Aveyron : un retraité "gilet jaune" relaxé de violences envers un policier

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  • Michel, ici au centre de l’image à sa sortie de l’audience, entouré de ses soutiens et de son conseil Me Nicolas Gallon (à droite) du barreau de Montpellier.
    Michel, ici au centre de l’image à sa sortie de l’audience, entouré de ses soutiens et de son conseil Me Nicolas Gallon (à droite) du barreau de Montpellier. M.R.
Publié le , mis à jour
Mathieu Roualdés

Si deux ans de prison, dont un ferme, étaient requis, le tribunal a considéré qu’il y avait "trop de doutes" pour désigner formellement et condamner le manifestant.

Après avoir disparu des ronds-points, les "gilets jaunes" aveyronnais, du moins ce qu’il en reste, se sont de nouveau donné rendez-vous hier. Cette fois, devant le tribunal de Rodez où l’un de leurs camarades, Michel, devait répondre de violences sur un policier. C’était le 17 novembre 2019. Ce jour-là, l’électricien à la retraite fêtait le premier anniversaire du mouvement à Millau, sur le giratoire de Saint-Germain. Gilet et bonnet jaune, Michel souhaitait partager un barbecue avec ses copains mobilisés. "L’ambiance était bon enfant, calme", décrit-il. Mais peu après midi, les forces de l’ordre, présentes sur les lieux, décident d’interpeller l’un des manifestants, auteur d’outrages. La situation s’envenime alors, les "gilets jaunes" s’interposent et dans ce que tous appelleront "une mêlée", un policier se retrouve à terre. Il reçoit alors un coup de poing au niveau de l’oreille droite.

K.-O., il se relèvera quelques minutes plus tard, non sans séquelles : le lendemain, un ORL lui signifie que son tympan fut perforé, qu’il a perdu une partie de l’audition et qu’il devra vivre avec des acouphènes. "Il n’y a rien à faire contre ça, je ne dors pas de la nuit souvent à cause de ces sifflements", témoigne-t-il, en uniforme, ce mercredi devant le tribunal. Michel, lui, est arrêté quelques minutes après la mêlée par un gendarme mobile, le désignant formellement comme l’auteur du coup. Lui s’en défend, en garde à vue comme devant les juges : "Je suis désolé de ce qui lui est arrivé mais je ne suis en rien responsable de cela […] Je n’ai rien vu de ce qu’il s’est passé, je suis tombé également avec la charge des militaires". Un peu plus tard, Michel portera d’ailleurs à son tour plainte contre X après avoir contracté une fracture du pouce.

"Au mauvais endroit, au mauvais moment"

- "Comment avez-vous pu vous faire cette blessure sans donner un coup ?, lui demande l’avocate du policier, Me Anne-Sophie Monestier.

- Si vous le dites… Je ne vais pas mentir, ni désigner quelqu’un mais quand les gendarmes chargent, je pèse 60 kilos, c’est quelque chose ! Je suis simplement tombé au mauvais endroit, au mauvais moment.

- Et comment expliquez-vous que le gendarme vous désigne formellement comme l’auteur du coup ?

- Je ne me l’explique pas… Pourquoi aurais-je fait cela ? J’ai le respect de l’uniforme, mon fils est gendarme réserviste, ancien militaire et ma fille douanière !"

Pour Me Nicolas Gallon, habitué des défenses de "gilets jaunes", son client, au casier vierge, était effectivement "au mauvais endroit, au mauvais moment". " On ne peut se fier au témoignage du gendarme qui n’a pas interpellé mon client d’emblée alors qu’il disait avoir vu le coup. C’est étrange tout de même", a-t-il plaidé, rappelant l’état de santé précaire de Michel, victime de nombreux infarctus.

Un an ferme requis

"Il n’est pas grabataire tout de même !", avait, lui, rétorqué le représentant du ministère public, Clément Jacquet, "convaincu de la culpabilité" du "gilet jaune" et requérant deux ans de prison, dont un avec sursis.

Le président de l’audience, Marc Gambaraza, et ses assesseurs, n’ont pas suivi ces réquisitions en relaxant le prévenu "compte tenu des doutes qui subsistent". Michel a pu quitter le tribunal, les bras levés face à ses soutiens. "C’était dur, très dur. On se serait cru dans une série policière, le procureur était particulièrement difficile", a simplement confié le "gilet jaune", sous les cris de joie de ses camarades. Le ministère public a, lui, dix jours pour faire appel d’une décision que les forces de l’ordre ont qualifié de "scandaleuse".

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