Aveyron : des "leviers" d’attractivité à réinventer ?

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  • Le Département consacre chaque année près de 300 000 € pour sa promotion.
    Le Département consacre chaque année près de 300 000 € pour sa promotion. Centre Presse
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Xavier Buisson

Les décès étant historiquement plus nombreux que les naissances, c’est au solde migratoire que l’Aveyron doit son gain de population. Il faut mieux équiper autant que "vendre" l’Aveyron, une recette appliquée de longue date qui semble aujourd’hui trouver ses limites, sous sa forme actuelle du moins. Alors que l’Aveyron a gagné plusieurs milliers d’habitants chaque année entre 1999 et 2015, il n’enregistre, selon les dernières données de l’Insee, que 60 habitants supplémentaires entre 2018 et 2020.

Le constat est alarmant et a incité Jean-Claude Luche, à l’occasion de son départ de l’hémicycle du conseil départemental le 12 mars, à souhaiter "bon courage" à ses collègues pour inverser la tendance. "Je ne sais pas si un jour cet Aveyron aura 300 000 habitants, mais le défi majeur de la prochaine mandature et peut-être des suivantes, restera démographique…".

S’il semblait peu optimiste alors, l’ancien sénateur de président du conseil départemental, qui avait fait en 2015 du "Cap 300 000 habitants" pour l’Aveyron en 2030 l’une de ses ambitions fortes, se déclare aujourd’hui "inquiet". "Le seul moyen est de jouer sur le solde migratoire, d’attirer de nouveaux actifs, des jeunes en capacité d’avoir des enfants", explique Jean-Claude Luche. Une problématique à laquelle le Département est confronté depuis plusieurs (dizaines) d’années déjà, avec un succès de moins en moins flagrant.

"Capter" des actifs voulant changer de vie

Du côté des solutions à mettre en œuvre, Jean-Claude Luche préconise de "faire valoir que l’Aveyron n’est pas un département comme les autres. Il y a une dynamique, un cadre de vie… et surtout des emplois non pourvus". L’ancien président du département suggère, à la faveur du contexte sanitaire, de publier des offres d’emploi dans les "grandes métropoles" pour y capter des actifs à la recherche d’un changement de vie. "Nous avons une carte à jouer en la matière. Il faut aussi "garder" les étudiants venant d’autres départements" et "mieux accompagner les nouveaux arrivants pour les aider à s’intégrer le plus rapidement et le mieux possible, car certains repartent au bout de quelques années".

Donner à l’Aveyron les moyens de séduire. C’est dans ce but que le département a consacré chaque année lors de la dernière mandature 296 500 € pour sa communication externe : opérations de promotion, achats d’espaces de publicité, animations, plaquettes… L’institution finance aussi des opérations ponctuelles comme L’Aveyron recrute et son Job dating (470 000 €), qui "envoie" à Paris une délégation de chefs d’entreprises locales ayant des offres d’emploi à proposer et dont la plateforme reste active à l’année

"Un département vert et branché"

Déploiement de la fibre, travail autour des routes ou de l’aéroport, opération séduction chez les jeunes médecins, amélioration de l’habitat sont autant de mesures mises en place par le Département, retracée par son président Jean-François Galliard. " On désenclave à toute vitesse pour offrir à tous les arrivants une qualité de vie dans nos communes, qu’elles soient agréables à vivre. Je voudrais un département vert et branché. Rodez tire le département, mais il faut faire avancer l’Aveyron au même pas, alors qu’il y a des inégalités territoriales, économiques, démographiques ", affirme-t-il.

Comme son prédécesseur, Jean-François Galliard pense que le contexte pourrait permettre au département d’attirer des populations souhaitant quitter les villes, un phénomène renforcé par l’arrivée du Covid. À l’occasion du premier confinement, 12 000 "rapatriés", aux racines locales, étaient revenus dans le département selon l’Insee. Le Département travaille actuellement à la spécialisation d’agents pour mener des actions de recrutement numériques.

Reste un levier sur lequel les politiques n’ont que peu de prises : la natalité, qui vient d’offrir un joli signal au département. Après des baisses systématiques depuis 2014, le nombre de naissances est reparti à la hausse en 2020 avec 2 181 naissances contre 2 175 en 2019.

En chiffres

  • 31 ans, l’âge moyen des mères aveyronnaises. Elles ont en moyenne 1,7 enfant.
  • 2 181 naissances annuelles dans l’Aveyron selon les dernières données de l’Insee (2020), soit 6 de plus qu’en 2018.
  • 3 627 décès, un chiffre en hausse de 175 par rapport à 2018.
  • -1 446, le solde naturel (naissances – décès), largement déficitaire dans l’Aveyron.
  • 1 512 personnes, le dernier solde migratoire annuel du département, correspondant au nombre de personnes venues s’installer dans le département.
  • 60 Aveyronnais supplémentaires entre 2018 et 2020.
  • 1866, début la période démographiquement la plus faste jamais enregistrée avec plus de 400 000 habitants. La "décrue" commence en 1891.
  • 1999, niveau le plus bas historique en termes de population avec 263 808 Aveyronnais.
  • 2006, année charnière lors de laquelle l’Aveyron, à 273 377 habitants, cesse de perdre des habitants. Entre 1999 et 2006, on a compté 9 569 nouveaux Aveyronnais.

Pour Christian Teyssèdre, département et Agglo ont deux politiques "très complémentaires mais pas similaires".
Pour Christian Teyssèdre, département et Agglo ont deux politiques "très complémentaires mais pas similaires". Centre Presse - José A. Torres

L’aire urbaine de Rodez, moteur démographique éprouvé

Une large majorité des nouveaux arrivants s’installe dans l’agglomération de Rodez ou dans son aire urbaine, au détriment des aires rurales. "Il faut avoir une politique globale. La fibre, c’est très bien, il faut agir sur l’attractivité du territoire", explique lui aussi Christian Teyssèdre, maire de Rodez et président de l’agglomération.

"Le Grand Rodez gagne des habitants, le reste du département en perd. Malheureusement, c’est un vase communicant. Mais il faut être positif". La recette, pour Christian Teyssèdre, c’est d’investir. "On a baissé les impôts, baissé le stationnement, doublé les formations supérieures, rendu les écoles attractives, construit 450 logements sociaux depuis que je suis maire et mis 14,5 M€ pour améliorer l’habitat. Tout ça passe par une seule chose : diminuer fortement les dépenses de fonctionnement pour augmenter les dépenses d’investissement", résume l’élu.

Ces mesures ont permis l’installation de 95 entreprises, créant ou consolidant 2 000 emplois.

Une démarche malheureusement pas adaptable à l’ensemble du Département. "Entre le Département et l’Agglo, ce sont deux politiques démographiques très complémentaires mais pas similaires", reprend Christian Teyssèdre, "très optimiste pour l’avenir du Grand Rodez". Et de suggérer : "Le Département pourrait mener une politique de l’habitat, attirer des populations en recensant les logements vides et les proposant. Si vous dites aux gens : "Venez, ici il y a du boulot "et que vous leur payez le loyer pendant deux ans… Il y a beaucoup de gens qui veulent changer de vie, ils seront partants !".

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