Aveyron : comment la ganterie du Pays de Millau file sa route vers l’Unesco

  • Olivier Fabre est à l’initiative du projet né en 2015.
    Olivier Fabre est à l’initiative du projet né en 2015. Célian Guignard
Publié le , mis à jour
Jennifer Franco

Maître gantier depuis quatre générations dans la cité du gant, il est l’initiateur et le président de l’association porteuse du projet de candidature au Patrimoine mondial immatériel de l'Unesco. Plongée dans les coulisses d'un long parcours du combattant. Explications.

L’association Sauvegarde du patrimoine culturel immatériel (PCI) en Pays de Millau, créée spécifiquement en 2019, porte la candidature de la ganterie à l’Unesco. Elle ambitionne de pouvoir déposer le dossier en 2023. Le projet, qui s’étend sur six départements, dépasse le seul périmètre d’un savoir-faire régional pour prendre en compte la filière dans son intégralité.

La zone géographique du Pays de Millau.
La zone géographique du Pays de Millau. Infographie Midi Libre

Comment est née cette ambitieuse idée ?

Il s’agit d’une candidature de patrimoine vivant. Tout a commencé en juin 2015, avec la visite, à Millau, de Daniel Janicot, alors président de la Commission nationale française pour l’Unesco. Cette visite a été le déclencheur. Il a beaucoup aimé la ville, le territoire, les entreprises de savoir-faire liés à la peau et au gant. En novembre de la même année, il m’a octroyé un rendez-vous avec Bruno Favel, le directeur des Affaires européennes et internationales au ministère de la Culture en charge de tout ce qui concerne le patrimoine mondial et les projets Unesco.

Nous avons continué à échanger durant un an et demi. C’est en 2017, qu’il m’a dit de prendre contacte avec Jean-Pierre Leleux, sénateur des Alpes-Maritimes qui comportait la candidature au PCI des savoir-faire liés aux parfums de Grasse en phase de finalisation. Ce, afin de pouvoir rencontrer Nadia Bédar, leur directrice. En janvier 2018, nous commencions à travailler avec Nadia. Et, en octobre 2019, je créais l’association.

Le dossier dépasse justement le caractère régional, c’est ce qui en fait sa force ?

C’est ce que l’on appelle le Pays de Millau. Il couvre six départements d’Occitanie, en partie ou en totalité, suivant le chemin de la brebis lacaune. Nous sommes sur une candidature qui représente une filière. Lorsque Nadia Bédar nous a rejoints, elle a immédiatement proposé que notre dossier porte sur l’intégralité de la filière et pas seulement sur la ganterie.

Cette filière, justement, qu’englobe-t-elle ?

L’agropastoralisme, les éleveurs, les tondeurs, les nourrisseurs, les agriculteurs, les vétérinaires, les bergers, etc. y sont inclus. Mais aussi, la connaissance et la transformation des matières premières (mégissiers, tanneurs, coupeurs, teinturiers…) tout ce qui est en rapport avec la terre et les animaux.

Et enfin, l’art de confectionner le gant et le cuir souple (maîtres gantiers, couturiers…). Une filière unique au monde telle qu’elle a été construite permettant de rendre hommage à toutes les personnes qui ont permis à Millau d’avoir du gant. Dans l’esprit de l’Unesco, c’est valoriser des zones territoriales pour les accompagner à créer de la dynamique, à faire de la formation, pour développer de l’école, pour faire de la transmission…

Soyons fiers de notre élevage. Un élevage de terroir, un élevage de qualité, ancré historiquement et durablement sur notre territoire. Sans cet héritage agropastoral en Pays de Millau, nous n’aurions ni fromage, ni matières naturelles et pas de ganterie. Merci à nos éleveurs ?? pic.twitter.com/bRFHcdAe4q

— Olivier Fabre (@fabreolivier) October 6, 2021

En posant cette candidature intitulée "Les savoir-faire des femmes et des hommes liés à la ganterie en Pays de Millau-Occitanie, de l’agropastoralisme à la connaissance et à la transformation des matières naturelles à l’art de confectionner le gant", c’est ce titre-là qui ira jusqu’au bout.

Pourquoi, cela augmente-t-il les chances d’aller jusqu’au bout ?

En amenant sur la filière, nous touchons des dizaines de milliers de personnes, des centaines de familles, un territoire vaste qui va amener de la fierté aussi bien à quelqu’un situé sur les contreforts de l’Hérault que quelqu’un à la limite de la Lozère et de l’Aveyron ou encore dans le Gard, le Tarn ou le Lot. L’unité fait la force, c’est rendre possible une dynamique. Aujourd’hui, ce qui m’anime, c’est défendre le territoire, accompagner les personnes qui travaillent… C’est un travail colossal.

Où en est la candidature ?

Avant de pouvoir déposer une candidature au patrimoine immatériel de l’Unesco, nous devons déposer une fiche d’inventaire nationale auprès du ministère de la Culture. Nous travaillons dessus. Il s’agit notamment d’impliquer les principaux acteurs et praticiens de toute la filière agropastorale. Il y a une notion d’urgence dans ce dossier, celle de préserver la filière. Cette candidature ne parle pas de marque, d’entreprise… Il ne s’agit uniquement que de praticiens et de personnes détenant le savoir, travaillant dans les ateliers, au contact avec l’animal.

Êtes-vous confiant ?

Confiant et serein car c’est un dossier qui séduit Mais je suis conscient de la longue route qui nous attend et des difficultés que nous rencontrerons. Mais l’avantage, lorsque l’on travaille dans le gant, c’est que l’on finit par avoir le cuir tanné. Ce n’est pas la candidature de la ganterie mais d’une filière qui a permis l’existence de la ganterie !

Les prochaines étapes clés de la candidature

Rencontres, présentations, colloques, sont autant de rendez-vous importants qui accompagnent un projet de candidature.

Décembre. Présentation de la candidature à la Fédération des producteurs de roquefort et proposition de lancement d’une journée pilote de l’éducation à la bientraitance animale.

Premier trimestre 2022. Dépôt auprès du ministère de la Culture du formulaire d’inclusion à l’inventaire national du Patrimoine culturel immatériel.

Janvier 2022. Mise en place par l’école Purpan de Toulouse du comité de pilotage quadripartite France-Argentine-Chine-éthiopie du projet de la Chaire Unesco sur la bientraitance animale proposée par l’association Sauvegarde du PCI en Pays de Millau. Il s’agit d’un travail universitaire impliquant des acteurs économiques internationaux d’une durée de 4 ans entre plusieurs pays.

Février-mars 2022. Conférence prévisionnelle au Sénat ou à l’Assemblée nationale sur l’avancement de la candidature en présence notamment de délégués permanents auprès de l’Unesco.

Mars 2023. Dépôt espéré du dossier auprès de l’Unesco en fonction de la décision du ministère de la Culture début 2023.

Novembre 2024. Une reconnaissance espérée.

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