Nationaliser les autoroutes, "une fausse bonne idée" pour l'universitaire Jean-François Calmette
L'État a-t-il encore le savoir-faire en matière de gestion du système autoroutier français ? Alors qu'une éventuelle nationalisation du réseau s'invite dans le débat politique, que certains candidats à la présidentielle 2022 ont choisi ce thème pour lancer leur campagne, la question est plus que jamais d'actualité. Jean-François Calmette, maître de conférences à l'université de Perpignan et originaire de Toulouse, interrogé par L'Indépendant, a étudié le lien qui unit l'État et les autoroutes depuis la moitié du XXe siècle. Il répond à la question dans son ouvrage qui vient de paraître "Les autoroutes, une affaire d'État".
"Les sociétés de gestion des autoroutes se gavent ! Elles font leur beurre sur notre dos, les tarifs sont exorbitants". Les propos des usagers sont récurrents et toujours critiques. Mais sont-ils fondés ? Une nationalisation du réseau pourrait-elle déboucher sur une baisse des tarifs ?
"Pour commencer, il faudrait parler de REnationalisation, sourit Jean-François Calmette. Dans les années 1950, quand on construit les premières autoroutes, les sociétés de gestion sont publiques et très peu nombreuses, tout comme les infrastructures qu'elles administrent. Dès 1970, l'importance de la rapidité des liaisons s'impose, il faut passer d'un réseau en étoile à une toile d'araignée. Mais les travaux vont coûter cher, très cher. Il faut les débudgétiser. Donc faire appel au privé pour financer le projet. En fait, les entreprises utilisent des emprunts garantis par l'État. Peut-on encore parler de désengagement gouvernemental, interroge l'auteur, d'ailleurs il a dû racheter certaines concessions."
En 2006, Dominique de Villepin va à nouveau privatiser. Il faut remettre de l'argent dans les caisses nationales, réduire la dette. Voilà pour l'Histoire.
Mais tout ceci ne nous dit pas si les tarifs appliqués sont "justes".
"Il faut se poster au-delà du concept tarifaire, interpelle Jean-François Calmette, admettons que l'usager pourrait être perdant en termes de prix, mais il est sans aucun doute gagnant en matière de sécurité. Arrêtons les stéréotypes tels "ils se sont gavés". Pensons qu'ils doivent faire face à l'agrandissement, la réfection, les salaires et la redevance domaniale car les terres appartiennent à l'État. L'augmentation en rapport à l'inflation a été entérinée par le Conseil d'État, elle est donc légale, mais quid d'un point de vue moral ? Les bénéfices font partie de la vie de l'entreprise, mais ils sont très élevés..."
"Des avantages ? Je n'en vois pas"
Pour l'universitaire "nationaliser serait une fausse bonne idée." Un travail titanesque pour peu ou pas de bénéfices.
"Il faut faire un bilan coût-avantage. Or le coût du dédommagement des opérateurs se chiffrerait en milliards. L'État perdrait aussi les redevances domaniales. Ce qui prime à mon sens c'est un contrôle plus important par l'autorité de régularisation des transports (ART), associé à une transparence réelle afin d'éviter les conflits d'intérêts, de voir des politiciens nommés dans les conseils d'administration. Et puis, je suis sceptique quant au savoir-faire de l'État en matière de gestion de cet outil. Ne l'a-t-il pas perdu à force d'externalisations ? Des avantages ? Je n'en vois pas".
En conclusion, "une baisse des tarifs, voire une gratuité par nationalisation serait payée par nos impôts".
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