Millau : humour, politique, projets... entretien avec Sophia Aram avant sa représentation ce soir
Dans le cadre de sa tournée pour son spectacle À nos amours, Sophia Aram fait une halte à Millau ce vendredi 22 octobre, 20 h 30, au théâtre de la maison du Peuple.
L'école, les religions, les extrêmes, maintenant l’égalité femmes-hommes… Qu’est-ce qui motive vos choix de sujet pour vos spectacles ?
C’est une question de moment je pense. Le premier, on se jette un peu dans le vide. Je m'étais autorisée à parler de ce que j’avais vraiment envie à travers un hommage à l’école que j’ai tant aimée. Les religions, c’est une question d’instant. Avec mon compagnon [également co-auteur des spectacles de Sophia Aram, NDLR] nous formons un couple mixte. Nous sommes issus de cultures et de religions différentes et ça nous amusait de raconter ça en renvoyant dos à dos les trois religions monothéistes. Le troisième, sur la montée de l’extrême droite et de l’islamisme radical, a été le plus difficile à écrire parce qu’il y a eu les attentats de Charlie Hebdo et les attentats de novembre 2015, qui ont marqué un arrêt total dans l’écriture. En cette période, c’était difficile de décider de ce dont on allait parler et on a l'a fait en actualisant le spectacle sans cesse.
Pour l’écriture du dernier, nous étions en plein dans la période #MeToo et avec mon compagnon, l’étonnement qu’a suscité cette vague #MeToo, nous a surpris. Donc on voulait raconter que ce sexisme était là depuis toujours.
Pourquoi choisir une seule thématique par spectacle ?
Ça se fait naturellement. Après, on peut aborder plein de choses parce qu'il y a plein de sujets dans le sujet. Je trouve que s’imposer une thématique cela nous permet de lire des ouvrages, de se renseigner plus profondément et c’est intéressant de développer un thème. Jusque-là, ça nous a plutôt inspirés de faire comme ça.
Si les femmes ne se rendent pas compte elles-mêmes qu'elles peuvent véhiculer des a priori sexistes à leurs enfants et dans leurs attitudes, alors le problème ne se réglera pas.
Pour vous, le sexisme n’est pas qu’une affaire d’hommes, mais aussi de femmes. Pourquoi le souligner ?
Si on ne fait pas les bons constats, on n’apportera pas les bonnes réponses à ce problème. Il faut quand même regarder notre part de responsabilité, sans dire que c’est de notre faute. C’est un combat de femmes et d’hommes pour une société plus juste et plus égalitaire. Il y a des études sur les questions les plus fréquemment posées à propos des enfants sur les moteurs de recherche, la plupart du temps, c'est un public féminin et, les questions qui ressortent le plus sont, à égalité, mon fils est-il surdoué ? Et ma fille est-elle en surpoids ? Donc cela montre que l'on ne se préoccupe pas des mêmes choses en fonction du sexe de l'enfant. Et si les femmes ne se rendent pas compte elles-mêmes qu'elles peuvent véhiculer des a priori sexistes à leurs enfants et dans leurs attitudes, alors le problème ne se réglera pas.
Votre spectacle s'appelle À nos amours. Quels sont les vôtres ?
C'est difficile de répondre comme ça, j'en ai plein, je ne suis qu'amour. Je vais d'abord citer mon compagnon, mon enfant, ma famille, mes proches, mon chien et puis les relations humaines. J'adore le métier que je fais parce qu'il me permet de faire des rencontres extraordinaires et puis tout ce qui dans la vie me permet de rencontrer des gens auxquels je n'aurais pas eu accès, je le chéris. Une conversation avec quelqu'un dans le bus va me mettre en joie, j'aime les rencontres. Je rencontre aussi des connards, mais ce n’est pas grave, ça m'apprend. Tout ce qui m'apprend sur l'humain me donne l'impression de m'enrichir.
Je préfère être honnête que de me cacher derrière une pseudo-neutralité
Vous êtes de gauche, athée, féministe. Pourquoi est-ce important pour vous de le revendiquer ?
Ce n'est pas une revendication. C'est simplement un souci de transparence. Je ne crois pas beaucoup à la neutralité, je crois plus à la transparence. Je préfère que les gens sachent d'où je parle. Évidemment, mon point de vue est conditionné par ce que je pense et par les idéologies auxquelles j'adhère. Donc je préfère être honnête que de me cacher derrière une pseudo-neutralité.
