Marnhagues-et-Latour. Sud-Aveyron : le Sac du Berger, ambassadeur du pastoralisme et du patrimoine

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  • L’atelier, avec sa boutique, n’a jamais quitté sa ferme d’origine.
    L’atelier, avec sa boutique, n’a jamais quitté sa ferme d’origine. Midi Libre - AGENCE
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A. K.

Jean-Pierre Romiguier a trouvé sa passion à Latour-sur-Sorgues.

Il était une fois un jeune cheminot sur les rails d’une carrière sans histoire. "Je m’ennuyais ferme. Et puis je voulais revenir vers mon village d’origine, Saint-Maurice. En fait, je me cherchais", se souvient Jean-Pierre Romiguier. À l’époque, même le combat du Larzac lui passe par-dessus le poncho.

En 1979, au détour d’une route, dans les écarts de Latour-sur-Sorgues, en pleine forêt de Layrolle, son frangin et lui tombent sur une bergerie à l’abandon. Ni une, ni deux, les deux garçons la rachètent pour une bouchée de pain complet. Reste à savoir qu’y faire.

Une fabrication de bourrelier

Voilà qu’un jour, un ami historien, Robert Aussibal, lui parle du sac des bergers itinérants. Avec le patou, il est le meilleur ami de ces gardiens de troupeaux. Ils y glissent les fioles d’onguents, le couteau, les outils, un lainage, leur casse-croûte, y accrochent leur grand parapluie, et le baladent à leur épaule, de transhumances en estives. Le cuir se patine avec le soleil et la pluie, résiste au temps et se transmet en héritage.

Le sac du berger itinérant est répandu dans toutes les zones de transhumance, dans le Gard, en Camargue, en Provence, dans les Alpes, dans le Roussillon ou les Cévennes. On trouve exactement le même modèle. "Tout simplement parce qu’il y avait de grandes foires où se retrouvaient les propriétaires de troupeaux et les bergers qui cherchaient à louer leurs services pour l’estive à venir. Les bergers passaient ainsi de région en région, avec leur sac, uniforme."

"J’ai eu la vision absolue de ce que je voulais faire"

Robert met entre les mains de Jean-Pierre un vieux spécimen. Coup de foudre. Le jeune homme voit enfin l’éclaircie dans son avenir. "J’ai eu la vision absolue de ce que je voulais faire. J’ai tâtonné. J’ai acheté le cuir à la tannerie Arnal à Rodez et à Bédarieux. Je tenais déjà à la proximité, au durable et au réparable." Jusqu’en 1991, il fabrique, tout seul, son sac de bourrelier. "Ce n’est pas de la maroquinerie. Il était fait par ces artisans qui s’occupaient des pièces d’attelage de cuir pour le travail des chevaux."

Quarante ans après, les machines à découper, à coudre, les peaux et les patrons n’ont jamais quitté leur petite maison de pierre. Après un incendie, en 2009, une charpente de bois blond a juste remplacé le toit calciné. Une SARL est née du succès. "On a mis en place des métiers, bottier, taille de vêtements, bourrelier, maroquinier. On fait aussi de la peau lainée." Derniers arrivés dans le cheptel de l’entreprise, un sac mélangeant cuir et laine mérinos et la cape traditionnelle du berger des Cévennes. "On a retrouvé la technique de la laine foulonnée, au tissage bien serré, déperlant, pour la rendre coupe-vent et imperméable."

"C’est un sac toujours aussi contemporain"

La matière des capes ne broute pas bien loin. "Nous avons réimplanté des bergers de moutons mérinos, pour fournir la laine de nos pull-overs, et de notre cape du berger, récréée comme l’originelle." Le projet, porté par la SAS filature Colbert, veut rapatrier la transformation de la laine locale, qui se fait actuellement uniquement à Mazamet. "Cela nous a fait relancer la filière laine autour de la brebis Lacaune. Au siècle dernier, il y avait trois filatures industrielles au sein du Saint-Affricain."

Sous la lumière tombante d’une baie vitrée, des boîtes s’empilent, avec leur hirondelle, au logo du Sac du Berger, prêtes à partir aux quatre coins de la planète. "C’est notre zone d’expédition, avec vue sur les bois", sourit Jean-Pierre. Des sandales en cuir noir vont s’envoler vers la Chine. Mais l’esprit reste résolument local dans sa production. Quelques ânes en vadrouille et beaucoup de touristes s’aventurent désormais dans ce petit bout du monde. Le modèle phare n’a pas changé d’une poche soufflet. Son aspect rustique et intemporel séduit dans les salons parisiens comme dans les prés du sud de la France. Il pend toujours en bandoulière, sur la hanche des bergers. Avec leurs initiales gravées en lettres de laiton.

"Ce sac est toujours aussi contemporain. Et il symbolise le pastoralisme, le patrimoine, le savoir-faire, la relance de filières locales. Notre histoire est le meilleur des plans marketing." L’atelier est labellisé entreprise du patrimoine vivant. "Si j’ai pu avoir un talent, c’est d’avoir été fidèle à l’objet du départ."

Le Sac du Berger, Layrolle, Latour-sur-Sorgues. Contact au 05 65 99 36 60 ou lesacduberger.com Magasin ouvert tous les jours, toute l’année.

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