Sud-Aveyron : une sulfureuse librairie crée la polémique sur les marchés

  • Des livres du polémiste  Alain Soral sont en vente.
    Des livres du polémiste Alain Soral sont en vente.
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Midi Libre

Son jeune propriétaire a eu une altercation, à Saint-Affrique, avec des anti-pass sanitaire.

Rien d’illégal. Rien d’interdit. Pour autant, certains ouvrages vendus par la discrète librairie ambulante Cassus Belli, qui s’installe régulièrement à Saint-Affrique, Millau et Saint-Rome-de-Tarn, "sont clairement subversifs", de l’aveu même de Martin Hippolyte, jeune marchand au cœur d’une vive polémique. Sur son stand, l’idéologue classé à l’extrême droite Alain Soral – condamné à plusieurs reprises pour incitation à la haine raciale, diffamation ou injures – occupe une place de choix, tout comme sa maison d’édition Kontre Kulture.

"Aucun livre n'était interdit à la vente"

Jusqu’au début du mois d’août, Cassus Belli fréquentait le jardin public de la Vilotte, les samedis matin, à l’occasion des puces hebdomadaires. La mairie, organisatrice du vide-greniers, a d’abord été alertée. "Nous avons reçu un e-mail le 3 ou le 4 août, via le site de la Ville, se remémore Laurent Tabutin, le directeur général des services. Nous avons tout de suite alerté la sous-préfecture et la gendarmerie. Cette dernière a contrôlé l’exposant. Aucun livre n’était interdit à la vente…"

Dans un communiqué, le collectif Saint-Affrique antifasciste a lui aussi interpellé directement la municipalité. "Après les parades néonazies au Rial, cet hiver ; après la tribune offerte au désinformateur d’extrême droite Louis Fouché, le 12 juin, dans un parc de la ville ; devons-nous aujourd’hui souffrir de voir de la propagande raciste diffusée chaque samedi dans un événement organisé par la mairie de Saint-Affrique ?" ont interrogé les signataires, dont le syndicat Sud et le planning familial.

Il se défend point par point

Finalement, samedi 7 août, des militants opposés au pass sanitaire, dont des membres de l’Amassada, mouvement né de la lutte contre le méga transformateur électrique de Saint-Victor, sont intervenus, en marge des préparatifs pour leur action de l’après-midi. Un coup de pied a mis au sol tout le présentoir du vendeur. Selon ce dernier, "155 € de livres" auraient aussi été dérobés. "Ils ont discuté, se souvient un témoin de la scène. Sur l’antisémitisme, il a tout nié. En revanche, concernant la famille, il était très "un papa, une maman, les enfants, c’est la nature". Lui et sa compagne sont clairement des militants. Ils utilisent les techniques de Soral, dont le confusionnisme. Et ils mélangent les œuvres pour brouiller les pistes. La semaine suivante, à Saint-Rome-de-Tarn, ils avaient du Bakounine (théoricien de l’anarchisme et philosophe russe) et du Sankara (révolutionnaire socialiste burkinabé)."

Le principal intéressé, rencontré ce vendredi 20 août, au marché de Millau, se défend point par point : "Je ne suis pas militant, mais bien sûr que je partage les idées d’Égalité et réconciliation et d’Alain Soral. Mes livres sont mon activité professionnelle. Pour l’instant, j’ai beaucoup de bouquins de Kontre Kulture, parce qu’avec le peu de moyens et de stock que j’ai, c’est la seule maison d’édition qui me fait une bonne marge. Je peux en vivre raisonnablement."

"Je ne suis pas négationniste ou antisémite"

Et sur son appartenance à l’extrême droite ? "Alain Soral ne se revendique pas d’extrême droite. Les gens de sa mouvance viennent de tous les bords politiques. Moi, je viens de l’extrême gauche. Lui a été communiste avant d’aller au Front national. Il a trouvé que le FN racialisait la question sociale. C’est pour ça qu’il a monté sa propre association, qui se veut "gauche du travail et droite des valeurs". Valeurs traditionalistes, dans le sens où l’on essaye de se reconnecter à nos racines françaises. Et gauche du travail, avec une conception marxiste, selon laquelle le propriétaire bourgeois spoile le travailleur. Mais aussi avec un peu de spiritualité. On ne peut pas mener un combat politique en mettant de côté le divin. Et je ne suis pas négationniste ou antisémite. Je ne vends d’ailleurs aucun livre qui remet en question quelque histoire que ce soit."

Martin Hippolyte assure qu’il reviendra à Saint-Affrique et qu’il continuera de s’installer sur le marché de Millau : " Je ne vends pas que des bouquins. J’apporte autre chose, du dialogue, de l’ouverture. Je joue du saxophone. J’ai 80 % des personnes qui sont contentes et qui m’encouragent. Mais il y a aussi des gens très obtus. Le but de mon stand, c’est de créer de l’émulation. Que les gens se sentent impliqués. Qu’ils réagissent. Qu’il y ait du débat. Qu’ils se positionnent. En fait je suis très content quand ils (les antifascistes) viennent. Sauf quand ils défoncent mes bouquins ou qu’ils les volent. "

Le libraire a d’ailleurs annoncé qu’il allait porter plainte.

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