Les seniors, le point noir du chômage en Aveyron

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  • Laurent Paul, directeur de Pôle emploi en Aveyron.
    Laurent Paul, directeur de Pôle emploi en Aveyron. Centre Presse - Guilhem Richaud
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Guilhem Richaud

Si les chiffres du chômage dans le département sont particulièrement bons, avec une baisse significative et durable, la catégorie des plus de 50 ans, elle, reste problématique. Un tiers des demandeurs d’emploi sont effectivement des seniors.
 

Le marché de l’emploi en Aveyron se porte bien. Très bien même. Au troisième trimestre 2021, le chômage est repassé en dessous de la barre des 6 %, obtenant là, son record historique (en pourcentage) depuis plus de dix ans. Le territoire est même redescendu en dessous des 10 000 demandeurs d’emploi de catégorie A. Un chiffre symbolique à mettre en relation avec le très grand nombre de postes actuellement non pourvus dans le département. En clair la dynamique est à la baisse et cela devrait durer. Mais dans ce tableau particulièrement reluisant, il subsiste un gros point noir : l’emploi des seniors. Lors de la dernière mise à jour de Pôle emploi, ils étaient 5 298 inscrits dans les catégories A, B et C, soit environ un tiers (28 %) du chiffre global aveyronnais. Un pourcentage légèrement supérieur au chiffre régional (27 %), quand dans toutes les autres catégories, l’Aveyron est largement en dessous de l’Occitanie. La dynamique est pourtant, dans cette catégorie, là aussi à la baisse.

Pour autant, avec une diminution de 2,2 % sur un an, on est très éloigné de la moyenne globale : -14,8 %. Pour les plus de 50 ans, l’âge fixé par Pôle emploi pour définir l’entrée dans cette catégorie, les choses ne sont donc pas forcément roses. « C’est moins spectaculaire que les jeunes ou pour l’ensemble de la population des demandeurs d’emploi, mais c’est quand même significatif, nuance Laurent Paul, le directeur de Pôle emploi dans l’Aveyron et dans le Tarn. Il y a plusieurs causes à ce rythme moins rapide de retour à l’emploi. » Certaines sont conjoncturelles et d’autres plus structurelles. « La première c’est que j’identifie, dans une dynamique qui a explosé depuis le mois de juin en Aveyron, les premiers retours à l’emploi ont bénéficié à ceux qui étaient le plus disposés à répondre aux besoins immédiats du marché, détaille l’expert. Ce ne sont pas forcément les seniors car on est souvent sur des qualifications ou des métiers qui ne sont plus en lien avec les besoins actuels. »

On est souvent sur des qualifications ou des métiers qui ne sont plus en lien avec les besoins actuels.
Laurent Paul, directeur de Pôle emploi dans l’Aveyron et le Tarn

La deuxième cause est la nécessité de former cette population, dont les compétences ne sont pas forcément adaptées. « Sur les seniors, il y a un passif professionnel, reprend Laurent Paul. Tant mieux, car ce sont des compétences et une richesse professionnelle, mais le plus souvent, il n’est plus adapté au marché du travail. Par exemple, il y a beaucoup de secrétaires sur le marché et quasiment plus d’offres d’emploi dans ce domaine. Il faut qu’on accompagne des projets de reconversion professionnelle qui sont plus importants et plus lourds que pour les jeunes qui n’ont pas de passé, mais qui sont rapidement adaptable pour une prise de poste sur de nombreux métiers. »
La troisième cause, non négligeable puisqu’elle représente environ 15 à 20 % des demandeurs d’emploi considérés comme seniors, est le manque d’entrain de ceux qui approchent de la fin de leur carrière. « Ceux qui sont à quelques mois du bénéfice de la retraite à taux plein, reprend Laurent Paul. Ils ne sont pas toujours dans une démarche de recherche de retour à l’emploi, ce qui peut se comprendre. Mais c’est aussi très dangereux, car il peut y avoir de mauvais calculs. Il faut vraiment sécuriser cet aspect-là. Pour certains, aujourd’hui, la couverture d’assurance chômage ne permet pas d’aller jusqu’à la retraite et ils se retrouvent sans ressource ou à bénéficier du RSA sans avoir encore leur retraite. »

 
 

