De ringard à branché, voici ce que pourrait devenir Courtepaille dans le futur

  • "C'était vraiment le premier restaurant d'autoroute, proche d'une ville et construit par rapport à la voiture. C'était très moderne pour l'époque", déclare Pierre Bernard, ingénieur et architecte. "C'était vraiment le premier restaurant d'autoroute, proche d'une ville et construit par rapport à la voiture. C'était très moderne pour l'époque", déclare Pierre Bernard, ingénieur et architecte.
    "C'était vraiment le premier restaurant d'autoroute, proche d'une ville et construit par rapport à la voiture. C'était très moderne pour l'époque", déclare Pierre Bernard, ingénieur et architecte. Courtesy of Alterurbain
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Relaxnews

(ETX Daily Up) - Les restaurants Courtepaille sont plongés dans une crise financière depuis les années 2010. "Archétype des zones périphériques", ils sont le symbole d'une époque considérée comme moderne, mais tombée en désuétude depuis. Le côté daté et nostalgique du Courtepaille pourrait pourtant redevenir populaire dans les prochaines années, grâce à un imaginaire collectif réincarné.


A l'approche des vacances estivales et des grands trajets d'autoroute, le retour de la pause midi sur les échangeurs routiers pointe le bout de son nez. Entre pavillons et échangeurs, toit de chaumière, parasols rouges et grillardin, la fameuse franchise Courtepaille rappelle, avec nostalgie, les déjeuners de la route des vacances, ou bien le repas dominical en famille, pour les périurbains. 

Alors que 69% des Français comptent partir en vacances dans l'Hexagone cet été d'après un sondage Ipsos*, les probabilités de s'arrêter dans un Courtepaille se multiplient. Mais que reste-t-il de ces restaurants dans le paysage français ?

Avec le temps, les restaurants Courtepaille ont perdu en notoriété. Baisse de 20% du chiffre d'affaires depuis 2012, près de 10 millions d'euros de perte en 2019... "Mieux vaut ne pas parler des derniers mois", glisse Bruno Declairieux, journaliste chez Capital. Contrarié par le mouvement des Gilets Jaunes, condamné par la pandémie de Covid-19, le modèle se heurte à une crise financière.

A l'automne 2020, 145 restaurants ont été rachetés par le fonds britannique TDR Capital, ainsi que 92 contrats de franchise parmi les 250 maisons Courtepaille en France, laissant l'espoir de voir la marque se relancer comme Buffalo Grill ou Hippopotamus l'ont fait.

"On pensait ce modèle invincible", déclare le journaliste Jean-Laurent Cassely. "C'est une enseigne plus vieille que Buffalo Grill, née dans l'ère du loisir et du tourisme, basée sur un modèle de restauration formaté. Aujourd'hui, c'est un univers un peu daté".

La "nostalgie" du Courtepaille

L'imaginaire collectif de la sortie familiale au Courtepaille, la nourriture authentique grillée sous les yeux des clients et l'expérience du restaurant restent les seuls souvenirs vivants de ce lieu. "On est de plus en plus à s'intéresser [au Courtepaille], parce que c'est un témoin des Trente Glorieuses. La génération d'enfants qui a connu ces restaurants en est nostalgique", confie Jean-Laurent Cassely. 

"Il n'y a pas de Courtepaille en centre-ville contrairement à Flunch ou Hippopotamus. C'était vraiment le premier restaurant d'autoroute, proche d'une ville et construit par rapport à la voiture. C'était très moderne pour l'époque", explique Pierre Bernard, ingénieur et architecte, lancé dans un tour de France à la conquête des espaces périurbains de demain. "Le plus étonnant, c'est que j'y ai mangé qu'une seule fois. Pour autant cela reste un repère", confie Pierre Bernard.

Sur son compte Instagram Alterurbain, il revient sur sa "passion" et son "obsession" pour le Courtepaille, "emblème du paysage français". L'architecture traditionnelle de l'auberge (toit en chaumière, bâtiment rond), et son design reconnaissable font de "Courtepaille l'archétype des zones périphériques", affirme-t-il.

Un emblème "reproduit" une centaine de fois jusqu'aux années 1990, selon l'architecte Catherine Meyer-Baud qui a consacré une thèse début juin au sujet "La maison Courtepaille (1959-2020). Une histoire d'architecture". "Son succès est quasi immédiat et reste inégalé".

Selon elle, et les nostalgiques de la grande époque, la marque lèguera un héritage, celui "d'une double utopie : d'une culture nationale unique, et d'une humanité en même temps archaïque et moderne".

La périphérie : un "territoire de la liberté"

Aujourd'hui, la marque se digitalise. Elle s'intéresse à une population plus urbaine avec la mise en place des dark kitchens (restaurants sans salle, conçus uniquement pour la livraison), de la livraison à domicile ainsi que le Click and Collect. "C'est tuer le modèle Courtepaille", juge Pierre Bernard qui s'est lancé en mai dernier dans un "Tour de France" des périphéries de grandes villes comme Dijon, Lyon, Marseille ou Toulouse et s'est entretenu avec une vingtaine d'acteurs locaux.

Selon lui, avec la perte de vitesse de ces lieux emblématiques, le mouvement de réhabilitation des friches devrait survenir dans ces zones périurbaines. "Si je doute que Courtepaille arrive à se transformer de lui-même, je crois davantage que des investisseurs opportunistes rachèteront à la casse certains restaurants pour y revisiter le Courtepaille d'origine", écrit-il sur son compte Instagram. Il donne l'exemple d'un restaurant du nom de l'Ami, situé près de Dinard, en Bretagne. Le restaurateur a investi dans cet ancien Courtepaille, dans lequel il propose une cuisine maison, en gardant l'architecture d'origine. "Il a repris l'imaginaire, les codes… Il développe le Courtepaille mais au goût du jour", analyse l'architecte.

Courtepaille ne cessera donc jamais d'exister, mais passera peut-être du "cheap" dont parle Jean-Laurent Cassely à un mouvement plus hype, comme le rap est sorti des banlieues pour investir les soirées bobos. "Je ne serais pas surpris que dans la culture visuelle, il y ait dans le futur des références à Courtepaille. Comme dans des clips musicaux", projette Jean-Laurent Cassely. 

A mi-chemin entre quartiers pavillonnaires et échangeurs, ces zones sont des "territoires de liberté", qui "mix[ent] une population locale avec une population en mouvement", explique Pierre Bernard, qui conclut en se tournant vers l'avenir. "Ce qui m'intéresse est de savoir comment la génération Z voit ce territoire périurbain avec le digital et comment elle va s'approprier ce récit".

*Sondage Ipsos réalisé en avril 2021 auprès d'un échantillon de 1068 personnes.

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