Escrime : « Une plaie vraiment difficile à refermer » pour Alexandre Bardenet (Rodez)

  • Alexandre Bardenet : « Il y a de la déception, mais aussi l’excitation de pouvoir revenir plus fort. »
    Alexandre Bardenet : « Il y a de la déception, mais aussi l’excitation de pouvoir revenir plus fort. » Archives CPA - JLB
  • Florence Pinier va bientôt quitter la présidence du club.
    Florence Pinier va bientôt quitter la présidence du club. CPA - JLB
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Vincent Naël

Revenu bredouille des Jeux olympiques alors qu’il visait deux médailles, l’épéiste de 31 ans licencié à Rodez confie sa déception. Et aussi ses doutes sur les ambitions de l'Escrime Rodez Aveyron.

Comment avez-vous vécu vos premiers Jeux olympiques ?
Ces JO, qui ont eu lieu à huis clos, ont été très bizarres. Il y avait un vrai décalage entre l’engouement en France et ce qui se passait là-bas, où tout était mort, aseptisé. En temps normal, il y a la possibilité de sortir du village olympique pour décompresser, mais là, dans cette bulle, on macérait dans notre jus. Du coup, on est souvent resté dans notre chambre pour suivre les épreuves à la télé. Ça a peut-être joué sur mes performances.

Après votre élimination le 30 juillet en quarts de finale de l’épreuve d’épée par équipes, êtes-vous resté à Tokyo jusqu’à la fin des olympiades ?
Dès le lendemain, j’étais dans l’avion pour rentrer chez moi, à Paris. Après la désillusion de ces Jeux, qui m’ont beaucoup affecté, j’ai préféré me ressourcer seul à mon domicile. Beaucoup d’escrimeurs auraient aimé être à ma place, alors je suis anéanti de ne pas avoir performé. Heureusement, la délégation d’escrime ne revit pas le traumatisme de Londres (en 2012), où elle n’a décroché aucune médaille, et l’épée sort de sa disette puisque Romain Cannone a remporté, à 24 ans, ce qui est jeune dans notre discipline, le premier titre olympique en individuel depuis 1992 (et la victoire d’Erick Srecki).


Avec Yannick Borel et lui, vous n’avez pas atteint votre objectif collectif.
Romain est resté sur sa lancée en solitaire, mais c’est surtout Yannick et moi qui étaient attendus au vu de notre classement mondial (respectivement 9e et 12e) et de nos performances en Coupe du monde. Mentalement, on n’a pas su se reprendre après nos éliminations en individuel (dès le premier tour pour Borel, en huitième pour Bardenet). Yannick prend le dernier relais alors qu’on a deux touches d’avance face au Japon, mais il n’était pas en confiance alors que Koki Kano était en feu (défaite 45-44). Yannick nous a fait gagner tellement de fois qu’on ne peut pas lui en vouloir. Derrière, on a réussi à se remobiliser pour terminer cinquième après les matches de classement, mais ça ne remplacera jamais la déception de ne pas avoir su garder le titre olympique de 2016 (il n’était pas à Rio, mais est champion du monde par équipes en titre). C’est une plaie qui sera vraiment difficile à refermer, d’autant que par équipes, les fleurettistes masculins ont décroché l’or, puis les féminines et les sabreuses la deuxième place. Je suis très content pour eux, mais ça fait encore plus mal.

Vous visiez aussi une médaille en individuel.
Si je n’avais pas dit que j’y allais pour ça, on m’aurait pris pour un rigolo. Je pensais être sur une bonne dynamique après ma victoire face à l’Américain Curtis McDowald (15-12), mais en huitièmes, j’ai fait des fautes stratégiques et manqué d’énergie contre l’Italien Andrea Santarelli (11-15), qui a fini 4e de l’épreuve. Je l’avais battu largement en 2020 lors de la saison de qualification, où j’étais au maximum de mes capacités. Derrière, la fin prématurée de la saison à cause du Covid-19 a vraiment mis un coup d’arrêt à ma progression. J’ai encore du mal à m’en remettre parce que j’ai un jeu qui demande beaucoup de rythme. Aussi, le tort qu’on a eu, c’est de ne rester qu’entre Français durant la préparation. D’autres nations ont fait des stages entre elles, alors que le nôtre a été annulé à cause des restrictions sanitaires. Depuis un an et demi, je n’ai affronté quasiment aucun étranger, donc j’ai manqué de repères.

