Pierre Hermé : "Je continuerai toute ma vie à proposer des choses différentes"

  • Cet été, c'est dans les herbes et les fleurs que Pierre Hermé est allé chercher de la poésie culinaire avec sa collection "Par nature".
    Cet été, c'est dans les herbes et les fleurs que Pierre Hermé est allé chercher de la poésie culinaire avec sa collection "Par nature". JOEL SAGET / AFP
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Relaxnews

(ETX Daily Up) - Plusieurs décennies de création gustative auraient pu faire basculer le chef dans la facilité. Il n'en est rien. Intarissable sur les associations de saveurs, le pâtissier Pierre Hermé joue l'équilibriste entre la pâtisserie traditionnelle française et ses inspirations nippones. Mais cet été, c'est dans les herbes et les fleurs qu'il est allé chercher de la poésie culinaire avec sa collection "Par nature". Celui qui régale les gourmands sait aussi répondre aux nouvelles exigences en baissant les calories, mais pas le plaisir. Nous avons rencontré le pâtissier dans son café de Beaupassage dans le VIIe arrondissement à Paris. Interview.

Vous avez lancé cet été une nouvelle collection "Par Nature" avec de nouvelles saveurs parmi lesquelles l'açai ou du bourgeon de cassis. Des choix surprenants pour une petite douceur. Pourquoi ces saveurs ?

Au départ, j'ai commencé à m'intéresser aux super-aliments. Il y a l'açai, mais également la noix de pécan ou le cassis. Je me suis ensuite dit que j'allais essayer d'aller un peu plus loin en les travaillant à la fois avec des herbes et des fleurs. Il y a un vrai travail végétal sur les gâteaux avec des aiguilles et des bourgeons de pin, de la sauge, de la livèche, de la menthe et de la coriandre.

J'aime aussi beaucoup la bergamote, vous y pensez pour vos prochaines recettes ?

Déjà fait ! Une alliance de rose et de bergamote en macaron. Le travail sur l'utilisation des herbes et la mise en valeur du goût des herbes, comme avec la flouve odorante par exemple dans "Par Nature", ça marche super bien !

La flouve odorante, mais qu'est-ce que c'est ?

C'est du foin ! On l'a aussi utilisé dans les macarons. J'ai beaucoup travaillé sur la livèche et sur l'estragon. C'est tellement bon ! J'y pense parce que justement je l'ai goûté hier. J'ai aussi goûté le macaron cassis et poivre de cassis, c'est d'une très grande subtilité. Ce sont des bourgeons de cassis séchés dont on se sert comme d'un assaisonnement. Le cassis n'est pas subtil, c'est assez vif et tannique. Il existe une facette que l'on n'arrive pas à percevoir dans ce fruit qui est l'aromatique. Mais lorsque l'on utilise le poivre de cassis, on a toutes les facettes des goûts, à 360°. Ça assaisonne, ça relève. C'est un parfum incroyable. Dans ces cas-là, le travail de pâtissier s'apparente vraiment à un travail de création en matière de parfum. Intellectuellement, c'est le même processus.

A l'heure où l'alerte est lancée sur la consommation de sucre et de graisses, comment allier plaisir et gourmandise ?

Avec Frédéric Bau nous avons travaillé sur la gourmandise raisonnée. Nous avons réussi, sur certaines pâtisseries, comme les tartes infiniment vanille ou citron, à baisser l'apport calorique de 30%, au minimum. On diabolise le sucre, mais lorsqu'on le réduit, on augmente mécaniquement d'autres paramètres, notamment les lipides. Ce que nous avons fait avec la gourmandise raisonnée consiste à réfléchir à l'apport nutritionnel de chaque ingrédient et d'utiliser chacun d'entre eux pour le goût en étant précautionneux au niveau de l'apport calorique.

Que pensez-vous de la montée du mouvement healthy ?

En tant que professionnel de métier de bouche, tout autant que les boulangers, pâtissiers, cuisiniers, glaciers, charcutiers, je trouve ça intéressant. On doit en tenir compte. Ce qui veut dire que l'on doit avoir une proposition qui correspond à cette attente, sans transformer l'entièreté des desserts. Pour moi c'est un axe créatif comme un autre, comme peut l'être le travail sur la pâtisserie vegan ou le sans gluten. Ce sont de vraies opportunités créatives.

Lorsque vous lancez une nouvelle gamme de macarons, qu'est-ce que ça raconte de votre histoire ?

C'est une séquence dans un long flot de création. Parce que je ne travaille pas spécialement sur le macaron. A un moment donné, un produit est créé et c'est un macaron, mais il peut devenir un gâteau, un bonbon au chocolat, une viennoiserie, un cake, une glace. J'ai l'habitude de réinterpréter les associations de saveurs. C'est ma façon de travailler.

Comment concrétisez-vous une nouvelle saveur ?

Dans les macarons, je travaille beaucoup les "infiniments" : vanille, pistache, sésame. J'essaye de sublimer un seul goût unique. Dans la collection "Par nature", par exemple, il y a le macaron à la fleur de basilic. Là, je cherche à mettre en valeur la fraise/basilic. J'utilise une infusion de fleurs de basilic, mais, surtout, je mets une petite pointe de zeste d'orange pour révéler toutes les facettes de la fleur.

Vous proposez une collection "Japonisme" cet été...

Alors ça fait longtemps que je m'intéresse au Japon ! La première boutique de la maison y a été ouverte. Donc pour moi, c'est une source d'inspiration importante. En avançant, je me rends compte que j'utilise de plus en plus d'ingrédients de ce pays. Je m'inspire des goûts du Japon ou des traditions alimentaires. La semaine prochaine, on lance les shortcakes et les roll cakes, dont raffolent des Japonais. Quand on est arrivé au Japon, on me disait "si tu n'en fais pas, tu ne réussiras jamais au Japon". On n'a jamais fait ça. Je trouvais ça intéressant, plus de vingt ans après, de ramener ces gâteaux dans mon territoire de goût.

Vous avez été élu meilleur pâtissier au monde, quels conseils me donneriez-vous pour me lancer dans l'influence pâtisserie ?

Sur Instagram on peut montrer de jolies choses, mais il faut surtout qu'elles soient très bonnes. C'est ça qui est le plus important. Instagram permet de rêver. Je trouve ça formidable comme outil de communication. Mais il faut avoir en tête qu'il faut qu'un gâteau soit bon avant d'être instagrammable. Si en plus il fait les deux...

A votre niveau, vous ne pouvez pas tellement vous permettre de faire des gâteaux moches...

Non, on ne fait pas de gâteaux moches. Ça ne sert à rien. Là vous voyez (il montre son portable), c'est un gâteau qui s'appelle carré blanc. C'est poire, sirop d'érable, airelle.

Est-ce que ça vous flatte si l'on poste vos desserts sur Instagram ?

Je suis content que les gens qui ont goûté et apprécié les desserts postent des photos sur Instagram. Vous avez vu que j'insiste sur la partie "goûter".

Quelle relation entretenez- vous avec les réseaux sociaux ?

Je n'ai jamais fait de tweet. Je vais sur Facebook une fois tous les tremblements de terre. Les deux seuls réseaux que j'utilise c'est Instagram et un peu Linkedin.

Vous networkez ?

Non. On poste des annonces quand on cherche du personnel.

Est-ce vous allez relayer mon article sur les réseaux en me taguant ?

Oui bien sûr !

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