Civilisation du cocon : l'humanité va-t-elle finir en pilou-pilou devant Netflix ?

  • Allons-nous tous finir en pilou-pilou devant notre télévision ?
    Allons-nous tous finir en pilou-pilou devant notre télévision ? Julia Gerasina / Getty Images
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Relaxnews

(ETX Daily Up) - La pandémie nous a privés de liberté. Pourtant, nous sommes à nouveau libres, mais nous avons tendance à rester dans notre zone de confort. Vincent Cocquebert décrit ce phénomène dans son ouvrage "La Civilisation du cocon", sorti aux Editions Arkhê en mars 2021. Le journaliste y analyse notre besoin de repli dans une société où l'altérité peut être vécue comme une véritable sécession. Au point de s'enfouir sous la couette pour l'éternité ? 

Vous avez commencé à travailler sur votre ouvrage quelque temps avant la pandémie. Observiez-vous déjà un repli sur soi ou est-il antérieur ? 

Selon moi, cela s'annonçait déjà dans les classes populaires des années 80. Durant cette décennie Thatcher/ Reagan, on a valorisé les valeurs de réussite individuelle, matérialiste, avec la promesse de la modernité et celle d'être le guide de sa propre vie. Sauf que cette promesse d'émancipation est difficile à atteindre chez toute une partie de la population. Alors, dès le début des années 80, on se replie dans son pavillon de banlieue, on jardine, on y reste. C'est l'amorce d'une tendance lourde dans le périurbain et dans les milieux ruraux. 

Maintenant que nous travaillons à nouveau depuis le bureau, nous nous sommes rendu compte que nous aimions les gens, mais pas trop, parce qu'ils sont bruyants, présents... bref humains.  

C'est ça qui est intéressant dans le rapport au télétravail. On l'apprécie, on le veut, mais il génère de l'anxiété, de la déprime et un sentiment d'isolement. C'est le piège de la civilisation du cocon : c'est un sentiment de sécurité factice qui rend le retour à la civilisation plus compliqué. "J'aimerais bien voir mes collègues tout en gardant cet espace, cette bulle". Dans tous les comportements qui ont à voir avec cette idée, on voit une dialectique entre l'intérieur et l'extérieur. Et ça génère des effets négatifs. 

Maintenant que nous sommes libres, avons-nous perdu l'esprit d'aventure ? 

Cet esprit qui existait dans les représentations dans les médias ou au cinéma où l'on avait Indiana Jones est peu à peu retourné au foyer, dans la culture nerd. Dans la culture pop, aujourd'hui, les super héros sont là pour nous protéger. Ils ont pris la place de l'aventurier qui n'existe plus. Je pense qu'il y a quelque chose à voir dans notre imaginaire avec la protection. Et puis, nous nous sommes rendu compte que nous étions loin d'être des super héros devant Netflix... 

Finir en pilou pilou chez soi, devant Netflix et avec des bougies, c'est ça le vrai cocon ? 

Globalement, il y a une aspiration au confort, au repli, à l'entre-soi. La pandémie et les confinements drastiques n'ont fait que renforcer ce sentiment avec cette injonction très paradoxale : isolez-vous au nom des autres, pour sauver l'humanité restez chez vous. Ca complexifie la possibilité d'un destin commun. On voit que certains tentent de voyager ou d'approcher une volonté de changement, mais la grande majorité de la population se vit comme une mini citadelle, dans une volonté de protection. 

Est-on vraiment plus en repli qu'avant ? 

Avant, on était structuré par de grandes institutions. On était obligé à l'altérité. On n'était pas côte à côte, on vivait ensemble. Même au niveau politique, on était dans la force du groupe. On n'y est plus du tout. C'est beaucoup plus difficile de s'insérer dans un collectif. D'où ce phénomène de repli. Même encore dans les années 80, on nous présentait le futur comme quelque chose de désirable. Avec la collapsologie, on n'est plus dans l'idée de conquérir demain.

Comment éviter le burn-out social cet été et à la rentrée ? 

Il faut comprendre que cette dynamique de protection permanente crée des notions perverses. Qu'elles soient professionnelles ou idéologiques. Nos bulles se multiplient sans que nous nous en rendions compte. On ne fait qu'augmenter le curseur. Cela fait monter notre anxiété, et descendre notre empathie. Il faut que nous apprenions à travailler sur nous, à sortir de nous pour réapprivoiser l'autre. 

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