Villefranche-de-Rouergue : à l'Ehpad de Rulhe, une "maltraitance psychologique" dénoncée

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  • André Colson vient de perdre sa maman qui était depuis deux années à l’Ehpad de Rulhe.
    André Colson vient de perdre sa maman qui était depuis deux années à l’Ehpad de Rulhe. Photo MCB.
Publié le , mis à jour

Les témoignages se multiplient sur une "situation dégradée" à l’Ehpad de Rulhe, selon les familles.

Depuis le témoignage coup de poing du docteur Isabelle Derycke dans notre édition du 15 juin dernier, les langues se délient concernant la situation de l’Ehpad de l’hôpital à Rulhe. L’omerta ou tout du moins la chape de plomb qui entoure ce qu’il s’y passe tend à se fissurer et les témoignages affluent.

André Colson, originaire de Villefranche et retraité en Bretagne, vient de perdre sa maman de 98 ans qui était depuis deux ans à l’Ehpad de Rulhe. "La première année le personnel était attentif et fantastique et puis on a constaté peu à peu que les gens partaient, n’étaient pas remplacés. Et c’est allé crescendo, les soignants ne restent pas ou ils sont en congés maladie".

Courrier à l’Élysée

André Colson commence à alerter la direction de l’Ehpad en avril 2020, notamment sur l’entretien et la propreté des chambres. "C’est dans un état de vétusté très avancé. Ça fait quatre ans que les vitres n’ont pas été nettoyées", dit-il, photos à l’appui. "À chaque fois que je revenais voir ma mère, après 900 km de route, je retrouvais une situation plus difficile, surtout sur le plan psychologique". Suite à la démission d’un cadre de santé et après avoir dialogué avec le docteur Derycke, médecin de sa maman, tentée elle aussi de démissionner, il alerte à nouveau l’hôpital mais aussi l’Agence régionale de santé (ARS), le Département, et la Région. "J’alerte tout le monde mais il ne passe rien !". André Colson constate également qu’il n’y a qu’"une animatrice à 80 % pour 118 résidents. Pire, la nuit il n’y a qu’une infirmière pour 120 lits. C’est une honte !". Et les seules réponses qu’il a pu obtenir sont : "On n’a pas d’argent". Il décide alors d’écrire au ministère de la Santé qui répond, en mars 2021, qu’il va diligenter une enquête via l’ARS. L’Agence régionale de santé confirme, un mois après, que l’Ehpad de Rulhe fait bien l’objet d’une instruction. Oui, mais rien ne bouge, alors, le 9 juin dernier, en désespoir de cause, André Colson envoie un courrier à la Présidence de la République pour demander un audit financier sur la gestion de l’hôpital par rapport à l’Ehpad. "On sait que la gestion est tripartite entre hôpital, ARS et Département mais la Communauté de communes pourrait, elle aussi, y consacrer un budget", lance-t-il.

"Les soignants sont dans un mal être terrible"

"Le Conseil de famille de l’hôpital ne fait rien, les syndicats ne sont pas partie prenante, c’est aussi pour ça que s’est créé ce collectif, Pour de meilleures conditions de vie de nos aînés à Rulhe et de meilleures conditions de travail du personnel". Comme le souligne toujours André Colson, "on n’a pas fait ce collectif pour embêter le directeur, Bertrand Perin, mais on ne comprend pas qu’il ne soit pas à nos côtés pour obtenir des aides. On voudrait travailler avec lui pour l’amélioration de cet Ehpad. On n’est pas contre lui mais on aimerait que le personnel soit davantage écouté. Les soignants sont dans un mal-être terrible. Comme ils ne sont pas assez nombreux, ils nous disent que pour les soins ils doivent choisir, définir des priorités, c’est horrible. Ils font pourtant ce qu’ils peuvent, ils sont d’une grande gentillesse mais il y a dans cet Ehpad de Rulhe beaucoup de gens en détresse. C’est de la maltraitance psychologique".

"C'est un mouroir, c'est inhumain"

"Tout sauf Rulhe"…Et pourtant, Karine, soignante en Occitanie, faute de trouver d’autres places ailleurs en urgence en unité Alzheimer, a fait entrer sa mère à Rulhe, à contre-chœur, en début d’année. "Elle est rentrée sans aucune comorbidité, elle n’était pas du tout impotente, elle marchait beaucoup même…" Mais elle la retrouve très rapidement avec "une escarre au talon et une dizaine de kilos en moins alors qu’elle a un appétit féroce. J’étais folle de rage ! Une escarre ça ne vient pas tout seul, ça signifie un appui prolongé sur un plan dur. J’en ai marre qu’elle soit attachée à son fauteuil, je demande à ce qu’elle marche, quitte à ce qu’elle tombe, car sinon elle deviendra grabataire. Et quand je viens je suis obligée de laver son dentier, c’est moi qui fait tout ! Ce n’est pas normal et il y a des choses pas claires…".

Une autre personne raconte qu’elle a son compagnon en fin de vie à Rulhe. "Il est attaché", confie Monique qui a préféré appeler l’Agence régionale de santé pour le signaler. L’ARS 12 lui aurait envoyé un formulaire afin qu’elle lance une alerte.

Des couches pas changées

"Plus ça va, moins ça va", confie Danièle qui a sa maman depuis quatre ans à Rulhe, elle aussi en unité Alzheimer. "Au début, ça allait mais, depuis un an, ce n’est plus pareil. On ne voit personne. Ma mère a beaucoup maigri, elle est en baby gros à trois heures de l’après-midi, sans dentier et ses couches ne sont pas changées. À cet étage, l’odeur donne envie de vomir alors dès que je peux j’essaie de la sortir dans le parc. Ces chambres à deux lits ne permettent aucune intimité. à un moment, il y avait une personne enfin de vie juste de l’autre côté du rideau, ça m’a choqué. C’est inadmissible. Quelque part, c’est de la non-assistance à personne en danger", confie-t-elle en larmes. "C’est un mouroir, c’est inhumain".

(NDRL : Ces personnes ont souhaité garder l’anonymat, leurs prénoms ont donc été changés)

 

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