Nant. Cantobre, nid d’aigle et pouponnière à gypaètes

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  • Seize gypaètes barbus ont été réintroduits à Cantobre, qui compte à l’année quinze habitants.
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  • Cantobre, nid d’aigle et pouponnière à gypaètes
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    Cantobre, nid d’aigle et pouponnière à gypaètes
Publié le
Xavier Buisson

Le hameau de la commune de Nant, de par son aérologie idéale, est utilisé comme site de réintroduction pour ce vautour, qui y fait son apprentissage du vol.

À 550 mètres d’altitude, 100 mètres au-dessus des gorges du Trévézel et de la Dourbie, le hameau Cantobre accueille actuellement 15 habitants et a vu grandir, depuis 2012, 16 gypaètes barbus. Dans le cadre du programme de réintroduction de ce vautour, dont l’envergure peut atteindre trois mètres, c’est toute une équipe de la Ligue de protection des oiseaux Grands causses qui est à la manœuvre. Car le gypaète barbu est fragile, toujours considéré comme en voie d’extinction. "Ils sont placés dans des cavités rocheuses aménagées spécifiquement pour l’accueil des juvéniles. On peut accueillir jusqu’à cinq oiseaux qui ont besoin d’un mois pour pouvoir s’envoler par eux-mêmes", explique Cynthia Augé, animatrice LPO.

La dernière réintroduction a eu lieu le 24 juin. Peyre, âgé de 95 jours et arrivé d’Andalousie, a été installé dans une cavité de ce site sécurisé, inaccessible au public et sous l’étroite surveillance, de 6 heures à 20 heures, d’une équipe de la LPO.

Armés pour survivre, dès leur réintroduction

Une clôture évite les envols trop précoces et les intrusions, mais les gypaètes, bien que juvéniles, ont quasiment atteint leur impressionnante envergure d’adultes et sont déjà "armés" pour survivre : "Ils peuvent s’alimenter seuls, entretenir leur plumage, se défendre contre des prédateurs éventuels et résister aux intempéries", détaille Noémie Ziletti, qui coordonne ces réintroductions pour la LPO Grands causses.

Eau et nourriture leur sont livrées tous les deux jours par l’équipe de surveillance, qui est rapidement amenée à devenir mobile, afin de suivre au plus près les premières évolutions aériennes des oiseaux. En cela ils sont aidés par la technologie. Les gypaètes sont équipés de balise GPS, qui envoient des donées sur leur localisation un à deux fois par jour. Pour être plus précise et réactive, l’équipe de surveillance dispose par ailleurs d’un système VHF qui, à l’aide d’une antenne orientable, permet de localiser les animaux. "Dans ces premiers mois, l’équipe de surveillance a besoin de savoir toute la journée où sont les oiseaux", poursuit Noémie Ziletti.

Le site de Cantobre a été choisi car il présente des conditions aérologiques idéales pour le premier vol des oiseaux. Des sorties assez courtes et maladroites dans un premier temps, mais qui les amènent ensuite bien plus loin que les limites de l’Aveyron.

Jusqu’en Roumanie ou aux Pays-Bas

Durant les premières années de leur réintroduction, les gypaètes ont eu des "comportements de dispersions erratiques avec de longs vols exploratoires, dont un jusque dans les Carpates (Roumanie)". Sur les trois lâchés en 2020, un est désormais au Pays-Bas, trois sont restés dans le Sud-Aveyron et un a été abattu. En 2019, Europe s’est fait tirer dessus mortellement dans le Cantal et en octobre 2020 Dolomie, un mâle relâché l’année précédente, a été retrouvé criblé de plombs en Lozère. Plus récemment, sur les trois oiseaux lâchés au mois d’avril dernier, deux n’ont malheureusement pas survécu. Reste Pyrénées, qui vole désormais avec aisance autour du site de lâcher.

D’une espérance de vie de 30 ans, le vautour est parfois "la cible d’actes malveillants", explique, dépitée, Cynthia Augé. "Le gypaète est un vautour nécrophage comme les trois autres espèces présentes en Aveyron que sont les vautours fauve, moine et percnoptère. La particularité de cette espèce, c’est qu’elle vient compléter la chaîne alimentaire. Lui consomme les os, il intervient sur les dernières étapes du nettoyage d’une carcasse", explique la jeune femme qui rappelle : "La destruction d’espèce protégée est punie de 3 ans de prison et 150 000 € d’amende."

Au mois d’août, un point d’observation avec longue-vue sera proposé aux personnes désireuses de découvrir ces vautours aux côtés de l’animatrice de la LPO Grands Causses ; les prochaines dates seront les mercredis 4, 10 et 13 août, sur inscription au 07 76 11 40 27.

Un "château perché" pour rampe de lancement

À travers les âges, plusieurs explications ont été proposées pour expliquer la signification du nom du hameau où les gypaètes font leur apprentissage des airs. "Quant obra !", auraient affirmé en Occitan les Templiers, séduits par la magnificence du site, ce qui signifie "quelle œuvre". C’est désormais une autre traduction qui fait foi, celle remontant à l’époque gauloise et mise en avant par le Millavois Jacques Astor, spécialiste d’onomastique (études des noms de lieux et des noms de famille) : "kant" signifie rocher et "briga" hauteur ou forteresse, donnant en définitive une "forteresse perchée sur des roches".

1963-1964 : l’école ferme dans le sillage des mines

Le hameau a conservé un souvenir concret de la présence de la mer qui, il y a 200 000 millions d’années, a laissé des couches de sédiments calcaires donnant naissance à trois gisements de lignite. Ce matériau, cousin du charbon, était notamment utilisé pour chauffer l’eau des tanneries millavoises, descendant en charrette jusqu’à la ville."Le lignite formait des couches de 70 à 80 cm de hauteur, les mineurs devaient travailler couchés pour l’extraire", explique Alain Bonnemayre, voisin nantais féru du hameau et qui y anime des visites. Trois mines ont ainsi été exploitées entre 1800 et 1964, fournissant du travail à une dizaine de personnes. Au début du XIXe siècle, le hameau compte de 70 à 80 habitants et la paroisse demande l’autorisation à la commune de Nant de construire une école. Elle sera payée par les religieux et construite au centre du hameau, sur l’emplacement du cimetière qui a dû être déplacé. Lors de sa dernière année de fonctionnement, en 1963 ou 1964, l’école de Cantobre accueillait un instituteur pour deux élèves. Un nouvel exode pour le hameau de Cantobre, déjà abandonné par ses habitants au moment de la Première Guerre mondiale. Aujourd’hui et selon les données issues du dernier recensement, Cantobre compte 15 habitants et plusieurs gîtes ou possibilités d’hébergement. Durant la période estivale, les habitants y sont plus nombreux du fait de l’arrivée des propriétaires de maisons secondaires qui regagnent, avec bonheur, les hauteurs des gorges du Trévézel et de la Dourbie.Renseignements auprès de la mairie de Nant, joignable au 05 65 62 25 12 ou sur le site nant.fr
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