umih sur des mesures à mettre en place. On va essayer de faire un job-dating avec Pôle emploi pour recruter du personnel en sachant qu’on est une profession qui ne délocalise pas, il nous faut de la main-d’œuvre sur place et qualifiée, car la cuisine ne s’apprend pas du jour au lendemain. Ça va être très compliqué pour la réouverture. La crainte qu’on a, c’est qu’on va travailler, car les gens ont envie de retourner au restaurant, mais on ne pourra pas satisfaire tout le monde, notamment au début. Et dans nos métiers, une fois qu’on est pleins, on est pleins.

Les gens avec qui vous aviez l’habitude de travailler vous remontent qu’ils ne sont plus disponibles ?

On a surtout beaucoup de contacts entre professionnels. On s’appelle en se faisant remonter nos besoins à cause des départs. Ce n’est pas qu’un problème aveyronnais : dans la profession, on a déjà perdu 110 000 emplois qualifiés sur 800 000. On a un métier qui est décalé par rapport à d’autres puisqu’on travaille le soir et les week-ends. On n’est pas les seuls, mais c’est une contrainte de travailler quand les autres se reposent ou font la fête. Aujourd’hui, nos salariés ont goûté à cette vie plus "normale" et se disent qu’elle a des avantages.

Pourtant, ce sont des professions qui rémunèrent plutôt bien…

Ce n’est pas un problème de rémunération ni de volume horaire d’ailleurs. Autant il y a 20 ou 30 ans, on faisait des heures pas possible, même si la rémunération suivait. Aujourd’hui, la rémunération suit toujours et les horaires ont diminué. Ce n’est pas le salaire qui bloque.

Vous craignez de devoir prendre une main-d’œuvre non qualifiée ?

Oui, malheureusement on sera obligés. On devra travailler différemment. La crise nous a déjà obligés à le faire, mais là, ça sera encore pire. S’il nous manque du monde, on sera aussi contraints d’alléger les cartes, de diminuer les jours de service… Il va falloir qu’on se réadapte. Ce n’est pas qu’on ne veut pas travailler, on en a même très envie. Mais on manque de visibilité.

C’est difficile de recruter sans date précise de réouverture ?

On a l’exemple des saisonniers de cet hiver. Certains ont embauché pour finalement les mettre au chômage partiel, d’autres n’ont pas pu. Du coup, beaucoup sont partis faire autre chose et aujourd’hui, ces gens-là ne reviendront peut-être pas dans le métier notamment par peur que ça se reproduise.

"Un gros risque" pour les zones rurales

La pénurie de saisonnier pourrait avoir des conséquences sur de nombreux restaurateurs de l’Aveyron. Mais l’inquiétude est encore plus forte pour les zones rurales. "Il y a un gros risque, souffle Michel Santos, le président de l’Umih en Aveyron. Ils avaient déjà du mal jusque-là. Ce n’est pas la même chose de recruter à Rodez qu’à Laguiole ou à Camarès. On a une grosse crainte pour les petites affaires. Soit elles vont tourner en mode réduit, soit elles vont carrément fermer." Et alors porter un nouveau coup dur à des communes qui souffrent de plus en plus de la désertification rurale avec la disparition des services publics et des commerces.

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