Rodez : Serge et Bastien Delbouis, en accord parfait avec le piano

Ce qu’il faut de patience et d’application, de plaisir aussi pour donner vie à un piano… Du plaisir qu’il vous rendra pour l’éternité ou presque. Ou presque car l’instrument est exigeant en amour comme un compagnon qu’il faut savoir écouter pour le comprendre : entretenir ce lien unique entre le musicien et son outil est le boulot de Serge Delbouis, accordeur et facteur. Il ne fabrique pas mais il restaure, il règle, il cajole, il vend et loue du neuf comme de l’occasion, du Steinway (la Rolls germano américaine) au Pleyel ou Gaveau vestiges du temps où les manufactures savaient encore travailler à façon. Des légendes, à peine bousculées par de bons modèles japonais ou prussiens et qui s’alignent dans son échoppe-atelier de la rue de l’Embergue, à Rodez, en quête d’adoption. Et ne vous méprenez pas : "Le piano n’est plus un objet bourgeois. Le rapport qualité prix est le même qu’auparavant, acheter un piano est donc beaucoup plus intéressant aujourd’hui", assure le maître des lieux.

Mais ce que préfère Serge Delbouis, ce n’est pas forcément la vente, ou la location, seules à assurer financièrement la conduite de sa passion. Rénover est son Graal, surtout des modèles haut de gamme (mais pas que), "les seuls qui en vaillent vraiment la peine". Et de nous déshabiller un vieux Pleyel droit, dont le clavier, les 88 cordes et feutres des marteaux, la table d’harmonie, le coffre verni au tampon, la marqueterie soleil, lui ont demandé des heures de travail, autant dire de bonheur.

"On ne compte pas les heures, on ne sait jamais à l’avance… On se régale de rendre les instruments dans le meilleur état possible".

Il est le seul dans la région à pratiquer cet artisanat de haut vol, vous reçoit alors qu’il rentre de Toulouse récupérer un Steinway à remettre en état…

Père et fils : le même plaisir de se dépasser

 

La deuxième corde à son arc, si l’on peut dire, c’est d’être accordeur. "Ce n’est pas seulement une histoire d’oreille, c’est plus de la physique que de la musique, on travaille sur des phénomènes acoustiques qui ne sont pas toujours rationnels…", résume celui qui est aussi musicien, on s’en serait douté, et qui accorde en jouant avec son fils leurs morceaux de prédilection, Mozart ou Debussy. Savoir accorder demande "trois à cinq ans de maîtrise". Et au final, l’accordeur demeure l’indispensable allié du pianiste. Serge court ainsi les concerts de la région, un bonheur de plus, là encore : "On y rencontre plein de gens comme au festival des Bretelles… C’est très gratifiant. Et on a pas mal de petits concerts à partir de juillet. Pour les gros festivals, le contexte demeure plus compliqué".

Serge Delbouis est donc à ses pièces depuis 1987, année où l’Aveyronnais s’installe à Rodez, son diplôme de l’Institut français de la facture instrumentale en poche. Il ne cessera dès lors de monter en gamme, mais sa plus grande fierté est d’avoir à ses côtés, son fils Bastien, 29 ans, dûment diplômé lui aussi et qui suit les cours du Conservatoire pour égaler l’exigence de son père. "Il s’est piqué au jeu, c’est lui qui m’a suivi, j’en suis heureux ! Quand tu bosses sur un piano, tu te fixes une limite pour la dépasser. Et là, tu fais du bon travail. Bastien, lui, il pousse le bouchon toujours plus loin. Et c’est l’intérêt : si on n’est pas passionné par ce boulot, on ne le fait pas".