Villefranche-de-Rouergue : des cas de " maltraitance institutionnelle " à l'Ehpad de Rulhe ?

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  • Nathalie Carayon, l’une des porte-parole des familles de résidents de l’Ehpad de Rulhe.
    Nathalie Carayon, l’une des porte-parole des familles de résidents de l’Ehpad de Rulhe. - MBC
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Des familles s’insurgent contre les conditions de vie dégradées dans l’établissement et se regroupent pour tenter de faire pression.

Difficile de laisser un parent, un être cher, à l’Ehpad de Rulhe, à Villefranche-de-Rouergue, dans les conditions qu’elles décrivent, photographies à l’appui. Nathalie Carayon et Dominique Ponties, qui ont chacune leur maman depuis plusieurs années à l’Ehpad de Rulhe, sont devenues, un peu par force et pour essayer de faire bouger les choses, les porte-parole d’un collectif qui en est à ses prémices et veut agir pour de "meilleures conditions de vie de nos aînés et de meilleures conditions de travail du personnel."

"État de vétusté avancé"

"Il y a beaucoup de problèmes", lâchent-elles en chœur. "Nous ne sommes pas du tout satisfaites des conditions de soins car il manque énormément de personnel et le confort des chambres laisse vraiment à désirer. C’est dans un état de vétusté avancé et ça fait longtemps que ça se dégrade. Le bâtiment date des années soixante-dix et, depuis, il n’y a jamais eu de rénovation. Les personnes sont dans des chambres doubles, séparées juste par un petit rideau, et il n’y a pas de douche". Et pourtant la facture semble monter jusqu’à près de 2 000 euros par mois.

"On n’en veut pas à la direction de l’hôpital car on la sent coincée. Ils n’ont pas les coudées franches car ils dépendent de l’Agence régionale de santé qui ne pense qu’à faire des économies. Il y a de plus en plus d’aînés et l’ARS parle de restrictions. Mais on n’a pas le droit de laisser les résidents et le personnel dans cette détresse. C’est grave", insiste Nathalie Carayon.

"Il y a vraiment un souci d’hygiène et de prise en charge. Par exemple, les résidents ne sont pas levés le week-end par manque de personnel. Sans parler des accidents qui pourraient subvenir alors qu’il n’y a qu’une seule personne par service… Le personnel soignant fait ce qu’il peut mais les conditions de travail sont déplorables. On met les personnes en danger, aussi bien les résidents que le personnel. C’est un problème de maltraitance institutionnelle", reprend Dominique Ponties.

"Aucun espoir"

Au nom du collectif qui compte aujourd’hui une vingtaine de membres, elles ont rencontré le maire, Jean-Sébastien Orcibal, qui a été "très réceptif et a prévu d’aller à l’Ehpad et de faire pression", ainsi que le conseiller départemental Éric Cantournet. Les familles sont aussi soutenues par la conseillère municipale et vice-présidente d’Ouest Aveyron Communauté, déléguée à la santé, le docteur Pascale Combe-Cayla qui essaie de les aider et de "calmer le jeu".

"Il faudrait une refonte complète du système de santé en France. On paye les conséquences des prises de position des politiques depuis Paris. Mais l’Aveyron a une population vieillissante… Que va-t-on faire de nos vieux ?…Il faut trouver une solution, c’est un problème majeur humain, lancent-elles, et pourtant on ne nous donne aucun espoir à court terme".

Le remède à ce problème aigu se résume comme toujours aux finances mais l’ARS, l’hôpital et le Conseil départemental ont tendance à se renvoyer l’ascenseur en occultant la dimension humaine.

Et pendant toutes ces tergiversations qui s’éternisent, la souffrance des uns et des autres s’accentue…

Pour joindre ou rejoindre ce collectif qui se bat pour une meilleure prise en charge des aînés de Rulhe et soutenir aussi le personnel soignant, Tel. 06 03 36 88 71

"L’iceberg qui cache tout le reste"

Le docteur Pascale Combe-Cayla reconnaît que l’Ehpad Nord de Rulhe est "vieillissant" mais rappelle que "le coût de la journée est le plus bas sur tout Ouest Aveyron Communauté justement car les conditions d’hébergement sont modestes. Depuis 2014, la direction de l’hôpital a élaboré de nouveaux plans mais, à chaque fois, l’ARS retoque le projet parce que c’est trop cher".

La pneumologue avoue : "On est dans une impasse complète. c’est dramatique, je n’ai jamais vu un problème démographique comme ça à tous les niveaux. On a partout des postes inoccupés, on fonctionne avec des remplaçants qu’on paie à prix d’or mais il n’y a pas de continuité. alors j’essaie de soulager les équipes de façon pratico-pratique. Mais l’Ehpad est l’iceberg qui cache tout le reste…"

Hôpital. "On aurait besoin d’un Ehpad neuf et moderne, on a juste prévu quelques rénovations ponctuelles"

L’Ehpad de l’hôpital de Villefranche-de-Rouergue est l’un des plus gros établissements du département avec 273 lits. il comprend deux sites, celui du Bosquet à la Chartreuse et puis les ailes Nord et Sud de Rulhe.

Le directeur, Bertrand Perin, raconte que "cela fait plusieurs années qu’on essaie de mettre autour de la table les financeurs pour refaire l’établissement. Mais le conseil départemental demande que le tarif de 60 € journalier ne soit pas dépassé alors on est contraint à chaque fois de reprendre le dossier. On aurait besoin d’un Ehpad neuf et moderne et on a juste prévu quelques rénovations ponctuelles. Le problème reste la capacité financière. Vu l’ampleur de ce dossier, on n’arrive pas à boucler, alors les familles perdent patience", admet-il.

Le directeur est lucide, il sait aussi qu’il n’y a pas assez de personnel. "Ce n’est pas pour faire des économies, c’est parce qu’on n’en trouve pas. Avoir du renfort est pourtant la priorité de l’établissement. Il faut trouver une solution car l’Ehpad est un lieu de vie".

En revanche, Bertrand Perin ne reconnaît qu’un seul interlocuteur pour représenter les familles, c’est le Conseil de vie sociale. Il regrette que quelques familles "dissidentes" jettent de l’huile sur le feu. Il rappelle aussi fièrement que, malgré l’importance de la structure, l’Ehpad de Rulhe est longtemps resté sans cas de Covid.

"On peut se féliciter d’avoir résisté à cette pandémie". Aujourd’hui, 85 % des résidents sont vaccinés, ce qui empêche les formes graves de la maladie, mais il incite les visiteurs à maintenir tous les gestes barrières car "si le variant anglais pénétrait, ce serait une hécatombe".

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