Aveyron : La prison de Druelle confrontée à la surpopulation carcérale

  • La maison d’arrêt, ouverte en 2013, comptait initialement 100 places.
    La maison d’arrêt, ouverte en 2013, comptait initialement 100 places.
Publié le
RICHAUD Guilhem

L’établissement fait partie des maisons d’arrêt les moins bien classées de France selon le dernier rapport de l’Observatoire international des prisons. Au 1er avril, elle comptait 169 détenus pour 100 places.

Le chiffre est important : 169 %. La semaine dernière, l’Observatoire international des prisons a publié les données de la surpopulation carcérale, arrêtées au 1er avril 2021, dans les 188 prisons françaises. Celle de Rodez, installée à Druelle depuis 2013, se positionne à la onzième place de ce classement des établissements sous tension. Le pourcentage évolue tous les jours ou presque au gré des entrées et des sorties, notamment en détention provisoire. La semaine dernière, il est d’ailleurs monté à 178 %.

Avec 100 places "officielles", le calcul est simple à faire : l’établissement est en surpopulation de façon systémique. Et s’il n’est pas forcément pertinent de comparer avec d’autres maisons d’arrêt, tant la situation de chacune est spécifique, il est quand même intéressant de mettre ce chiffre en rapport avec la moyenne nationale, qui est de 125 %. En clair : il y a bien plus de détenus dans l’établissement que de places. Depuis son inauguration, l’administration pénitentiaire a fait des aménagements. Une partie des cellules individuelles ne le sont pas restées longtemps. Dès l’ouverture, l’installation de lits pouvant se transformer en couchettes superposées avait mis la puce à l’oreille au personnel.

Aujourd’hui, dans de nombreuses chambres, c’est au sol que des matelas ont été placés. "Un ou parfois deux", témoigne l’avocat ruthénois Cédric Galandrin, spécialisé dans le droit pénal et qui se rend régulièrement sur place assister des clients. La semaine dernière, il défendait d’ailleurs, au tribunal, la victime d’une agression qui a eu lieu récemment dans les murs de la prison. "Quand Christiane Taubira avait inauguré les lieux en 2013, elle nous avait dit qu’il n’y aurait jamais de surpopulation dans cette prison, rappelle-t-il. Il n’y avait déjà pas grand monde qui le croyait."

Des conséquences "sur le profil des détenus"

Car la prison de Druelle n’est pas la seule dans cette situation et elle paye le prix d’un état catastrophique des équipements carcéraux d’Occitanie. La région est en effet le plus mauvais élève français en la matière (lire par ailleurs) et cela a des effets directs pour Rodez. " Des détenus d’autres prisons dans des situations pires y sont transférés, soupire l’avocat. Cela a des conséquences sur les effectifs, mais aussi sur le profil des détenus. " Un problème également relevé par les syndicats des gardiens de prison. " Quand on a ouvert la prison, on nous avait annoncé des détenus locaux pour de petites peines, relance Estelle Augusto, du syndicat Ufap Unsa justice. Là, on est plus du tout dans cette situation. On a des transferts de détenus qui ont agressé des gardiens dans leurs prisons précédentes ou qui sont là pour des crimes." Pour la représentante syndicale, l’établissement de Druelle n’est pas structuré pour faire face à cette caractéristique de détenus. "Quand on a ouvert, on était structuré pour 90 détenus plus 10 places pour la semi-liberté, détaille-t-elle. Aujourd’hui, on a 178 détenus et on est toujours autant de personnel."

Des drones pour livrer des téléphones, de la drogue ou des armes

Sans mirador ni filets de sécurité, cela devient parfois compliqué pour le personnel de sécuriser correctement les lieux. Les "livraisons" par drone sont d’ailleurs de plus en plus fréquentes. En effet, des détenus cherchent régulièrement à faire rentrer des téléphones, de la drogue, des cigarettes ou des armes blanches via ces engins, qui permettent, grâce à un complice extérieur, de passer facilement les murs de l’enceinte. Récemment, l’un d’entre eux a été intercepté. Mais d’autres arrivent à échapper à la vigilance des gardiens.

La surpopulation a aussi des conséquences sur l’ambiance au sein de l’établissement. Si l’équipement est moderne et est resté en très bon état, "à chaque fois que j’y vais, il faut dire que c’est très propre", reconnaît Cédric Galandrin. "Mais quand on met trois ou quatre personnes dans des cellules pensées pour une seule personne, même si on arrive à y mettre des matelas, on crée des tensions entre les détenus." Résultat, les commissions de disciplines se multiplient. L’accès aux différents ateliers proposés n’est également pas possible pour tout le monde et cela crée également des problèmes. Sans ce travail possible à l’intérieur de l’établissement, les détenus se retrouvent désœuvrés, ce qui augmente aussi les risques de débordements. Sans parler de tout le travail de réinsertion qui est censé démarrer dès l’incarcération, qui était déjà compliqué à mettre en place avec un effectif normal…

Contactée, l’administration pénitentiaire n’a pas souhaité donner suite à nos sollicitations.

L’Occitanie, bonnet d’âne

La Région Occitanie est la moins bien classée de France en terme de surpopulation carcérale. Selon des chiffres publiés à l’automne dernier par Médiacités, le taux de densité carcérale était de 145 % dans les maisons d’arrêt d’Occitanie, quand la moyenne française est autour de 125 %. Le dernier décompte de l’Observatoire international des prisons épingle de nombreux établissements d’Occitanie. Six d’entre eux sont dans le "Top 10" : Tarbes a un taux d’occupation de 190 %, Carcassonne de 186 %, Foix de 185 %, Nîmes de 181 %, Perpignan de 174 %, Seysses (Toulouse) 171 %. En tout, les détenus d’Occitanie en surpopulation carcérale représentent 50 % des prisonniers dans cette situation en France.

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