Pourquoi les peintures de l'Aveyronnais Pierre Soulages affolent-elles les salles des ventes ?

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  • Pierre Soulages lors d’un de ses passages au musée qui porte son nom à Rodez.
    Pierre Soulages lors d’un de ses passages au musée qui porte son nom à Rodez. Centre Presse Aveyron - José A. Torres
Publié le , mis à jour
Guilhem Richaud

Lors des dernières ventes aux enchères, les tableaux du peintre aveyronnais sont partis bien au-dessus des estimations. Une tendance qui ne devrait pas ralentir dans les prochains mois tant le nombre d’acheteurs intéressés est important.

La vente est déjà annoncée comme un potentiel futur record. Le 16 novembre 2021, à New York, Sotheby’s mettra en vente un œuvre de Pierre Soulages datant de 1961. Celle-ci, mesurant 195 x 130 cm, est estimée entre 8 et 12 millions de dollars (entre 6,91 et 10,37 millions d’euros) et est vue, par beaucoup de spécialistes, comme celle qui va faire tomber le "record" de la toile de Soulages la plus chère.

Le marché plus que porteur

Il faut dire que depuis quelque temps déjà, le marché de la revente des œuvres du peintre aveyronnais est plus que porteur. Cette année, trois toiles sont déjà parties à des prix bien au-dessus des estimations annoncées. En janvier, à Caen, un tableau qui appartenait à Léopold Sédar Senghor, estimé à 600 000 € a été vendu pour 1,21 M€. En avril, à l’hôtel des ventes de Montpellier, une toile affichée entre 500 000 et 800 000 € est partie à 1,3 M€, et enfin, fin octobre, c’est à 2,48 millions d’euros, soit plus du double de l’estimation basse, que s’est vendue, chez Christie’s à Paris, un outrenoir de 1990.

Ce n’est pas une surprise pour Paul Nyzam, spécialiste senior en art contemporain chez Christie’s justement. C’est lui qui a géré la dernière vente et il connaît parfaitement le marché. "Il faut être prudents avec les estimations présentées dans les catalogues de ventes, assure-t-il. C’est un signal de la maison de ventes au marché. Une bonne estimation doit être attractive pour donner envie à un public le plus large possible de participer aux enchères. Pour le tableau que l’on a vendu le 21 octobre dernier, on a beaucoup réfléchi avec le propriétaire. On savait qu’il valait plus qu’1,2 M€. Mais en démarrant à ce prix-là, on suscite beaucoup d’intérêt et de plaisir chez les enchérisseurs. On s’est retrouvé avec huit prétendants pour cette vente."

Les acheteurs asiatiques arrivent sur le marché

Huit candidats potentiels qui viennent du monde entier. Car c’est aussi une des raisons pour lesquelles le "cours" du Soulages s’envole : le marché est mondialisé. "Soulages est clairement considéré comme sorte mythe de la peinture du XXe siècle, reprend l’expert. C’est un artiste qui produit depuis les années 1940 et qui s’exporte très bien. Son travail a longtemps suscité beaucoup d’intérêt ici en France et en Europe, mais il a également été très tôt reconnu, apprécié, collectionné et exposé par les Américains. Le fait qu’il ait travaillé avec le marchand d’art américain Samuel Kootz a grandement contribué à la promotion de son travail outre-Atlantique. On retrouve beaucoup de ses tableaux de la fin des années 1950 et du début des années 1960 dans des collections privées américaines ou des musées. Dès le départ ses œuvres ont été appréciées des deux côtés de l’Atlantique ce qui lui a donné une cote internationale."

Une clientèle asiatique

Mais depuis cinq ans environ, de nouveaux acheteurs sont apparus sur le marché. Il s’agit d’une clientèle asiatique. "Ils sont venus élargir le marché, reprend Paul Nyzam. On observe un appétit grandissant pour les œuvres de Soulages de ce côté-là du monde, ce qui n’était pas forcément le cas avant. Et on ne parle pas simplement d’acheteurs de Hong Kong où de Taïwan, qui sont les deux places les plus importantes du marché asiatique. Des œuvres se sont aussi vendues ces derniers temps à des Chinois, des Coréens, des Japonais, des Thaïlandais. Nous avons aussi eu des enchérisseurs des Philippines, de Singapour ou d’Indonésie."

Une évolution relativement nouvelle liée à l’amitié entre l’artiste aveyronnais et le Chinois Zao Wou-Ki. Né un an après Soulages, en 1920 (décédé en 2013), ce dernier, qui a obtenu la nationalité française en 1964 a rencontré Soulages dans la capitale à la fin des années 1940. "Ils se sont tous les deux retrouvés comme peintres ayant émigré à Paris, l’un de l’étranger, l’autre de province et y ont trouvé un terrain d’expression formidable, détaille l’expert de chez Christie’s. Ils ont beaucoup voyagé ensemble et avaient le même marchand d’art aux États-Unis. Zao Wou-Ki a actuellement une belle cote sur le marché asiatique et par effet de capillarité, les acheteurs se sont intéressés aux tableaux de Pierre Soulages."

Il y a plus de demande que d’offre

Si le marché est si dynamique, c’est qu’il y a suffisamment d’œuvres qui circulent, sans pour autant qu’il y ait saturation. "Au regard de la durée de production de Pierre Soulages, on voit des tableaux circuler, mais il y a davantage de demande que d’offre, analyse Paul Nyzam. Cela contribue à la progression des prix. Et même s’il continue à produire encore un petit peu, la quantité de tableaux disponibles ne va pas exploser et sera toujours la même. Comme la demande, elle, grandit, les prix augmentent." Un mécanisme classique de l’économie de marché, qui rappelle que l’art reste un business comme les autres.

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