Désormais, quel est votre programme ?
Je recommencerai à m’entraîner à partir du 15 août, avant de reprendre le 6 septembre à l’Insep (Institut national du sport, de l’expertise et de la performance). On change d’entraîneur avec le retour d’Hugues Obry, qui était parti entraîner la Chine après avoir été notre coach de 2012 à 2016. On va faire beaucoup plus de volume avec lui, ça va être un challenge excitant de retravailler ensemble. La première manche de coupe du monde arrive fin novembre, à Berne (Suisse). Les autres se dérouleront toutes les deux semaines de janvier à avril, puis il y aura les championnats d’Europe en juin, avant les Mondiaux un mois plus tard. Mon gros objectif sera de décrocher ma première médaille en individuel lors de l’un des deux. On espère remettre l’épée française sur le devant de la scène avant les Jeux olympiques de Paris 2024, où il n’y aura que l’or qui nous intéressera.

Aimeriez-vous pouvoir quitter votre emploi pour vous concentrer uniquement sur l’escrime ?
Les sportifs qui participent aux JO se professionnalisent de plus en plus car le double projet est extrêmement difficile à réaliser. Je travaille pour une compagnie d’assurances et ça me prend beaucoup d’énergie en plus des entraînements, donc je suis vite cramé. En France, on a du retard par rapport à certaines nations qui permettent à leurs athlètes de ne vivre que de leur sport. Romain (Cannone) a fait le choix de mettre ses études de côté pour se concentrer uniquement sur l’escrime et on a vu le résultat… Si on veut réussir à atteindre les 80 médailles à Paris (l’objectif fixé en 2017 par l’ancienne ministre des Sports Laura Flessel), il va falloir que l’État nous en donne les moyens. Si on me propose un contrat, dans la gendarmerie par exemple, qui me permet de ne faire que de l’épée…

Ses doutes sur les ambitions de Rodez

Au moment d’évoquer l’Escrime Rodez Aveyron, où il est licencié depuis 2015, Alexandre Bardenet se montre critique : « J’y suis très attaché parce que c’est le club qui m’a aidé quand j’étais au plus mal, avant de me propulser dans le top 10 mondial de l’épée. On a remporté la coupe d’Europe un an après mon arrivée, un exploit gigantesque par rapport à nos moyens. Mais là, ça fait quelques années qu’on bidouille et aujourd’hui, le club n’a plus une politique de haut niveau. »
Le Nordiste pense notamment au départ d’Aymerick Gally (87e mondial) à Beauvais et à la prise de recul de Jonathan Bonnaire (105e), remplaçant de l’équipe de tireurs cette saison. « Comme on a enlevé deux titulaires sur trois, je me retrouve désormais leader avec Mathias Biabiany (141e), souffle le 12e mondial. Actuellement, Saint-Gratien, Levallois et Beauvais sont devant nous dans le quatuor de tête des meilleurs clubs français, donc il va falloir trouver des moyens pour les concurrencer. »
Le vice-président de l’Era justement chargé du haut niveau, Jean-Michel Goubert, le rassure : « On a un accord de principe avec l’Ukrainien Roman Svichkar (26e mondial). C’est un épéiste qui avait déjà fait une pige avec nous. Un tireur français, il faut le payer toute la saison s’il n’est pas sélectionné par la fédération en compétition internationale alors que notre recrue, on va la rémunérer uniquement sur trois week-ends de championnat de France. On aurait préféré garder Aymerick il y a un an, mais on n’avait pas les moyens… »
« C’est dommage que les collectivités ne soutiennent pas davantage le club, alors qu’on a quand même été champion d’Europe, pointe Alexandre Bardenet. L’interdiction des emplois d’avenir l’a fragilisé, mais pendant les confinements, les dirigeants de l’Escrime Rodez Aveyron n’en ont pas assez fait. Par exemple, j’ai proposé à la présidente (Florence Pinier) de lancer une collecte de fonds sur Internet et de faire don d’un bon d’équipements premium au club pour les soutenir. Elle était d’accord, mais n’est jamais revenue vers moi. Résultat, le bon a périmé et je ne peux plus le commander... »
Florence Pinier reconnaît son erreur : « Je suis vraiment désolée de ne pas avoir été au bout de ces démarches. Pendant les confinements, j’avoue m’être plus occupée de ma famille que du club. J’ai d’ailleurs déménagé en Charente pour raisons professionnelles, donc je vais quitter la présidence, que j’occupe depuis presque deux ans, lors de notre prochaine assemblée générale, en septembre ou en octobre. »
L’épéiste phare de l’Era attend aussi une revalorisation de sa prime, car en dessous « de celle que touche ceux de mon niveau », lui qui fait « des efforts » sur le plan financier depuis un moment. « Il ne le sait pas, mais on a payé 3 800 euros de charges pour qu’il puisse toucher une subvention de 5 000 du conseil départemental », répond Jean-Michel Goubert. Alexandre Bardenet conclut : « Je ne les lâcherai pas pour les prochaines années parce que je veux gagner une nouvelle coupe d’Europe avec eux. »

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