Conques-en-Rouergue. Conques : heureux qui, comme cinq pèlerins, ont fait une halte forcée

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  • Céline, Pauline, Rodolphe, Jean-Baptiste et Florence disent vivre une "expérience magnifique".
    Céline, Pauline, Rodolphe, Jean-Baptiste et Florence disent vivre une "expérience magnifique". Repro CP
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François Cayla

Ils sont cinq. Ils se sont retrouvés à Conques où, en raison des restrictions sanitaires, ils ont choisi de faire une pause dans le périple qui les conduits sur le chemin de Saint-Jacques-de-Compostelle. Une situation obligée qui s’est transformée en un moment privilégié.

Le chemin de Saint-Jacques-de-Compostelle, c’est plein de choses. Pour certains, c’est l’aspect spirituel qui prime. Pour d’autres, c’est la marche, tout simplement. Mais pour tous, le chemin de Saint-Jacques, ce sont aussi et surtout les rencontres. Les échanges. Le partage. La découverte. L’humain. Tout ce qui peut parfois manquer au quotidien de beaucoup d’entre nous. Ce que vivent cinq pèlerins, actuellement hébergés à Conques, pourrait en être la parfaite expression. Ils sont donc cinq, venus d’horizons bien différents, qui se sont retrouvés à Conques quelques jours après l’annonce des dernières mesures dites de "freinage de la pandémie de Covid-19". Après avoir continué à marcher chacun de leur côté malgré la nouvelle donne sanitaire, une question s’est vite imposée à chacun d’eux : continuer malgré tout ou élire domicile quelque part sur la route en attendant des lendemains meilleurs. C’est finalement la seconde option qui a été retenue et c’est à Conques que le petit groupe ainsi constitué a posé ses bardas.

Une communauté de vie

Le "club des cinq", composé d’un couple et de trois marcheurs en solitaire, a très vite trouvé à s’abriter grâce aux frères de l’abbatiale. Pauline et Rodolphe, le couple de l’histoire, viennent de Lyon. Florence vient de Bordeaux. Céline vient de Chambéry. Jean-Baptiste vient de Toulouse. Depuis deux bonnes semaines, ils ont appris à se connaître, à s’apprécier, et partagent chaque heure de leur journée. La grange aménagée en face de l’office de tourisme est devenue leur toit. C’est là qu’ils mangent. Qu’ils dorment. Qu’ils discutent. Que Jean-Baptiste, le Toulousain de service, joue du piano. Il a même eu la chance d’exprimer son talent sur l’orgue de l’abbatiale.

Pauline, Rodolphe, Florence, Céline et Jean-Baptiste ont sans forcer, naturellement, bâti très vite une "communauté de vie". Et ça fonctionne. "Chacun a trouvé sa place dans le groupe. Chacun respecte et accepte l’autre. On est dans le dialogue et l’échange, mais cela n’empêche pas de garder une certaine pudeur entre nous. Chacun garde pour lui ce qu’il n’a pas envie de dévoiler et personne ne cherche à creuser au plus profond de l’autre."

Une chance incroyable

Creuser, c’est plutôt réserver à l’emploi du temps matinal. Car le matin, c’est jardin. "Après avoir fait travailler les jambes pour arriver jusque-là, maintenant on fait travailler les bras", glisse Florence dans un grand sourire. Pour remercier de l’hébergement gracieusement offert par les frères de l’abbatiale, les cinq marcheurs se sont investis dans l’entretien et l’embellissement du jardin des pèlerins. Ils désherbent, ils taillent, ils nettoient, ils plantent, ils confectionnent même des abris en bambous. Et ça leur plaît. "C’est une magnifique expérience que cette étape prolongée à Conques. On prend chaque jour un peu plus conscience de la chance que l’on a de vivre une aussi belle aventure. C’est une chance incroyable."

Et le temps ne leur semble jamais long. Les jours succèdent aux jours sans lassitude. Au contraire. Ils savourent. " On est dans l’intemporel. " Ce que l’on comprend mieux à saisir, au fil de la conversation, leur déconnexion de ce qui se passe en dehors de Conques. " Ah bon, on a déjà vacciné un quart des Français majeurs ? " " Le 3 mai on pourrait repartir, c’est ça ? " Ils sont dans leur monde, comme préservés de cette actualité trop souvent nauséabonde. Depuis leur arrivée à Conques, ils reconnaissent d’ailleurs un apaisement intérieur rarement expérimenté.

Ils sont partis seuls et ils continueront seuls

Et la suite ? D’aucuns auraient imaginé que ces cinq-là allaient devenir inséparables. Il n’en sera rien. Une fois les contraintes sanitaires levées, ou du moins assouplies, chacun va s’en repartir sur son chemin. Chacun va reprendre sa propre démarche initiale, celle qui l’a amené jusqu’à Conques. Souvent dans une quête de soi-même qu’ils pensent devoir mener seul, ou en couple pour Pauline et Rodolphe. Et tous rejoignent le discours de Céline : "Je suis partie sur le chemin de Saint-Jacques seule. C’était un choix. Parce que j’ai considéré que c’est en étant seule que je pouvais arriver à trouver ce que je recherche en moi. Alors je continuerai seule."

Cela n’enlèvera rien à ce que les cinq pèlerins auront vécu ensemble. Et une fois revenus à une vie plus "normale", ils entendent bien renouer le contact. Comme pour prolonger ce presque moment d’éternité partagé en temps de pandémie, à Conques, sur le chemin de Saint-Jacques.

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