De la pédagogie autour de la formation

Alors Pôle emploi, en partenariat avec la Région, mais aussi les différentes branches professionnelles, a multiplié, en 2021, les opérations de formation. Au 1er novembre dernier, plus de 5 000 personnes étaient entrées dans un parcours spécifique depuis le début de l’année. « Ce sont des volumes assez importants, reprend le directeur. On essaie de proposer des formations qui correspondent aux besoins des entreprises et du marché local. Même si c’est parfois source d’incompréhension, on n’accompagne pas forcément tous les projets professionnels des personnes. Il faut qu’il y ait une vraie réalité sur le marché du travail. Concrètement, aujourd’hui, on ne va pas enclencher des moyens pour former une personne dans le secrétariat, parce que même si c’est un projet professionnel pour le demandeur d’emploi, il y a de grandes chances qu’on l’envoie dans le mur car il n’y aura pas d’emploi sur le territoire. »
Pôle emploi tente donc d’orienter les seniors sur des parcours de qualification qui correspondent aux besoins des entreprises aveyronnaises, sur un dispositif finalement assez proche de ce qui se fait pour les demandeurs d’emploi de longue durée. « On parle des plus de 50 ans, alors que l’âge légal de la retraite est de 62 ans et demi et que l’âge moyen du départ est entre 63 et 64 ans, détaille le directeur. Cela veut dire que pour certains, il reste encore 13 ou 14 ans à travailler. Ce qui est le plus compliqué pour eux, c’est qu’il faut souvent qu’ils se remettent en question sur leur parcours professionnel. Et ce n’est pas facile car ce sont des personnes qui ont été investies pendant parfois plusieurs dizaines d’années sur des métiers qui ont évolué et qui souvent se pratiquent désormais de manière différente. Il y a des changements de pratiques professionnelles et des qualifications à acquérir pour occuper presque le même emploi. Ça, c’est une remise en cause personnelle qui est parfois un peu compliquée. Il y a également aussi la crainte de repartir sur des secteurs d’activité qu’ils ne connaissent pas. Il faut qu’on arrive à démystifier la formation. Certains ont presque l’impression qu’on va les remettre à l’école et ça, ça fait un peu peur. La volonté est là, mais il faut qu’on arrive à éteindre les craintes. On a un gros travail de pédagogie à faire. »

Les entreprises vont devoir s’adapter

Du côté des entreprises, Laurent Paul assure que les mentalités ont évolué et que les freins à l’embauche des plus de 50 ans, qui étaient réels il y a quelques années, ne sont plus là. « Il y a eu un vrai virage, assure-t-il. Les employeurs, il y a quelques années, préféraient investir sur les jeunes en se disant qu’ils étaient dans un objectif à long terme. Aujourd’hui, bien souvent, on ne capte presque plus un salarié pour 15 ou 20 ans. Les mentalités ont changé. On voit des jeunes qui ne souhaitent pas de CDI parce qu’ils ne veulent pas s’engager sur du long terme. Avec les seniors, ils ont des personnes qui connaissent le monde du travail, qui maîtrisent les qualités nécessaires à l’exercice d’une activité, l’autonomie, le savoir travailler en équipe, le respect des contraintes horaires… » Reste la question du salaire. On ne paye pas quelqu’un qui a 30 ans d’expérience comme une personne qui prend son premier emploi. Pour Laurent Paul, les employeurs s’ils veulent continuer à se développer, seront bien obligés de prendre cette donnée en compte. « Je pense qu’elles n’ont plus trop le choix, souffle-t-il. On dispose de peu de ressources disponibles pour répondre aux besoins des entreprises. Il faut donc que tout le monde fasse un pas : que les demandeurs d’emploi aillent se former pour avoir les qualifications demandées par les entreprises et que les entreprises soient moins exigeantes dans leur recherche du mouton à cinq pattes et s’interrogent aussi sur leurs conditions de travail, les préjugés qu’il peut y avoir, les salaires… »
Finalement, le contexte d’un marché de l’emploi sous tension, avec une demande très importante, devrait permettre de diminuer, dans les prochains mois, le chômage des seniors.

Et résoudre au moins partiellement, la dernière anomalie du chômage en Aveyron.

les chiffres de l'emploi en Aveyron

  • 6 % C’est le taux de chômage actuellement en Aveyron. En Occitanie, ce chiffre est de 9,4 %.
  • 27 % C’est le nombre pourcentage d’entreprises aveyronnaises (9 500) qui ont manifesté l’intention d’embaucher au moins un salarié en 2021.
  • 9 600 C’était le nombre de demandeurs d’emploi de catégorie A (sans aucune activité) en Aveyron à la fin du troisième trimestre. Il s’agit d’une baisse de 14,8 % sur un an. Il y avait 18 200 demandeurs d’emploi en catégorie A, B et C, les trois principales, à la fin du mois de juin 2021 (dernière donnée disponible).
  • 11 400 C’était le nombre de chômeurs indemnisés en Aveyron à la fin du mois de mars 2021 (dernière donnée disponible). En moyenne, ils touchent 1 100 €.
  • 14 C’est la durée moyenne d’indemnisation d’un chômeur en Aveyron.
  • 13 700 C’est le nombre d’offres d’emploi qui ont été déposées sur le site de Pôle emploi entre le 1er septembre 2020 et le 31 août 2021. Il s’agit d’une progression de 20 % par rapport à la même date en 2019, avant le début de la crise sanitaire. En Occitanie, ce chiffre est en diminution de 9 %.
Source : Diagnostic territorial de l’emploi en Aveyron publié par Pôle emploi début novembre 2021.
 
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