"L'alimentation durable, c'est tout sauf une nourriture de la contrainte" (Marie-Laure Fréchet)

(ETX Daily Up) - C'est décidé, vous allez agir pour la planète ! Première étape : votre assiette. Vous avez bien entendu parler d'alimentation durable, mais vous confessez éprouver des difficultés à y associer de véritables actions concrètes. Avant de passer à l'action, il faut connaître l'origine des produits du panel alimentaire afin de choisir en conséquence et en conscience le contenu de votre repas. Un travail de longue haleine que signe la journaliste culinaire Marie-Laure Fréchet pour les éditions Flammarion, prenant la forme d'une encyclopédie, publiée ce mercredi 20 octobre. 

Vous êtes à l'initiative du projet. Comment a germé l'idée d'une encyclopédie dédiée à l'alimentation durable ? 

J'ai signé précédemment chez Flammarion une encyclopédie du pain. Lors de ce travail, j'ai découvert que derrière un aliment aussi basique pouvaient se cacher de multiples ingrédients dont les qualités pouvaient être très différentes selon l'origine. De la même manière que j'ai appris à comprendre d'où provenaient les diverses farines, j'ai souhaité passer au crible tous nos aliments pour ce nouveau livre. Je me suis interrogée sur la manière dont les consommateurs pouvaient s'informer au sujet de leur alimentation. Ayant conscience qu'ils n'ont pas accès à tous les canaux d'information, je me suis rendu compte qu'ils n'avaient pas d'autres choix que de faire confiance à ceux qui les nourrissent, quels qu'ils soient...

Et s'ils vous demandaient de définir le plus simplement ce qu'est l'alimentation durable...

Bon pour nous, bon pour la planète. Bon, nutritionnellement parlant, mais aussi dans le sens savoureux. L'alimentation durable, c'est tout sauf une nourriture de la contrainte. Bon pour l'environnement aussi. On ne peut plus ignorer les problèmes environnementaux qui se posent aujourd'hui. 

Au fil des pages, vous exposez de manière factuelle et chiffrée chaque pan de notre alimentation, depuis les diverses variétés de sel aux différentes techniques de pêche. Est-ce que l'alimentation durable ce n'est pas finalement manger en conscience et assumer ses choix alimentaires à partir du moment où on sait ce qu'on mange ?

Je ne voulais pas être dans l'injection et dire aux lecteurs "mangez bio ! Arrêtez la viande !". Je ne pense pas qu'avoir des positions tranchées soit le meilleur moyen d'expliquer ce qu'est l'alimentation durable. J'ai préféré suivre un exercice d'exposition pour que les consommateurs aient toutes les cartes en main. Quand on est informé, c'est facile de choisir le contenu de notre assiette. C'est difficile de sélectionner un produit lorsque les emballages sont obscurs. Mais, si l'on prend conscience de l'origine des aliments, ce n'est plus une corvée de décortiquer les étiquettes et de choisir ce que l'on mange. C'est d'autant plus important d'expliquer les choses quand les consommateurs sont noyés dans une masse d'informations.

Souvent, dans le langage courant, pour évoquer une alimentation durable, on parle aussi bien d'agriculture bio que d'agriculture raisonnée ou d'agriculture durable. Pourtant, ce n'est pas exactement la même chose. Quelles sont les différences ?

Les pesticides ne sont pas totalement exclus d'une agriculture raisonnée. Cependant, le producteur a recours à des produits de façon très ponctuelle et très ciblée. Une agriculture durable, c'est davantage une façon d'agir pour éviter de détruire les sols, respecter la biodiversité, mais aussi l'humain pour que le producteur soit rémunéré justement et que les traditions culturelles soient préservées. On retrouve la notion de ce qui est équitable.  

Manger durable demande et impose un certain effort financier. Les prix plus élevés de produits bio ou locaux n'empêchent-ils pas les consommateurs de changer durablement leurs habitudes alimentaires ? 

C'est un choix. La société de consommation nous a fait totalement oublier que manger de qualité avait un prix. On est exposé à une immense variété de produits alimentaires qui n'existaient absolument pas dans les années 50. On mange tous trop. Notre réfrigérateur déborde. Si nous observions une alimentation bien plus raisonnée, on se dégagera très certainement un tout autre budget qui nous permettrait d'acheter des aliments - certes plus chers, mais meilleurs.  

Il faut donc commencer par revoir totalement nos besoins alimentaires...

C'est la raison pour laquelle le chapitre pratique du livre démarre par des conseils pour faire ses courses. Changer ses habitudes alimentaires, cela passe aussi par apprendre à conserver convenablement une carotte que l'on a pris le temps d'aller chercher chez un producteur. C'est bien de mesurer la température de son frigo de temps à temps pour être sûr qu'elle se situe à 5°C. De la même manière, il s'agit aussi de choisir un mode de cuisson adapté pour optimiser sa consommation. 

Et vous passez même en revue les différents matériaux de nos ustensiles de cuisine. S'il fallait n'en choisir qu'un pour retenir le plus respectueux de l'environnement ? 

La cocotte en fonte. C'est le matériau qui dure trois générations et sa cuisson est géniale. 

Vous n'omettez pas d'évoquer l'alimentation de demain en donnant les exemples d'une pizza en 3D ou de la production de viandes in vitro. Une alimentation durable, est-ce que c'est aussi une alimentation qui saura évoluer et vivre avec son temps en intégrant de nouveaux modes de consommation ?

Je ne suis pas certaine que nous nous acheminons vers une alimentation plus technologique. Les progrès techniques faciliteront surtout la production de notre alimentation. En agriculture par exemple, des machines automatisées sont actuellement à l'étude pour reconnaître les mauvaises herbes sur les champs de culture de pommes de terre, ce qui invite les agriculteurs à utiliser moins de pesticides. Bien sûr, il existera toujours des industriels qui auront l'idée de nous proposer des pains plus nutritifs, des capsules d'aliments ou des poudres de perlimpinpin à avaler sur le pouce. 

L'Encyclopédie de l'alimentation durable, Marie-Laure Fréchet, Bérengère Abraham, Valérie Lhomme, Flammarion, parution le 20 octobre, 35 euros