Les enquêtes criminelles vont faire leur retour à Rodez
Depuis 2007, tous les crimes commis en Aveyron étaient instruits à Montpellier, ce qui posait un problème pour les victimes. La loi sur la justice de proximité va, dans les prochains mois, ramener à Rodez 80 % des dossiers.
Si tout va bien, dans quelques semaines, ce sera un changement majeur dans le fonctionnement de la justice en Aveyron. La commission des lois, dans le cadre de son examen du projet de loi pour la confiance dans l’institution judiciaire a adopté, à l’unanimité un amendement proposé par le député de la première circonscription de l’Aveyron, Stéphane Mazars. Celui qui est également rapporteur du texte, a souhaité, dans le cadre du volet sur la justice de proximité, défendre un amendement pour le retour de l’instruction au niveau du tribunal judiciaire départemental.
Concrètement, depuis 2007 et la réforme portée par Rachida Dati, sous la présidence de Nicolas Sarkozy, dans certains départements, principalement ruraux, les enquêtes concernant les crimes sont transférées systématiquement dans vers les pôles d’instructions créés dans les grandes villes. Pour l’Aveyron, les enquêtes ont donc lieu, depuis cette date, à Montpellier. Ce qui, selon le député, fait du " TGI de Rodez le TGI de France le plus éloigné de son pôle d’instruction. "
Le projet de loi en cours d’étude prévoit en effet deux mesures qui vont changer le fonctionnement de la justice, pour les crimes en Aveyron. En effet, les cours criminelles, en expérimentation depuis 2019 dans plusieurs départements français vont être généralisées. Celles-ci remplaceront les cours d’assises jugeant les crimes pour lesquels les accusés encourent des peines de 20 ans de prison ou moins. Si leur fonctionnement sera sensiblement similaire aux assises, elles prévoient en revanche que le jury populaire soit remplacé par cinq juges professionnels. Le but est notamment d’accélérer les délais de procédure, mais aussi d’éviter, quand cela se justifie, la correctionnalisation de ces crimes, principalement des affaires d’agressions sexuelles ou de viols, dont les victimes, qui, dans ce cas, souffrent parfois "d’un traitement judiciaire pas du tout à la hauteur de leur préjudice", analyse le député.
Moins lourd pour les victimes
C’est de cette réforme que découle l’amendement sur l’instruction. En effet, pour ces affaires qui passeront à l’avenir devant cette cour criminelle, 80 % des dossiers d’assises actuels, l’instruction va donc revenir en Aveyron. Une véritable satisfaction pour Stéphane Mazars. "La mesure de 2007 avait été prise après l’affaire Outreau, rappelle-t-il. Ils avaient créé les pôles d’instruction pour éviter qu’il n’y ait qu’un seul juge sur une affaire et faire en sorte d’avoir le regard de plusieurs magistrats. Sauf que dans les faits, cette réforme constituait un peu une double peine pour les victimes. Non seulement elles sont victimes, mais en plus, elles doivent affronter un système judiciaire long et compliqué, et tout ça, à distance. Dans les faits, beaucoup d’affaires instruites à Montpellier ne passent pas devant plusieurs juges car il n’y en a pas besoin." Les enquêtes vont donc revenir à Rodez, à la charge du juge d’instruction. Avec quels moyens ? C’est sans doute la question à laquelle le gouvernement devra répondre quand la loi entrera en vigueur, une fois votée à l’Assemblée d’ici à la fin du mois de mai, puis au Sénat ensuite. Le sujet n’inquiète pas trop Stéphane Mazars : "On va de fait alléger la charge des pôles d’instruction qui recevaient des dossiers comme les nôtres, prévient-il. Cela devrait effectivement créer une surcharge de travail pour le cabinet du juge d’instruction de Rodez. Mais pour en avoir souvent parlé avec eux, ces juges sont dans l’ensemble favorables à récupérer les affaires criminelles qu’ils estimaient être en capacité de traiter."
"Je déteste cet amendement car je n’en ai pas eu l’idée"
"Cela me coûte de le dire, mais c’est de l’ordre du narcissisme total, je déteste cet amendement pour une raison, c’est que je n’en ai pas eu l’idée. Vraiment, c’est un amendement extrêmement important." Lors de l’examen de l’amendement du député Mazars en commission des lois, le ministre de la Justice, Éric Dupond-Moretti, s’est fendu d’un bon mot dont il a le secret. En effet, lancé depuis sa nomination, à l’été 2020 dans un travail pour ce qu’il appelle "la justice de proximité", le ministre, lui aussi ancien avocat, a salué ce texte, qui colle à sa vision de la réforme. "Les magistrats sont très contents de cette mesure, a-t-il assuré, toujours en séance. C’est vraiment une idée géniale. Je sais, monsieur Mazars, que vous y travaillez depuis des années. Vous avez trouvé le bon vecteur législatif et j’accueille cet amendement à bras ouvert." Une satisfaction pour l’Aveyronnais, qui se battait pour cette mesure de longue date. En 2012, alors sénateur, il avait interpellé Christiane Taubira, alors ministre, sur ce sujet, avant de répéter à plusieurs reprises sa position depuis 2017 auprès des décideurs de LREM.
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