L'appel de 3 000 magistrats signé par la vice-présidente du tribunal de Rodez
Dans la tribune, les magistrats dénoncent l’approche "gestionnaire" de la justice et évoque une réalité du quotidien, bien éloignée de l'objectif de rendre "une justice de qualité".
"Nous ne voulons plus d’une justice qui n’écoute pas et chronomètre tout". Le message est clair.
Plus d'un tiers des magistrats en exercice, à la parole si rare dans notre pays, se sont réunis pour signer une tribune dans le quotidien Le Monde ce jeudi. Ils sont 3000 en tout, parmi lesquels Sylvie Rouanne, vice-présidente du tribunal de Rodez. Elle est la seule des 13 magistrats du siège et des quatre au parquet à s'être engagée dans cette tribune dénonçant les conditions de travail et alertant sur le mal-être grandissant des juges, substituts et greffiers. Les signataires y détaillaient le « dilemme intenable » auquel ils se trouvent confrontés : « Juger vite mais mal, ou juger bien mais dans des délais inacceptables. »
Le collectif a regretté une « vision gestionnaire de (leur) métier » et souligné le manque de temps pour traiter les dossiers. Les magistrats citent notamment des audiences surchargées, des arrêts maladie qui se multiplient parmi le personnel judiciaire, des audiences classées sans suite ou encore l’obligation de traiter des affaires de divorce « en quinze minutes » sans pouvoir donner la parole aux parties. Ils citent surtout le cas d’une de leurs anciennes collègues, Charlotte, 29 ans, dont ils regrettent le suicide fin août, après deux années « éprouvantes » à être « envoyée de tribunaux en tribunaux pour compléter les effectifs des juridictions en souffrance du Nord et du Pas-de-Calais ».
Une trentaine des signataires - auteurs de la tribune, magistrats du siège et du parquet, juges d'application des peines, juges d'instruction... -, ont été reçus place Vendôme ce vendredi par le garde des Sceaux, Eric Dupond-Moretti, pendant "un peu plus de trois heures", a déclaré le ministre à la presse, à l'issue de cette réunion. Il a dit avoir entendu "un témoignage émouvant, très fort, notamment sur leurs conditions de travail, sur la charge de travail". "J'ai souhaité avoir un dialogue régulier avec eux. Le dialogue institutionnel avec la Chancellerie se fait bien sûr avec les chefs de cour et de juridictions, et sans renier ce dialogue absolument indispensable, il est essentiel que nous soyons aussi au plus près et au plus proche du terrain. Nous nous reverrons donc très prochainement", a ajouté M. Dupond-Moretti, qui a lancé il y a plusieurs semaines les états généraux de la justice.
A noter que des avocats ont également apporté ce vendredi leur soutien à l'appel des magistrats et greffiers dans une tribune publiée sur France Info, dans laquelle ils dénoncent également le manque de moyens de la Justice et "une conception gestionnaire de ce service public".
J'ai déjà un compte
Je me connecteVous souhaitez suivre ce fil de discussion ?
Suivre ce filSouhaitez-vous recevoir une notification lors de la réponse d’un(e) internaute à votre commentaire ?