Né à Rodez d'une relation entre un curé et sa bonne, un octogénaire témoigne de sa "colère"
Le rapport Sauvé, faisant état de la pédocriminalité au sein de l'église, a fait couler beaucoup d'encre. Il a réveillé des souvenirs et donné envie à Jean-Marie de parler de sa filiation. "Fils d'une soutane", fils de la bonne du curé, le Ruthénois a fermé la porte à l'Eglise, mais sa colère reste vivace.
"Je n'attends rien de l'église, je veux dire la vérité. Je suis écœuré par les comportements de tous ces curés". Pour Jean-Marie*, âgé aujourd'hui de 84 ans, la colère est toujours là, intacte. Le Ruthénois est un enfant de la Dass, né sous X. Pendant longtemps, il a cru qu'il était "seulement" orphelin, jusqu'au jour où il s'entend dire "ton père est une soutane". Fils de curé ! "J'ai pris une claque, j'étais assommé", se souvient Jean-Marie.
"Depuis le rapport Sauvé, on parle beaucoup de pédocriminalité et d'abus sexuels dans l'église. C'est bien. Mais je trouve qu'on ne parle pas assez de tous ces enfants nés de la relation de prêtres et de bonnes, ou de sœurs et qu'on a jeté, rejetés", affirme Jean-Marie.
C'est à l'âge de 7-8 ans qu'il apprend qu'il est enfant de la Dass. À l’époque, les orphelins étaient soignés à l'hôpital Combarel, au pavillon de l'enfance Jean-Moulin. "J'étais aussi enfant de chœur à la chapelle de l'hôpital. Un peu plus tard, des gens m'ont dit, c'est elle ta mère, mais interdiction de t'en approcher ! On portait le même nom ". Le petit Jean-Marie surveille de loin et dans la douleur, les allées et venues de sa mère, située à quelques mètres de lui. "Elle travaillait à la buanderie de l'hôpital Combarel", précise le Ruthénois.
Sa mère accouche clandestinement
Et c'est justement parce qu’il ne portait pas le même nom que "ses parents nourriciers", qu'il débute ses recherches à l'âge de 20 ans. "J'ai retrouvé des traces à la Dass, mais sans avoir accès à mon dossier". Bien avant, et à l'âge de 14 ans, l'adolescent avait commencé à travailler comme domestique dans une ferme sur le Nord Aveyron. Ses parents adoptifs étaient originaires de Coussergues. La question de sa paternité le poursuivra comme une obsession. Au gré de ses recherches, il se fait confirmer qu'il est bien né de "la bonne du curé". "Plus tard, un député me dira même que mon père n'était pas un simple curé, mais bien plus". Jean-Marie apprend également que sa mère est originaire de Mende (en Lozère) et qu'elle est venue accoucher clandestinement à Rodez. "Quand elle est décédée, j'ai retrouvé sa trace au cimetière de Rodez, enterrée dans une fosse communale".
Après le travail à la ferme, le jeune homme entre comme "pion" à Sainte-Marie, rue Béteille. Il travaille ensuite comme opérateur au Club (à Saint-Cyrice) tenu par les curés, à l'époque. Plus tard, il se retrouve à un poste à l'imprimerie "Coopim", également tenue par les curés. "Une fois par semaine, on allait faire une projection à Cayssiols", se souvient Jean-Marie. "Après coup, quand j'ai fait toutes mes recherches, je me suis aperçu que j'ai fait toute ma carrière dans des secteurs tenus par les curés. À chaque fois que je frappais à une porte, on me l'ouvrait facilement. J'ai eu comme l'impression que quelqu'un avait donné des instructions".
Avec son témoignage, Jean-Marie voudrait que d'autres soulèvent cette question, qu'ils en parlent ouvertement. Aujourd'hui encore, il s'insurge contre l'omerta, au sein de l'église. Mais paradoxalement, il souhaite garder l'anonymat. Ce Ruthénois impliqué dans la politique, à droite, dit vouloir éviter d'impacter sa famille, ses enfants, petits-enfants et ses arrière-petits-enfants, même si la chappe de plomb lui coûte encore.
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