Si vous aviez le pouvoir d'élire une personne à la présidence, qui serait-elle ?
Oh, je suis incapable de choisir aujourd'hui. Je sais qui je ne voudrais pas : ça, c'est sûr. Puis je refuserais ce pouvoir, car je crois beaucoup en la démocratie et je fais le pari de l'intelligence collective. En plus, je ne crois pas vraiment en la personne providentielle, ce sont les idées qui m'intéressent, que ce soit untel ou une telle je m'en fiche un peu. J'attends de lire les programmes et de voir ce qu'il y a dedans. Aujourd'hui, à ce stade, personne ne peut me faire rêver sur sa simple personnalité. Le projet m'intéresse beaucoup plus.
Vous pensez qu'un projet pourra rassembler la gauche ?
J'espère qu'ils bossent suffisamment pour ça en tout cas. Je pense que le travail ça aide, je crois beaucoup au travail. S'ils bossent, s'ils consultent, s'ils vont voir les gens, s'ils écoutent, s'ils réfléchissent aux problèmes... Vous savez, je ne les fréquente pas, je les vois seulement le matin à la radio donc je ne sais pas comment ils travaillent le reste du temps. En tout cas, j'espère qu'ils ont déjà des bases d'un projet pour gouverner ce pays.
Vous avez sorti un livre La question qui tue, qui traite des petites phrases maladroites qui peuvent blesser. Pour vous, quelle est LA phrase qui tue ?
Il y en a plein. Pour moi, ce livre, c'était une façon de dire aux gens : mesurez les préjugés qu'il peut y avoir dans vos remarques. Et puis, je voulais aussi dire à ceux qui reçoivent ces questions qui tuent de les prendre pour ce qu'elles sont, c’est-à-dire de la bêtise, de la connerie. Moi, ces préjugés je les démonte, je ne souffre pas de ces remarques mais, à un moment, c'est toujours au même endroit et ça pique un peu. Et aussi c'était l'occasion de se questionner sur nous, sur les préjugés que l'on porte, les questions qui tuent que l'on peut véhiculer.
Pour venir à Millau, Fabienne ma régisseuse et moi, nous savons très bien que nous allons chanter, on adore ça.
Chroniqueuse sur France Inter, humoriste, écrivaine... Un autre art auquel vous voudriez-vous essayer ?
J'adore chanter et je chante sur scène. Ça, c'est le truc cool quand on est humoriste, on fait un peu ce que l'on veut. Et puis, même si je ne chante pas très bien, je suis humoriste pas chanteuse, donc on m'excuse. Aussi, je chante très facilement en voiture. Pour venir à Millau, Fabienne ma régisseuse et moi, nous savons très bien que nous allons chanter, on adore ça.
Et je suis touche à tout, je ne m'interdis rien, j'essaye d'aller là où j'ai envie d'aller. J'ai déjà fait un peu de cinéma, notamment dans Neuilly sa mère, sa mère ! Et là, je joue un petit rôle d'un grand personnage, Gisèle Halimi, dans le film Flashback, de Caroline Vigneaux. Petit rôle mais pour lequel j'ai dû apprendre la plaidoirie sur l'IVG qu'elle avait réalisée à Bobigny. J'étais très intimidée, très impressionnée et très humble par rapport à ce rôle et c'était vraiment chouette à faire. J'ai été très touchée que Caroline Vigneaux pense à moi pour ce rôle, ça m'a fait très plaisir et j'ai aimé le faire. D'ailleurs, il est en ligne sur Amazon Prime dès ce soir.
La tournée se termine en décembre, Millau est l'une de vos dernières dates. Des idées pour la suite ?
Je suis contente qu'on y arrive enfin parce que je l'attendais avec impatience cette date à Millau. Elle a été reportée pour cause de pandémie et je suis très contente de la ténacité de Stéphane [Chatellard, directeur du théâtre de la maison du Peuple] parce que cela m'aurait vraiment embêtée de ne pas pouvoir venir à Millau.
Une fois ma tournée terminée, je vais me lancer sur la création du prochain spectacle. Je n'annonce rien, car je me laisse la possibilité de changer d'avis. J'ai plein d'envie, mais rien d'arrêté. Je vais pouvoir me consacrer à la phase de création qui est aussi un moment hyper intéressant.
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