Conques-en-Rouergue. Conques : Lin Alberici, à même la peau
Dans son atelier au cœur de Conques, Lin Alberici travaille le cuir depuis onze ans. Passé par la maison Hermès, et fier Compagnon du Tour de France, l’artisan jongle de chefs-d’œuvre remarquables à la petite maroquinerie.
Un air figé, comme hors du temps. Suspendu dans l’écrin de verdure de Conques, entre ciel et terre, l’atelier de Lin Alberici pourrait ressembler à un décor historique. Chaque objet, chaque outil, chaque lanière de cuir y trouve sa place, témoignant d’un savoir-faire ancestral choyé.
Âgé d’une quarantaine d’années, Lin Alberici est arrivé en Aveyron quand il avait 4 ans. D’abord sur le Larzac, puis à l’Abbaye de Bonneval où travaillait son père. "C’est là que j’ai découvert le travail du cuir car je voyais une sœur tanner des peaux, raconte l’intéressé. J’étais déjà passionné de chevaux, et j’ai rapidement fait le lien entre ces deux milieux : je savais que je deviendrais sellier."
S’il dit lui-même avoir grandi dans un environnement "atypique et privilégié", Lin Alberici a poursuivi une scolarité plus classique, à Rodez jusqu’à obtenir son CAP de maroquinier-sellier en candidat libre. C’est à ce moment-là qu’il s’intéresse aux Compagnons du Tour de France. "L’image d’Epinal que l’on en a, c’est : travail, voyage et fraternité, lance-t-il. Mais moi, j’y ai plutôt trouvé un moteur. Il est plus facile d’en sortir que d’y entrer : c’est l’exact inverse d’une secte. Le mantra des Compagnons du Tour de France c’est que notre matière, que ce soit la pierre, le cuir ou la farine, n’est qu’un outil pour nous élever." De prouesses en "chefs-d’œuvre", l’Aveyronnais s’est fait une place parmi les Compagnons jusqu’à gravir tous les échelons du compagnonnage où il représentait les métiers du cuir nationalement.
L’appel de l’Aveyron
Dans le même temps, alors qu’il n’a que 19 ans, Lin Alberici intègre le "saint des saints", la Maison Hermès à Paris. "C’était en 2000, nous étions à peine dix ouvriers dans l’atelier de harnachement et de sellerie, juste au-dessus de la boutique du faubourg Saint-Honoré, raconte-t-il. C’était un univers exceptionnel, d’un autre monde. La selle, c’était la fierté d’Hermès parce que le savoir-faire nécessaire était placé au plus haut de la technicité. C’est un objet monté en 3D, contrairement aux sacs qui prennent leur volume lorsque l’on met le soufflet." De cette parenthèse enchantée parisienne, Lin Alberici se souvient de Philippe Noiret déambulant entre les tables de travail, de Ben Harper aussi. De Tokyo à New-York, où il représente fièrement la marque, la carrière de l’artisan semble toute tracée.
"Mais l’appel de l’Aveyron était trop fort, se souvient l’intéressé. J’ai quitté Hermès en me promettant de toujours vivre de mon métier. Rentrer en Aveyron ne voulait pas dire le sacrifier." C’est par la sellerie de Gaston Mercier, en Sud-Aveyron, que Lin Alberici amorce son retour. Il raconte : "Cette expérience, comme chef d’atelier, a été un trait d’union entre Paris et mon installation. Elle m’a permis de me détacher des paillettes d’Hermès, d’apprendre à gérer des stocks et des fournisseurs."
En 2010, le passionné s’installe ainsi dans son échoppe conquoise : "Un rêve d’enfant !". Seul atelier d’artisan ouvert à l’année dans le village, Lin Alberici mêle les techniques de sellerie, de marqueterie et de maroquinerie. Selles, étuis pour du matériel de chasse, sacs, ceintures, bracelets et autres objets de décoration sont proposés à la vente. "95 % du cuir, de vaches, veaux et porcs essentiellement, proviennent de la tannerie Arnal à Rodez. J’achète des peaux entières", précise Lin Alberici. Les autres cuirs, plus exotiques, servent à des pièces d’exception, présentées dans son échoppe. "Je fabrique des pièces qui se vendent, qui plaisent, mais je passe aussi beaucoup de temps sur des projets fous, techniquement très pointus. Ça, c’est pour mon plaisir à moi", conclut l’artisan dans sa boutique, bien vivante.
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