Aveyron : sans diesel, que restera-t-il comme production pour Bosch ?
Toujours confrontée à la dégringolade du diesel, la direction de Bosch a rappelé cette semaine que l’usine ruthénoise ne produirait plus d’injecteurs d’ici 2023. Que restera-t-il comme production ? La CGT, qui voit ici "la mort du site", attend toujours des réponses, à l’instar des autres syndicats.
Sur le marché du diesel, on ne parle plus de chute mais de dégringolade. En dix ans, le gazole a reculé de presque 50 points sur le marché du neuf, alors qu’il a perdu 11 points sur celui de l’occasion. Et selon de récents chiffres, publiés dans le quotidien Le Monde, la proportion de voitures neuves utilisant cette énergie a reculé de près d’un tiers en un an, passant de 33,2 % à 24,4 %. Plus qu’une chute, c’est un plongeon, laissant toute une filière en suspens à l’heure où plusieurs constructeurs et marques ont déjà jeté l’éponge et que les grandes agglomérations européennes actent toujours plus l’interdiction des véhicules diesel dans leurs rues. Au 1er juin déjà, les moteurs thermiques d’avant 2006 seront bannis du Grand Paris.
Avant 2025, l’an 2023
Dans ce contexte, une grande question anime l’usine Bosch de Rodez : que va-t-elle produire dans les années à venir ? Et restera-t-il finalement assez de travail pour ceux qu’on appelle désormais "les 500 restants" après l’annonce de la suppression de 750 postes d’ici 2025 ? Ce jeudi matin encore, lors d’une réunion avec l’intersyndicale, la direction a indiqué que la production d’injecteurs pour les moteurs diesel, produit phare de l’usine ruthénoise depuis de nombreuses années, s’arrêtera en 2023. Les buses, servant à l’assemblage de ces injecteurs, ne seront plus produites à Rodez également, d’ici la fin 2023. "Il nous restera quoi ? Les bougies de préchauffage ? Aujourd’hui, cela ne concerne même pas 150 salariés ", s’inquiète la CGT, syndicat majoritaire. "On va tout droit vers la mort du site et je pense qu’avant de parler de 2025, il faudra rapidement évoquer les années proches", souffle Vanessa Negre, secrétaire adjointe. "à chaque réunion, on descend un palier et l’usine est en train de mourir. Le diesel, c’est 95 % de notre production, que restera-t-il sans cela ?", s’indigne Jean-Pierre Cabrol, délégué Sud, loin d’être convaincu par le souhait renouvelé de la direction de s’engager sur l’hydrogène à Rodez et notamment un process pour les camions frigorifiques.
"L’hydrogène, on ne sait pas si le marché sera viable. Aujourd’hui, ce n’est encore qu’une niche sans compter que nous sommes en concurrence avec la Chine. Puis, la direction n’a encore donné aucun plan détaillé sur ce projet", s’énervent les syndicats quand la ministre chargée de l’Industrie, Agnès Pannier-Runacher, avait également fait part de ses doutes sur ce projet de la direction lors de sa récente visite à Rodez : "Cette piste fait sens mais le compte n’y est pas aujourd’hui. Face à ces projets, le groupe doit mettre des investissements, faire connaître ses clients, son calendrier et le nombre d’emplois que cela pourrait apporter. "
"C’est un projet industriel très solide, une véritable vision pour réduire notre dépendance au diesel et suivre l’émergence de l’hydrogène, porteur d’avenir", a assuré, pour sa part, Patrick Meillaud, directeur du site ruthénois, à l’issue de la réunion de jeudi. "On parle ici d’un accord courant jusqu’en 2027 et assurant la pérennité du site, dans le contexte actuel peu d’entreprises industrielles sont en capacité de proposer une chose pareille", a-t-il confié, alors que les négociations avec l’intersyndicale devraient s’accroître dans les semaines à venir dans l’objectif de signer un accord.
Ce dernier ne pourra être effectif que si la majorité des syndicats, soit deux sur les trois de l’usine (CGT, Sud, CFE-CGC), apposent leur signature. "La direction se fiche de nous, il n’y a aucun projet industriel ! L’hydrogène pour les camions frigorifiques, ça représente moins de 20 salariés aujourd’hui. Nous ne sommes pas contre le développer mais on souhaite des détails !", avait déjà réagi Stéphane Puech, délégué CGT, pour qui "les discussions n’amènent rien depuis l’annonce des 750 suppressions de poste, la direction campant sur ses positions et souhaitant juste nous faire signer l’accord".
"Un plan plus précis, étayé et crédible"
"Dans le cadre de cet accord, on pourra s’engager au moins jusqu’en 2027 ! Et il y aura d’autres projets et pistes de diversification", avance Patrick Meillaud. En attendant, le bras de fer est engagé, alors que le groupe allemand a déjà débuté son tour de l’usine en cette période de transformation en proposant "des mesures le plus socialement acceptables" pour le déploiement d’un plan de départs en retraite anticipée et d’un programme de départs volontaires.
Toujours sous l’œil vigilant de l’État ? "L’objectif zéro départ contraint doit être encadré juridiquement", avait demandé Agnès Pannier-Runacher, il y a peu, tout en réclamant "un plan plus précis, étayé et crédible" de la direction. Pour bon nombre de salariés et leurs représentants, le compte n’y est toujours pas.
Déjà en 2018
Les négociations autour d’un accord sur le futur de l’usine ne sont pas nouvelles chez Bosch Rodez. En 2018 déjà, quand l’usine employait 1 600 personnes et produisait plus de 2 millions d’injecteurs Common rail par an, la direction s’était engagée, autour d’un accord dit de compétitivité, à investir 14M€ dans le site ruthénois, tout en diversifiant son activité. Deux des trois syndicats, Sud et CFE-CGC, avaient signé cet accord, quand la CGT s’était, elle, abstenue. Et déjà, le syndicat évoquait " la mort du site".
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